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La justice comme limitéité.

Par Jjs

Ci-dessous, extrait d'une conférence faite à Aix en Provence en Aout 2006 qui fait le lien entre la notion de justice et celle de limite....Bonne lecture pour ceux que ces questions intéressent...


Résumé et introduction
La tâche du philosophe politique et du droit est de réfléchir sur les fondements du droit, de la loi ou de la politique. Il y a deux droits : l'idéal et le "réel" ou droit "positif". Notre propos n'est pas , dans cet article, d'interroger le droit tel qu'il est mais de l'envisager tel qu'il devrait être. Cet idéal constitue un horizon à dessiner pour un droit qui semble ne plus  vouloir exister que pour lui-même en n'ayant aucune fin ou en les masquant à lui-même et/ou aux autres.
Notre projet , dans ce texte, est de soutenir que  la fondation idéale du droit ne peut être autre que la justice et notre idée est de définir celle-ci comme limitéité. La limitéité s’entend comme le point focal à partir de quoi se légitime l’idée de limite. Nous nous proposerons donc de définir plus en détail ce point- concept de limitéité. Les raisons qui nous ont conduit à considérer que ce terme est le plus adéquat qui soit(selon nous) pour définir l‘idée de justice sont doubles : a) Le "droit" positif dans sa structure même paraît nous conforter sur son existence et sa nature de fondement indépassable. b)De plus- surtout pour ce qui concerne notre propos dans le présent texte - cette définition permet de réunir les deux conceptions majoritaires aujourd’hui en philosophie du droit et de la justice d’Europe continentale :le positivisme et les théories rawlsiennes et post-rawlsiennes.
Or nous pensons qu'il est difficile de saisir la réalité "effective" et "ontologique" du droit sans interroger et les juristes et les philosophes qui doivent réapprendre à communiquer autour d'une philosophie politique et juridique enfin décidée à renouer des liens avec les non-philosophes. Nous considérons de plus, que notre "ultra-modernité"( selon le mot de Y C Zarka) (1) est effectivement en crise car elle rejette à la fois la conception éculée du prétendu contrat social hérité des lumières mais également parce qu'elle n'adhère pas plus ( à tort ou à raison mais il est difficile de convaincre autrui que l'héritier désigné est le juste dirigeant si autrui n'y croit pas)  au fondement de la souveraineté sur la logique de l'héritage. Elle est en crise car elle recherche un méta-fondement légitime pour fonder les concepts essentiels du politique - la justice étant l'un d'eux- (si ce n'est le premier sans doute).
En conséquence, il nous faut donc trouver un fondement au fondement et celui-ci ne peut être que l'accord réel - non fantasmé- des plus avertis sur le sujet aussi divers que soient ces avis.
De ce fait,nous examinerons les théories aujourd'hui dominantes chez les juristes et les philosophes(positivisme et post-rawlsisme) sous l’angle de leur permanence, mais aussi de leurs atouts et de leurs manques et nous rechercherons surtout le point convergent autour duquel il paraît envisageable de les réunir sans les convertir de "force". 
En effet, la définition de la justice que nous proposons se construit à partir des atouts et des manques de ces théories mais surtout à partir de ce sur quoi nul ne peut douter lorsqu'il évoque l'idée de justice, ce même si cet accord repose sur de trés faibles bases ( mais rien ne dit que la justice ne soit pas un fil trés faible et trés tenu, aussi fragile que l'est une vie d'homme peut-être qui sait. Sa "force" d'ailleurs réside peut-être dans cette fragilité là  ?) .
Nous placerons ensuite la théorie proposée sous le « feu » de la lecture croisée avantages/inconvénients, comme nous l’avons fait, pour les deux théories opposées et dominantes. Nous verrons notamment que la doctrine de la justice comme limitéité n’exclut pas l’idée de justice distributive, d’équité ou d’égalité, de liberté ou de solidarité. Elle considère seulement que les idées en question sont soit des conséquences de la définition proposée, soit des concepts proches de l’idée de justice mais distincts de celle-ci. En conclusion, nous insisterons sur le fait que,  tout ayant sa limite, et la justice étant ce qui permet de juger la limite de tout,  celle-ci doit se juger elle-même et est limitée.  En conséquence, nul ne doit vouloir être juste à l’excès car un tel excès détruit l’idée même de justice.
I) Permanence, avantages et inconvénients des deux courants dominants.
A) Avantages et inconvénients des théories positivistes
De nombreux philosophes contemporains mais aussi quelques juristes critiquent le positivisme juridique(1a). Ces critiques sont fondées. Notre propos n’est donc pas ici de défendre les thèses positivistes mais de les écouter. En effet, ces thèses sont respectables. Elles présentent surtout de réels avantages qui ne doivent pas être oubliés. Si nous nous dispensons de cette écoute, nous risquons en effet d'une part de faire le "lit" d'adversaires plus redoutables que  les partisans de cette doctrine qui est légitime en quelques points et d'autre part et surtout de "faire l'impasse" sur les raisons historiques profondes ( la réaction à l'absolutisme d'un Filmer ou du décisionisme ambigu d'un C. Schmitt étant une de ces raisons) qui ont motivé l'émergence d'une telle théorie en oubliant également d'interroger par la même les vraies/fausses raisons invoquées par les adversaires démaguogues de cette doctrine qui ont été brutalement écartés  et donc faussement peut-être. Ce sont donc les  avantages du positivisme qu’il nous faut exposer avant que d’étudier les inconvénients de cette théorie. Mais auparavant, il importe de dire quelques mots, sans souci d’exhaustivité, le concernant.
Le positivisme s’est véritablement affirmé comme doctrine dominante chez les juristes d'Europe continentale au XIX (en Allemagne et en France avec l'école de l'exégèse qui lui ressemble en bien des points)  puis surtout au XXème siècle. Différents auteurs le représentent et les plus fameux sont aujourd'hui Hans Kelsen ou Carré de Malberg(2). Des positivistes français plus modérés ont  également soutenu cette doctrine  H. Motulsky (3) mais également des italiens comme N. Bobbio notamment.
