Cette annonce récente de la chancelière allemande, Angela Merkel, a fait beaucoup de bruit. A savoir cette décision de fermer toutes les centrales nucléaires allemandes, en 2022. Le sujet a été largement évoqué dans la presse et notamment dans la dernière chronique matinale, réunissant Eric Zemmour et Vincent Parizot, qui me sert souvent de fil-conducteur, au travers de mes billets. Il a été expliqué que cela créerait des emplois et comme l'affirmait récemment à Washington, l'ambassadeur d'Allemagne à son homologue français, Berlin espérant convaincre aussi le reste du monde. L'ambassadeur de France rétorquant lui, que les relations Paris - Berlin en restaient au beau fixe, mais que la France ne comptait nullement remettre en cause son programme nucléaire, mais travailler à l'optimisation des normes de sécurité, et ajoutant avec tact, que les questions d'ordre énergétique relèvent du pré-carré national.
Pour la petite histoire dans l'histoire, on raconte également qu'à la suite de la catastrophe de Fukushima, à l'occasion d'un sommet, apprenant la nouvelle, Angela Merkel avait pris à part Nicolas Sarkozy, lui annonçant que l'Allemagne sortirait du nucléaire. Ce qui lui avait valu les moqueries du président français. On prédit les risques de déstabilisation liées à cette décision, dans l'Europe de l'énergie, poussant les Allemands à se fournir en gaz russe et à acheter notre électricité, provenant à 85 % du nucléaire. Et qui est aussi la moins chère en Europe, la hausse des tarifs de l'électricité n'étant pas à chercher dans la réflexion de nos vieilles centrales, mais dans la politique de concurrence énergétique, obstinément poursuivie par Bruxelles. Mais Angela n'en a cure, et se moque des sarcasmes, elle ne suit que ce qu'elle croit être les intérêts de l'Allemagne, du peuple allemand, et accessoirement ses intérêts électoraux. Sa majorité est fortement fragilisée, comme partout en Europe, d'ailleurs. Ses intérêts et prises de position, peuvent ensuite être bien ou mal compris. L'Allemagne compte sept centrales nucléaires sur son sol, dont deux dans le Bade-Wurtemberg, ce Länder allemand - fief industriel d'Ammler et de Porsche, où le parti écologiste allemand a opéré récemment, cette fameuse percée électorale. Mais la problématique de fond, va même au-delà des apparences, outre-passant l'épineuse question énergétique. C'est encore une fois, “la théorie du passager clandestin“, théorisé et mise en application déjà par le chancelier Schroeder, quelques années plus tôt, à propos de la question monétaire.
Le plan de rigueur salarial, d'il y a dix ans, relevait de la même stratégie Outre-Rhin. L'industrie allemande exportait à tout va, profitant de la consommation élevée chez ses voisins, et freinant la consommation par la rigueur salariale, limtant fortement les importations. L'Allemagne répond ainsi, de plus en plus, à ses intérêts, en matière budgétaire, monétaire, énergétique, diplomatique. Vingt-deux ans après la chute du mur de Berlin, en 1989, elle se forge peu à peu, une nouvelle souveraineté. Nous l'avons déjà vu, lorsque les Allemands refusaient à la mi-mars, de s'associer aux Français et aux Anglais en Lybie, les scandalisant au passage. D'ailleurs, dans un étonnant chassé-croisé historique, en 2005, la cour constitutionnelle allemande décidait de la modification de toute disposition européenne, contraire à la constitution allemande, afin qu'elle puisse s'y soumettre. Dans le même temps, les Français modifiaient leur texte supprême, pour l'adapter au traité européen. Nous poursuivons la chimère et l'utopie, d'une Europe géante de demain, dans cette théorisation du monde multipolaire. Tandis que l'Allemagne, elle, la met en pratique, à son échelle, obsédée uniquement par sa place dans la mondialisation, en tant que grande puissance exportatrice, parmi les géants de demain : Chine, Inde, Brésil… Et l'Allemagne a soumis l'Europe à son modèle : qui paye, commande, telle est sa devise.
Aujourd'hui, elle paye pour sauver les Grecs et les Irlandais, parce que la mort de l'euro, l'amènerait à un mark surévalué, enrayant sa formidable machine exportatrice. Comme le dit si bien, Eric Zemmour : “De la souveraineté, nous conservons les apparences. Mais en Allemagne, on en découvre de jour en jour, la réalité”.
J. D.