Jesse James, hors-la-loi notoire et figure populaire des Etats-Unis de la fin du XIXe siècle, a été le sujet d’un nombre pléthorique d’œuvres musicales, littéraires ou encore cinématographiques. En l’espèce, « l’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » est l’adaptation du roman éponyme de Ron Hansen par le scénariste et réalisateur Andrew Dominik, déjà auteur du long-métrage « Chopper », une autre histoire de criminel célèbre.
L’histoire s’ouvre sur l’attaque d’un train. Pour cette opération, Jesse James et son gang font appel à des petites frappes locales. C’est ainsi que Robert Ford, alors âgé de 19 ans, fait la rencontre de son idole. Intrigué par ce jeune homme, Jesse James le fait entrer dans son univers sans savoir que cette rencontre va leur sceller un destin tragique.
Le scénario d’Andew Dominik est un prétexte à traiter de l’ambiguïté des rapports humains. Il pose les bases d’une rhétorique à des années lumières d’un quelconque western et qui relèverait plutôt d’un drame onirique et existentialiste. Le long-métrage traite également du paradoxe très américain d’élever au rang de héros un voleur et meurtrier notoire sous prétexte de sa célébrité tout en fustigeant celui qui l’assassina, au point même de condamner son existence. Néanmoins, cette critique du sensationnalisme est encroûtée par un rythme très lent qui n’est justifié ni par un discours pertinent ni par un sens particulièrement profond. Cette impression d’inutilité du récit est entretenue par la narration des derniers instants de la vie de Jesse James qu’il consacre à la poursuite à travers le pays de ses complices pour les tuer.
Contemplatif et long, perclus d’images bucoliques qui lorgnent allègrement du côté du cinéma de Terrence Malick, le film d’Andrew Dominik est toutefois une belle réussite visuelle, en grande partie grâce à Roger Deakins, directeur de photographie légendaire. Il y a une vraie cohérence artistique avec la récurrence des mêmes effets de mise en scène : distorsion, flou, surexposition, etc. Les plans de coupe sont exceptionnels et de manière générale « l’assassinat de Jesse James » transcende les décors naturels magnifiques du Canada. Il faut en outre saluer le travail formidable de reconstitution (décors, costumes, etc.) ainsi que les efforts fournis en faveur de l’authenticité et de la légitimité de l’œuvre. La musique, signée Nick Cave et orchestrée par Warren Ellis, est en tout point remarquable, nous gratifiant d’un thème récurrent entêtant et garantissant une ambiance très réussie.
Niveau interprétation, Brad Pitt (également producteur du film) évolue dans un registre qu’il connaît par cœur, celui du héros charismatique mystérieux et adulé. S’il ne fait que confirmer une fois de plus son immense talent, il est très loin de fournir une prestation exceptionnelle et montre surtout qu’il a beaucoup de métier. Il se fait littéralement voler la vedette par Casey Affleck dont la composition nécessite de mobiliser infiniment plus de talent que le rôle de Brad Pitt. Sam Shepard et Sam Rockwell complètent notamment une distribution haut de gamme et toujours juste.
Manquant cruellement d’émotion, « l’assassinat de Jesse James » est une expérience cinématographique intéressante dont le sens ne prend forme que vers la fin, au bout d’une interminable narration de près de 2h40. Restent de belles images, un casting sérieux, une reconstitution réussie et une intrigante rhétorique… Dommage que l’indulgence du spectateur soit mise à rude épreuve.