Malgré leurs spécificités, ces doctrines présentent un point commun : elles placent la loi au centre du droit (4). Pour le positiviste juridique, l’essentiel du  droit est  la loi. Ces auteurs se dénomment ainsi positivistes car ce qui les intéresse c’est le « droit positif », c’est-à-dire comme l’écrivaient les juristes français J. Ghestin et G. Goubeaux : « (le) droit appliqué effectivement à un moment donné dans un pays donné » (5). Ils ont des points communs avec les positivistes de l’école de Vienne(6), notamment  dans leur désir de proposer une approche scientifique du droit et leur rejet de toute métaphysique. Mais il est juste de ne pas tout à fait confondre les deux philosophies car elles ne poursuivent pas les mêmes fins.(7)
Les positivistes se caractérisent par le fait, entre autres, que les spéculations sur ce qui est juste ou ne l’est pas, ne les intéressent pas (en tout état de cause lorsqu'il s'agit de s'interroger sur l'être du droit, son "ontologie") . Comme le rappelle Kelsen, pour le positiviste : «  une norme juridique n’est pas valable parce qu’elle a un certain contenu » mais «  parce qu’elle est créée d’une certaine façon et plus précisément en dernière analyse, d’une façon qui est déterminée par une norme fondamentale, norme supposée» (7a). C’est donc la forme, non le fond, qui distingue le droit des autres concepts approchant pour le positiviste.
1) Les avantages de ces théories sont liées à ce formalisme positiviste. En effet  a) Ces doctrines sont « positives » en ce sens qu’elles étudient le droit, non pas tel qu’il devrait être mais tel qu’il est effectivement. Le positivisme croit à la connaissance « utile » et en ce sens, il est « cartésien » (8). Ce goût pour la connaissance utile est particulièrement affirmé chez les juristes qui recherchent avant tout l’efficacité et reprochent aux philosophes de ne pas leur offrir des pensées « opérationnelles », immédiatement utilisables pour leur pratique quotidienne.(9). De plus, il peut dans de nombreuses situations nous guérir d 'un idéalisme salutaire le concernant et cette crainte de l'idéalisme est sans nul doute essentielle pour le positiviste et nul ne doit le blâmer à cet effet . b)  Malgré cela, le second - et le plus essentiel - des avantages de la philosophie positiviste reste cependant son souci appréciable de neutralité axiologique.
Le positivisme juridique s’est construit contre les philosophies du droit qui confondaient,selon lui,  philosophie et idéologie, droit et politique. Il avait à son origine pour projet de lutter contre les visions trop marquées du droit . Kelsen écrivait d’ailleurs en préface de sa grande oeuvre, dans l‘Allemagne de mai 1934,  que le droit « pur » s’entendait selon lui comme : « épuré de toute idéologie politique ». (10).
Une doctrine qui recherche ainsi , et qui prétend trouver, le moyen de rendre le droit plus neutre ne peut être méprisée. Surtout, lorsque l’on tient compte du fait que, pour la majeure partie d’entre nous, les concepts de justice et d’impartialité entretiennent des liens étroits .
Le reproche le plus grave que l’on puisse d’ailleurs faire à une justice serait sa partialité. Nul ne peut donc faire grief à Kelsen de son souci de neutralité, surtout pour qui connaît les circonstances politiques dans lesquelles il fut amené à réfléchir au droit et les adversaires peu reluisants qui furent les siens. L’ambition de neutralité kelsenienne donne une valeur inestimable aux travaux de ce dernier. Cependant, cette thèse ne nous convainc qu'à moitié et nous souscrirons aux différentes critiques qui sont adressées au positivisme.
2)En effet des critiques,selon nous décisives, peuvent être formulées à l’encontre de cette doctrine. a)le premier inconvénient de cette théorie est que, pour clarifier le concept de droit, il lui a fallut appauvrir celui-ci (11). Droit positif et loi ne peuvent être confondus. Dans l'esprit de tout juriste, le concept de droit est plus énigmatique, plus subtil que celui de loi, sans doute y attache-t-il un souci de "droiture" mais également certaines coutumes,  ce qui se fait ou se dit "au palais", l'équité. La jurisprudence, la doctrine juridique, les interprétations dominantes constituent donc tout autant le "droit positif" que la loi. De même, les représentations dominantes qui se font jour à un moment donné dans une société contribuent-elles à la formation de ce droit. Le positivisme s’égare donc dans la définition du concept essentiel qui fait l'objet de son approche "scientifique" (12) . Un positivisme éclairé qui pousse son analyse sur le sujet admet d'ailleurs - tel Bobbio notamment - que lorsque deux lois se contredisent, c'est la solution la plus juste que doit rechercher le juge pour surmonter cette contradiction. Il admet donc  que le droit ne peut pas être tout à fait coupé du juste et que le jugement reste essentiel pour la mise en oeuvre de celui-ci.(12a)  
De plus, outre l’erreur épistémologique à laquelle la démarche positiviste conduit, la réduction opérée par ce dernier entre droit et loi est d’autant plus dommageable qu’elle risque de transformer le juriste en exécutant. Elle peuvent confiner ce professionnel dans un simple savoir d‘expérience, l‘écarter peu à peu de ce statut « d‘homme de l‘art » tel que le concevait Aristote qui pensait que « ceux qui se conduisent par les règles de l’art sont plus éclairés et plus sages que ceux qui ne suivent que l’expérience seule » car selon lui, celle-ci  : «nous apprend simplement que la chose est mais elle ne nous dit pas le pourquoi des choses »(13).
Le positivisme pose donc problème. Il risque par trop, d'éloigner le juriste du « pourquoi » du droit. L. Strauss avait indéniablement raison sur ce point.(13a). En agissant  de la sorte, une telle doctrine peut avoir pour effet de le rendre dans l'incapacité de faire son "métier" sereinement lorsqu'il devient pour lui nécessaire d'interpréter" les textes contradictoires ou inadaptés qui sont moins rares qu'on le prétend. Pour certains juristes, il aurait même des effets plus périlleux encore. Faisant état d'un certain désaroi, un professeur de droit, écrivait sans détour à son sujet récemment : « à force de décrire le juge comme un serviteur servile de dispositions légales directement applicables aux circonstance de fait et qu’il se contenterait de suivre à a la lettre, l’idéologie contemporaine ( le positivisme) a engendré des juges qui peuvent se réfugier derrière la lettre de la loi pour renoncer à toute analogie, à toute interprétation voire à toute recherche de justice. Encore n’adoptent-ils cette attitude que de façon intermittente lorsque les circonstances ne les conduisent pas à se libérer purement et simplement de la loi(sic !)… S’il faut appeler positivisme la tendance à voir dans le droit des réponses et non des questions…Il n’a pas seulement envahi le discours des juges et celui des praticiens, auxiliaires de justice…Il a investi l’enseignement de la théorie juridique » (13b)
b)  Outre les inconvénients, sus indiqués, le deuxième inconvénient du positivisme est sa naïveté (14). Il est naïf en effet de vouloir prétendre couper la philosophie du droit de la philosophie politique. Les conceptions politiques sont toujours sous-jacentes et les taire ne les fait pas disparaître. Cette « taisance » est au mieux une volonté d’éviter l’affrontement qui peut être signe de faiblesse. De plus en contraignant les juristes à oublier la justice, elle leur interdit une recherche sur un thème pourtant fécond pour les aider «  au soin d’eux-mêmes ». De même, cette coupure ainsi créée entre philosophie du droit et philosophie politique risque-t-elle d'être pénalisante épistémologiquement parlant car le détour par le politique peut tout autant nous aider à comprendre le droit. Une telle neutralité est  également illusoire car le noyau dur de cette philosophie du droit n’est, en effet, pas une « ignorance du fait politique » mais une conviction étatiste - voire technocratique -doublée d’une indéniable nomophilie qui sont-elles-mêmes des projets politiques. Enfin, sous couvert d'une opposition à un certain décisionisme proche de celui de C Schmitt, le positivisme reproduit les mêmes inconvénients de cette doctrine du droit si pauvre. Elle ne voit le droit que sous un angle " technique", coupé de ses fins, de sa nature profonde. Elle ne le pense qu'en termes 'd'instrument" (14a). c) En troisième lieu, le dernier inconvénient de ces doctrines est qu’elles affaiblissent le jugement qui vient à occuper une place secondaire par rapport à l‘interprétation. Or il est périlleux de vouloir affaiblir une telle qualité car le bon jugement est l’Accessoire de la vertu ( au sens grec d’Arété, ou d’excellence aristotélicienne)(15). Il est également l’auxiliaire incontournable de ce que les modernes appelaient le « libre-arbitre »(16), lui-même si nécessaire au bonheur de la cité et de l’individu( 17) car il est difficile de fonder une cité heureuse si ses membres ont perdu le sens du juste or ce sens se gagne aussi par un exercice régulier, comme le stagirite nous l'a justement enseigné.
En conséquence, malgré des atouts et le fait, qu'outre ceux indiqués, le positivisme  présente d’indiscutables inconvénients et il appelle donc un dépassement nécessaire.
Nous pouvons toutefois profiter de notre analyse afin de nous interroger sur la raison de la pénétration et du « règne » quasi sans partage du positivisme dans les milieux juridiques d’Europe continentale contemporains .
Sans prétendre épuiser un tel sujet, nous pouvons hasarder ici que les motifs de cette domination sont doubles, selon nous : a) ils sont historiques. Les idées étatistes et « nomophiles », elles-mêmes fondatrices du positivisme, ont toujours exercé un attrait dans nos pays. (18). Les peuples du bloc « Romano-germanique » ignorent  la distinction anglo-saxonne:  common law et équity.(19) Dans ces pays, la Loi a toujours eu une influence conséquente et le positivisme n’a fait que traduire ce courant historiquement majoritaire. De plus, comme le notait fort justement S. Goyard Fabre, le positivisme possède indéniablement un aspect « techniciste » qui lui confère une proximité avec notre «air du temps », fort soucieux -du moins en apparence - de technicité . Cet aspect « formel » peut expliquer son succès (20). b) Mais des motifs plus institutionnels peuvent également expliquer l’emprise contemporaine du positivisme chez les juristes. Par sa « simplicité », l’efficacité dont il  a su faire preuve, il s’adapte fort bien à une société fortement hiérarchisée et éprise du souci du « résultat ». Ce goût du « résultat » et de la « bonne gestion » sont jugés indispensables et/ou  nécessaires dans un système qui s’est massifié à ses deux extrémités : en aval, dans les universités de droit et en amont dans les Palais de justice.(21). c) enfin, cette doctrine rappelle les liens forts qui unissent et doivent unir le droit et la loi. Les juristes responsables ne l'ignorent pas . Il sont justement attachés à "l'état de droit" que la loi symbolise pour une grande part en effet. Pourtant malgré ces succès et ses avantages, le positivisme a peu pénétré la sphère  des philosophes. Ceux-ci paraissent « bouder » une telle philosophie pour l’essentiel. Ce qui fait plutôt débat aujourd’hui en philosophie politique et juridique s’articule autour  des doctrines dites post-rawlsiennes ou post-welfaristes. Il importe, comme les thèses positivistes, de les présenter sous l‘angle de leurs avantages et de leurs inconvénients.  
B) Avantages et inconvénients des théories rawlsiennes,post-rawlsiennes ou post-welfaristes
Par « post-rawlsisme » , nous entendons l’ensemble des théories « contemporaines » anglo-saxonnes qui, de Nozick à Sandel ou  Walzer se proposent de définir le terme de « justice » (22). Dans l’ouvrage qu’il a consacré à ces thèses, W. Kymlicka note les désaccords de celles-ci et les difficultés liées à ces dissensions.(23) Il remarque cependant un point de convergence entre chacune de ces doctrines : leur souci pour l’égalité.(24)
Cette commune aspiration est sans doute le propre de pensées d’un temps « démocratique »( au sens tocquevillien du terme). Il ne s‘agit pas ici de la contester mais de rappeler que, selon nous, un lien plus fort unit les thèses contemporaines sur la justice : leur commune opposition au positivisme juridique(25). Certes leur adversaire premier (surtout celui des rawlsiens) reste l’utilitarisme, mais si celui-ci est mis en avant, c’est parce qu’il demeure le problème majeur des anglo-saxons sur le sujet . Ceux-ci « souffrent », en effet,  beaucoup moins que nous du positivisme juridique.(26) Cependant, l’utilitariste n’est pas leur seul opposant. Le positivisme les gêne et elles le perturbent par sa "technicité" peut-être. Aussi l'attaquent-elles en « son cœur même » en remettant en cause la prétention majeure qui était la sienne de vouloir exclure le juste de la sphère du droit.(27)
De ce fait, ces théories recentrent le débat vers son centre. Elles s’interrogent sur que nous avions oublié ,l’idée de justice, et ce faisant elles présentent ainsi des avantages indéniables par rapport au postivisme .
1) L’avantage premier des doctrines rawlsiennes et post-rawlsiennes est donc bien celui-ci : remettre l’essentiel ( la justice) à sa place, la première dans l'étude de toute philosophie politique et juridique. En procédant de la sorte, ces philosophies redonnent ainsi au droit ( tel qu'il devrait être en tous les cas) sa véritable nature : celui de devoir demeurer un moyen au service d’une fin autre que lui-même et cette fin, elles tentent de la redécouvrir à la lumière de notre histoire et de leurs analyses.  Mais cet avantage n’exclut pas quelques inconvénients .
2) Inconvénients de ces doctrines : a) le  premier d’entre eux reste leur absence de neutralité axiologique . Le but proposé par celles-ci est en effet de proposer une définition de la justice. Or curieusement,dès qu’une recherche de définition s’opère sur ce terme, les querelles et les oppositions surgissent  et avec elles les définitions opposées, donc partiales pour celui qui s‘oppose. La justice est un sujet de débat on ne peut plus  délicat. Il impose la prudence et cette sensibilité que nous éprouvons tous à l’égard de toute définition de ce terme explique sans doute les raisons pour lesquelles les positivistes ont souhaité exclure la discussion sur celle-ci du débat juridique.
Ainsi ce qui était l’avantage de ces doctrines ( leur recentrage autour du vrai centre) devient un inconvénient ( sans doute parce qu'en recentrant justement le débat, ellles risquent de faire passer la justice pour un centre. Or ce concept n'a pas la fixité ou la centralité du centre car, comme nous le verrons  la justice telle que nous allons la définir est  partout, donc nulle part à la fois présente et absente). b) le second inconvénient réside sans doute dans le fait que ces différentes doctrines, qui s’opposent entre elles, donnent une apparence d'indécision  que l’essentiel des juristes récuse par un souci - pas toujours fondé mais souvent réel - d'efficacité pragmatique. Or il est difficile aujourd'hui de penser une philosophie du droit sans à tout le moins tenter de convaincre les juristes et re-créer avec eux un pont qui pourrait être salutaire et au droit et à la philosophie.
Nous le voyons donc les deux théories en question ne sont exemptes ni d’atouts ni d’inconvénients. Pourtant, elles sont aujourd’hui essentielles car majoritaires. De plus, leur importance a une autre cause : l’opposition qui est la leur renvoie à une querelle permanente sur le sujet et cette permanence ne doit pas nous laisser indifférents. 
C)Quelle permanence dans le débat qui oppose actuellement les rawlsiens et les positivistes ?
Cette controverse est nouvelle car,pour la première fois,le débat s’articule entre d’une part une loi sensée être élaborée scientifiquement et d’autre part une justice-projet-de-société, sans relation avec la nature, une raison sublimée, la religion ou une quelconque idéologie particulière. Mais la querelle est ancienne car elle reprend des débats constants sur le sujet.  Les grecs connurent, en effet, l’opposition entre sophistes  ( qui croyaient que la loi n’était qu’une convention ) et philosophes. Les uns croyaient en une justice naturelle alors que les autres la tenaient pour une pure convention (28). Les médiévaux,quant à eux, connurent l’opposition entre machiavéliens et  thomistes ou augustiniens. Les premiers ne croyaient pas en l’idée de justice et l’assimilaient à la force, les seconds avaient foi en une justice divine. Les modernes connurent enfin un débat (proche de celui qui partagea les juristes de la république de Weimar) entre les partisans du pouvoir absolu du monarque ou de l'exécutif et les "légalistes" représentés par les lumières et les partisans du droit naturel.
Le débat positivistes/rawlsiens s’inscrit manifestement au coeur de ce qui est permanent dans ces trois oppositions qui ont dominé leurs époques et c'est en ce sens qu'il n'est pas seulement contingent. Il est le signe d'un débat inhérent à l'idée même de justice qui semble susciter le fait qu'à chaque époque, des partisans d'une certaine idée du "juste" s'opposent à ceux qui croient plus à la force du "pouvoir" et veulent donc "exclure" du débat politique l'idée de justice par elle-même. Les rawlsiens et post-rawlsiens sont donc bien du côté de ceux qui « croient » en cette idée contre ceux qui refusent soit d‘y croire soit de l‘intégrer dans le champ du droit et lui préfèrent le "droit positif". Certes, les positivistes et Kelsen le premier nous disent le plus souvent qu'ils croient en l'idée de justice mais qu'ils entendent l'exclure du droit. Or une telle exclusion a pour effet de la nier et range donc bien les positivistes du côté de ceux qui "doutent" de l'existence du concept de justice.  Le débat est donc en quelque sorte "ancien". La différence, ou le progrès, réside  simplement peut-être ici dans le fait que la définition de la justice qui est proposée , est avec le temps, de plus  en plus épurée . Le « progrès » de la pensée, si il y a,  semble avoir favorisé la simplicité.
De tout ce qui a été indiqué, il paraît résulter que l’idée qui chemine semble bien être celle selon laquelle, a) si la justice pouvait être définie, elle ne pourrait l’être qu’en allant vers le plus de simplicité possible et b) si elle existait elle ne pourrait s‘imposer par la force car si tel était le cas, elle ne pourrait paraître juste.  Tel est  le projet qui est le nôtre,accentuer cette recherche de simplicité  et trouver une définition qui heurte le moins possible son opposé : telle pourrait être selon nous la justice comme limitéité qu’il convient de définir à présent.
II) La justice comme limitéité  
Les querelles d’idées sont toujours favorables mais elles finissent par être pénalisantes lorsqu’elles interdisent le débat plus qu’elles ne le favorisent. Or le dialogue ne peut s’instaurer lorsque chacun se refuse à entendre les arguments de l’autre. Telle paraît bien la situation actuelle - en  France à tout le moins - dans le domaine de la justice et M. Villey l’avait déjà noté en son temps.
Ce dernier chercha en effet à « donner et aux juristes et aux philosophes la part » de torts réciproques qui était la leur dans le divorce constaté entre leurs deux formes de savoir. Aussi s’il écrivit que «  définir les notions essentielles du droit, la fin du droit, les sources principales, la méthode…C’est une œuvre utile aux juristes sans laquelle ne peut fonctionner correctement la science du droit mais qui déborde la compétence des juristes proprement dit qui est du ressort des philosophes » (28a) ou encore s’il rajouta que «  le remède à l’état lamentable de la théorie générale du droit contemporaine, malgré l’expérience malheureuse des trois derniers siècles, nous l’attendons des philosophes " (28b), il ne put s’interdire d’écrire cependant :  «  Si notre théorie juridique nous paraît aujourd’hui fondée sur des principes incertains et inadéquats, s’il existe une crise du langage juridique actuel, ce fut l’effet d’une philosophie déficiente »(28c) ni s’empêcher de reprocher aux philosophes d’ignorer tout du droit.
Les mots furent un peu forts, ceci est certain. La philosophie est plus complexe que cela et moins déficiente que  Mr Villey l’écrivait. Les philosophes qui travaillent sur ces sujets n‘ignorent pas le droit et certains -tel J. F Kervegan- le rejoignent pour partie dans les analyses qu'il propose(28d) . De plus, il existe de remarquables théories sur le droit pensées par les juristes et qui sont de nature à aider les philosophes dans leurs analyses. Mais retenons de ce propos ce qu’il a de plus essentiel : pour poursuivre d’une autre manière, le débat sur la justice: il faut renouer les fils cassés du dialogue rompu entre les juristes et les philosophes. Or pour suivre ici, M Villey, et  tenter de recréer des liens, peut-être serait-il judicieux de repartir des avantages cumulés des théories qu’ils soutiennent. Pour ce faire, dégageons  les points de convergence des deux doctrines qui « séduisent » aujourd’hui le plus les philosophes ( le post-rawlsisme) et les juristes ( le positivisme) : quels sont-ils ?
A) Points de convergence entre positivisme et post-rawlsisme
Malgré leurs oppositions ces doctrines peuvent être rapprochées sur deux points : 1) leur « rousseauisme » mais un rousseauisme au sens du Rousseau du  Chapitre III  Livre I du contrat social (29). Pour ces deux doctrines, un point est en effet certain : la justice ou le droit ne peuvent s’assimiler à la force. Pour les rawlsiens ou post-rawlsiens ( même pour un auteur comme Nozick lorsqu’il évoque sa clause lockéenne)(30).
Une réserve sur ce point peut être opérée pour les positivistes. Pour eux en effet, un droit du plus fort reste un droit dès lors qu’il présente les caractéristiques formelles du droit.Mais, les positivistes seront alors d’accord avec Rousseau. La force ne se manifestera pas ici de manière « brute » ou « directe », elle s’exprimera sous les apparences d’une règle « générale et abstraite » en apparence impartiale. (30a)
Si nous poussons la logique de ce lien jusqu’au bout alors il est  donc indéniable qu’aucune définition de la justice ne sera possible si une personne se sent » « forcée »  ; si elle se sent contrainte dans son acceptation de ce qui est juste ou non pour elle.
2) Le second point commun de ces deux catégories de doctrines est moins discutable. Le deux admettent qu’il existe un lien indéniable entre le droit, la justice et l’idée de limite.En effet pour le rawlsien ou le post-rawlsien, la limite, ce qui n’est pas acceptable sera ce qu’il juge injuste. Les variations dépendront ici de la définition qu’ils entendent donner à l’idée de ce qu’est la justice. En revanche pour les positivistes, la limite à ne pas dépasser sera celle de la loi. Les uns tiennent l’illégitime pour la limite alors que les autres se retranchent derrière l’illégal mais tous deux tiennent l‘idée de limite pour essentielle.
Partant de ces deux points communs, il est peut-être possible de proposer une définition de la justice qui d’une part ne force pas les individus et d’autre part prenne en compte l’idée de limite. La question de la force paraît essentielle ici pour cette détermination d'un terme redoutable par lui-même.
La recherche soit de l'unanimité  soit du plus grand accord ( celui-ci pouvant peut-être s'opérer par la détermination du plus petit commun dénominateur à défaut) est requise en ce domaine plus qu’en n’importe quel autre selon nous. En effet, au nom de la justice : nous condamnons,  nous jugeons, nous culpabilisons, nous  emprisonnons, nous tuons ou déclarons la guerre à nos voisins. Si la justice n’est pas la force, il y a une force dans l’idée de justice et cette force ne doit pas être cumulée avec une autre qui viendrait en quelque sorte se superposer à elle. Cette "force" redoutable de la justice impose donc prudence extrême pour celui qui cherche à la définir.  De ce fait, ici plus qu’ailleurs les recherches d'harmonie restent nécessaires. Or il nous apparaît que la définition de la limitéité peut permettre de parvenir, si ce n'est à l'unanimité  à tout le moins à l'accord du plus grand nombre et ce même sur le plus petit point. Celui-ci, même s'il est minime, nous suffit s'il permet de trancher en toute impartialité dans les cas difficiles. Il est essentiel, s'il consacre un accord réel plus que fantasmé.
B) Définition de la limitéité
Il y a une idée de limite dans la justice, mais la justice ne peut être en soi la limite. L’idée de justice renvoie à une fondation qui justifie d’une part, pourquoi d‘aucuns sont autorisés à juger et d‘autres à légiférer et d’autre part, pourquoi ces lois et ces jugements ont force obligatoire. La justice est donc le fondement de quelque chose.
Dans l’idée de droit ou de justice, chacun s’accorde pour considérer qu’il existe toujours une limite.  En conséquence, si la justice est fondement elle ne peut être autre que ce « point focal » à partir duquel se justifie l’idée de limite. Or ce fondement n’a d’autre nom que limitéité.
La limitéité est un point  obscur ( ou destiné à le demeurer ?) à partir duquel se justifie  l’existence de limites pour les êtres, les concepts, les choses.
En la définissant de la sorte, il est difficile de la tenir pour un leurre car si le mot même de leurre existe c’est qu’il a une signification et s’il a une signification c’est qu’il est déterminable, limitable. Ceux même qui évoquent les leurres ne peuvent donc nier l’existence des limites or il faut bien quelque chose qui puisse caractériser et fonder ce qu’est la limite et pourquoi l’on parle d‘un tel terme. Ce quelque chose est la justice ou limitéité.
Partant de cette définition de la justice, comment dès lors savoir si une liberté est injuste ou s’il est fait un usage injuste de la liberté ?
Pour le savoir il faut envisager deux niveaux a) une vision « irritée » ou stricte de l’injustice nous poussera à considérer qu’il y a un usage injuste de la liberté lorsque celle-ci est utilisée au-delà des limites de ce concept ; lorsque l’on corrompt le terme et qu’il lui est fait perdre toute signification ( par exemple ici on utilise la liberté en niant même l’idée de ce terme pour autrui par exemple) ; b) une vision plus « tolérante » considérera qu’il y a usage injuste de la liberté si non seulement les limites du concept sont dépassées mais surtout si ce dépassement est telle que l’on fait perdre tout sens au mot, qu’il deviendra impossible par la suite de pouvoir fixer des limites à ce terme ou pour évaluer les éventuels dépassements de limites le concernant( par exemple si la corruption du terme est telle que si elle était acceptée il ne serait plus jamais possible de parler de liberté).
De même autre exemple, si l’on adopte la définition proposée : comment savoir si nous nous sommes comportés de manière injuste envers une personne ? Dans ce cas, il faut également choisir entre les deux options possibles a) si nous optons pour la vision « irritée », il faut se demande si les « contours » de cette personne, ce qu’elle est ont été ignorés ( par exemple, a-t-on nier sa singularité, ses désirs les plus légitimes?) , b) si nous choisissons  la version plus « tolérante », il faut simplement se demander si ce qui a été imposé à la « vctime » est de nature à rendre impossible toute détermination de ses limites propres  ou évaluer tout dépassement de limite à son égard ( par exemple cette négation rend elle impossible par la suite toute évaluation de sa personnalité dans le futur ?)
Cette définition proposée quelles sont les conséquences de celle-ci dans sa relation avec des concepts qui s’en rapproche ?
C) Conséquences de la définition proposée par rapport aux liens qu’entretient la justice avec des concepts proches. Elles sont au nombre de quatre  :
1)la conséquence du lien justice/égalité/liberté/solidarité. Cette définition ne prétend nullement remettre en cause des valeurs fondamentales telles que la liberté, la solidarité ou l’égalité. Elle ne prétend pas non plus remettre en cause toute idée de justice corrective ou distributive. Elle rappelle simplement que la liberté ou l’égalité ne doivent pas être confondues avec la justice. Il s’agit ici de concepts distincts dont les limites doivent être évaluées . La justice est donc ce qui nous autorise à nous demander si il a été ou non fait un usage juste de la liberté, de la solidarité ou de l’égalité mais elle est aussi ce qui nous autorise à juger l’usage juste de la « vérité », de l’amitié, etc.. Elle n'est ni la liberté, ni la solidarité, ni l'égalité qui sont des valeurs fortes mais distinctes de celle-ci.
2)La conséquence sur le lien justice/force. Le fait que la justice soit la limitéité explique en effet et la force qui s’attache à l’idée de justice  et le fait que celle-ci ne peut s‘assimiler par la force.  Nous dire que d’aucuns pourraient ignorer ce qui fonde l’idée de « limite » nous révulse car nous savons que celle-ci est à la fois ce qui nous préserve de l’autre et ce qui nous autorise à entrer en relation avec lui. Cette révulsion est à l’origine de la « force »  ou de l’importance que nous attachons au concept de justice.
Cependant, dans le même temps ce point « focal » est insaisissable. A notre crainte de le voir ignoré s’ajoute ainsi la peur que fait naître en nous l’incertitude qui s’attache à son objet.
Cette double peur ne peut que favoriser la violence qui naît de l’obscurité. Si tout ceci s’opère par la force, le cercle est rarement vertueux car la force crée la précipitation qui  favorise soit les méprises ( de notre part ou de celle de nos vis-à-vis), soit les individus qui prétendent l’incarner et en l’incarnant nous rassurer tout en nous gouvernant plus subtilement . Et ces faux amis tout comme ces méprises augmentent l’obscurité et ce à l’infini.  
3) La conséquence du lien justice/impartialité. La justice entretient des relations avec l’impartialité. Le fait qu’elle soit limitéité explique ce lien. L’impartialité qui est requise ici est une neutralité dans le respect des spécificités de chacun( être, concepts, choses), mais aussi dans le droit qui est le sien de se voir reconnaître une singularité et des limites propres à  fonder dans sa spécificité.
4) La conséquence du lien justice et savoir. Justice et vérité sont souvent liés. Lévinas le rappelait dans une phrase rassemblant nos intuitions sur ce point. Pour lui, « La justice est impossible à l’ignorant ».(30b) .En effet, si la justice est limitéité, pour prétendre être juste il faut nécessairement connaître la singularité des concepts ou des individus ou des situations pour pouvoir l’apprécier et la mettre en œuvre sans erreur…
Nous avons étudié les différentes doctrines précédentes sous l’angle de leurs avantages et inconvénients, qu’en est-il à présent de la théorie proposée ?
III) Avantages et critiques envisageables de la définition proposée
Quels sont les avantages et les inconvénients de la théorie proposée ?
A) Avantages de la doctrine
La théorie proposée présente,selon nous, les avantages cumulés des deux doctrines étudiées . En effet a) des doctrines rawlsiennes, il reprend cette idée que dans toute philosophie du droit , ce qui importe est de proposer une définition de ce qu’est la justice, pour permettre aux juristes de déterminer les fondements de leur pratique mais aussi pour prendre des décisions dans les cas difficiles, lorsque les textes se contredisent, etc... b) En revanche, des doctrines positivistes, celle proposée est parvenue,selon nous, à offrir une définition de la justice qui renoue avec l’impératif de neutralité axiologique. La limitéité en effet est dans cette doctrine, proposée, en tant que « point focal » qui fonde l’idée de limite. Mais le point focal reste encore indéterminé, il n’est pas « fermé ». De plus, la nature des limites qui s’originent à partir de lui ne sont pas précisées. Elles peuvent tout autant être naturelles, que conventionnelles ou individuelles ou les trois à la fois. Du point de vue de la neutralité, la définition ainsi proposée est d’ailleurs plus « neutre », nous paraît-il que les doctrines positivistes car celles-ci nous l’avons vu, postulent pour une définition du droit qui incline à une certaine vision technocratique de celui-ci.(31)
Il peut être alors reproché ainsi, en ne contentant qu’à moitié les deux de ne satisfaire totalement personne. Mais en fait, la définition de la justice comme limitéité ne prétend pas satisfaire chacune des doctrines « à moitié ». Elle prétend proposer une définition de l’idée de justice susceptible de concrétiser un accord réel sur ce thème. Elle abandonne ce que peut avoir de factice l'idée de contrat "social" et dans le même temps récuse le côté "autoritaire" des doctrines "décisionistes" ou "absolutistes" qui veulent déterminer le droit à partir de la conception que quelques uns se font de celui-ci. L’idée de limitéité ne remet pas en cause les postulats positivistes puisqu’elle a  pour projet de justifier la raison pour laquelle les hommes ressentent le besoin d’avoir des lois. Ils ressentent un tel besoin pour que ces lois mettent en « forme » l’idée de limitéité dont-ils pressentent la nécessité. De même pour les théories post-rawlsiennes ou rawlsiennes. Pourquoi les auteurs en question recherchent-ils à définir ce qu’est la justice et accordent-ils autant d’importance à ce terme ? Parce qu’ils pressentent que tout se fonde à partir de lui et qu'ils savent qu'à terme une société ne peut perdurer   si chacun trouve trop injuste ceux qui la gouvernent.  La limitéité permet peut-être alors de saisir ce que nous disait Anaximandre lorsque ce dernier écrivait :« tout ce qui est se maintient parce qu’aucun n’est l’illimité ; si un seul l’était, il détruirait tout… »(32). L’idée de limite est la condition du « maintien » et du tout et des parties. Elle permet à chacun de se penser en relation avec les autres ( autrement il n'y aurait pas des liens mais des fusions) et comme des "êtres"singuliers.
B) Inconvénients ou critiques possibles de la théorie proposée.
Plusieurs critiques ou objections peuvent être faites à la dite doctrine et il importe ici de reprendre quelques unes  de celles qui pourraient être formulées.
1)En premier lieu, il pourrait être fait reproche à cette doctrine d’être un retour au jus naturalisme. Mais une telle critique ne saurait prospérer ici car, comme nous l’avons indiqué, la limite n’est pas définie comme limite naturelle. La définition de la justice comme limitéité se propose au contraire de considérer qu’il est possible de distinguer trois grands types de limites :, naturelles, conventionnelles ou sociales( historico-coutumières) et de considérer que ce qui fait que l‘on tient que la limite est plutôt l‘une ou l‘autre n‘est rien d‘autre qu‘une croyance personnelle qu‘il convient de respecter voire d‘aider à se mettre en oeuvre.
Le régime idéal en ce domaine serait donc celui qui tiendrait compte de la possible existence de ces trois formes de limites et qui permettrait à chacune d’elles de vivre  et de s'exprimer en harmonie, acceptation et tolérance avec les autres.
2) Cette doctrine est-elle trop individualiste ou communautariste ou trop sociale ?
La doctrine proposée ne récuse ni l’individualisme, ni le communautarisme, ni le libéralisme ou le socialisme. Il s’agit pour elle de doctrines porteuses de croyances qui sont toutes par elles-mêmes éminemment respectables. EIle n’est cependant ni l’une ni l’autre car, selon elle, importe avant tout ce qui permet de fonder l’idée de limite. Donc, elle ne jugera en fonction de l’idée de justice que si elle estime par exemple que le communautarisme en question est ignorant des limites qui sont les siennes(version stricte) ou au contraire si le dit communautarisme remet en cause le principe même de la limitéité ( version plus « large »).
3) Peut-on reprocher à cette thèse d’être trop abstraite?
Une telle doctrine ne prétend pas, à ce stade tout le moins, proposer une philosophie pratique de la justice. Elle se contente de proposer un fondement à l’idée de justice et aux différentes conceptions de ce terme. Le fondement est, pourrait-on dire, ce qui « reste lorsque l’on a tout oublié » en d’autres termes. Il Est-ce vers quoi il importe de revenir lorsque l’on a le sentiment que les croyances qui sont les nôtres à un moment ne sont plus adaptées. Exemple : nous croyons que la loi seule doit compter mais nous nous trouvons à un moment où l’application de la loi nous paraît difficile. Nous recherchons alors dans les différentes conceptions » non neutres » proposées et nous nous rendons à l’évidence que nous ne parvenons pas à trancher entre chacune d’elles. Dans ce cas alors la doctrine ou la définition de la justice comme limitéité peut faire son office. En ce cas elle implique a)choix de l’option qui sera la nôtre (serons-nous large ou restrictif) puis b) détermination des différentes formes de limites (sociales, conventionnelles ou individuelles) que nous entendons mettre en œuvre.  
4) La définition ainsi proposée de la justice n’est-elle pas trop limitative ?
Tel pourrait être ele dernier reproche qui pourrait lui être fait. Cependant, une telle « limitation » dans la définition de la justice est indispensable selon nous eu égard à la « force » que peut avoir l’idée de justice au nom de laquelle nous pouvons aisément condamner autrui et qui implique, Aristote l’avait bien noté et mis en œuvre sur ce sujet , prudence la plus extrême.(33) 
Il ne s’agit pas ici de « contenter » telle ou telle philosophie mais simplement de faire en sorte que, l’usage du mot justice ne « force » personne,ni n'ait d'effet culpabilisant mais que celui-ci nous aide à juger ce qui convient pour nous, pour autrui et pour le tout, le cas échéant .
5) Cette définition ne remet-elle pas en cause la définition traditionnelle de la justice comme étant ce qui permet de rendre à chacun ce qui lui revient ? Nous ne le pensons pas. Ici aussi, comme pour les autres théories sur la justice évoquaient, la définition de la justice comme limitéité ne prétend pas remplacer cette définition. Elle prétend simplement se situer en amont de celle-ci, la justifier. En effet, elle explique la raison pour laquelle « il faut rendre à chacun ce qui lui revient ». Ce besoin naît en effet, lorsqu’un « trop » ou un « trop peu » a été constaté mais trop ou trop peu par rapport à quoi ? Par rapport justement à une limite ignorée ou une limitéité qui fonderait cette limite.
La défintion ainsi proposée est donc une définition-cause par opposition à la définition-effet traditionnellement proposée pour définir le terme.  
Conclusion :
La définition ainsi proposée de la justice comme limitéité, implique de plus amples développements. Il ne s’agissait ici que d’une présentation de cette théorie et,pour nous de montrer a) que celle-ci repose sur un accord réel entre ceux qui pensent le droit( la doctrine juridique), ceux qui doivent le fonder( les philosophes politiques) et ceux qui le pratiquent au quotidien ( les praticiens du droit), cet accord étant supérieur à de prétendus contrats originaires factices et fantasmés ; b) qu'elle se noue autour d'un terme qui permet à la fois l'épanouissement des singularités et la création des liens sociaux sans lesquels il ne peut y avoir de société.
D'autres éléments prouvent, selon nous, que cette limitéité est ce qui constitue le fondement du "juste" quelle que soit l'image que l'on se fait de ce concept(qu'il soit vu comme force,leurre ou réalité indépassable et subtile) . Notamment le fait que, quelle que soit la forme du droit ( autoritaire ou "juste") tout décret qui le compose ne peut se penser sans exception  ou sans loi qui le limite ou le particularise en divers points. Un "décisioniste" comme C. Scmitt fonde d'ailleurs lui-même son droit autoritaire sur l'exception( qui n'est rien d'autre que ce qui limite la loi)  et un Filmer utilise l'équité - qui la limite d'une autre manière - pour justifier sa doctrine de la monarchie absolue ; il croit en Dieu pour limiter les monarques et aux Ecritures pour fonder sa doctrine . Ceci démontre bien que la loi (ou l'autorité) elle-même qui est limite ( ou qui les fixe) a besoin d'être limitée par la Transcendance, l'exception, l'urgence, la nécessité, la force du peuple ou de l'ennemi ou d'autres lois et donc que tout, même les lois et les tyrans,  recèle ses propres limites et que se perdre c'est les oublier,les nier ou les confondre.
Mais l'étude de la structure du droit - bien qu'elle reste fondamentale- n'était pas notre objectif présent. Nous voulions, via le concept de justice ré-interroger cette "ultra-modernité" en crise, ré-interroger ses concepts clefs( la forte intuition rawlsienne aprés Strauss peut-être étant bien que celui de justice est la clef de toutes ces clefs).  L'idée de justice que nous proposons permet peut-être de "sortir" de celle-ci car si elle n'abandonne pas tout à fait  la "nomophilie" des lumières. Elle la réinterroge et en même temps tente de concilier celle-ci avec l'idée de loi limitée que les anciens nous proposaient.
Il importe simplement de ne pas oublier une autre leçon des anciens à ce stade de  l'exposé  de nos recherches. La justice étant ce qui fonde l'idée de limite, elle est donc  à elle-même sa propre limite  et a besoin elle aussi d'être limitée pour demeurer ce qu'elle est. Ceci explique peut-être ce caractère de « vertu complète » qu’Aristote lui accordait. Mais cette force est également une faiblesse car celle-ci ne dépend que d’elle-même pour s’évaluer.  De fait, si la justice est limitée, cela signifie qu’il faut également savoir lui accorder la place qui lui revient et lorsque l’on cherche à être juste, l’être ni trop ni trop peu. Ainsi donc s’éclaire la phrase d’Horace citée par Montaigne dans ses Essais « " Le sage doit être appelé insensé, et le juste injuste, s'ils vont trop loin dans leur effort pour atteindre la vertu même."  [Horace , Epîtres, I, 6, v. 15.] 5 »’(34). La justice cesse donc de l'être lorsqu'elle ignore les limites de ce que doit être la justice et lorsque d'aucuns prétendent être justes à l'excés.
Jean-Jacques Sarfati
Notes
(1)Y-C Zarka « Figures du pouvoir. Etudes de philosophie politique de Machiavel à Foucault »Puf 2001.Ce dernier écrit, en effe à juste titre : « Parlant d’ultra-modernité politique, j’entends donc m’efforcer de montrer que nous sommes à un moment d’incertitude que l’on peut sans exagération dire dramatique concernant des déterminations et des valeurs fondamentales au double sens où elles ont soutenu et soutiennent encore notre concept de la modernité politique et ou elles ont fourni, et fournissent encore les principes régulateurs de nos évaluations »p 92 . Y C ZARKA ne cite pas le droit et l'idée de justice dans les valeurs "fondamentales" en crise  de notre société alors que celui-ci est selon nous le receptacle de ce phénomène d'ultra modernité qu'il définit avec justesse. 
(1a) Notamment : A Renaut. L Sosoe. «  Philosophie du droit ». Puf. 1991. Les deux auteurs écrivent notamment : « Tout le courant kelsennien opposant…théorie  générale du droit et philosophie du droit, écartant toute discussion sur le droit naturel comme vaine a… gravement contribué à amputer le droit d’une partie au moins de sa dimension critique… » p 27.  . Egalement Simone Goyard Fabre; « Les fondements de l’ordre juridique ». PUF L’interrogation philosophique.1992. Elle écrit notamment :« les conséquences de cette attitude sont redoutables. D’une part comme il appartient à la loi de définir le juste…elle enferme les normes du droit dans l’ordre positif et elle risque d’incliner vers l’annexion du droit par la politique » p 13 De plus, selon elle, dépourvu d’idéalité, le droit devient une pure « technique gestionnaire » … p 13  ou encore « Le positivisme juridique est un anti-juridisme, son concept de droit sous prétexte de neutralité tue le droit » p 13.  Mais la position de Mme Goyard Fabre est plus nuancée ensuite sur Kelsen car en fin de son ouvrage elle écrit notamment plusieurs mérites à la thèse kelsennienne qu’elle rapproche du kantisme par son souci de pureté et elle écri « allant à contre courant, Kelsen dans un temps ou croît l’irrationnel, prend la défense de la rationalité dans ce qu’elle a de plus sublime. » p 379 .  Chez les juristes citons J. Carbonnier. Ne peut-on lire comme une critique au dogmatisme positiviste les phrases telles que celles-ci  : «  Les  juristes dogmatiques pensent, sinon que tout est droit, du moins que le droit a vocation a être partout, à tout envelopper, à soutenir comme un idéal toute l’univers habité. Il règne chez les juristes dogmatiques, à l fois un idéal et un postulat de panjurisme » in « Flexible droit ». 8 ème édition 1995 p 23. Ou encore B Opetit. Philosophie du droit. Dalloz 1999 1ére Ed P 141. Dans un texte qu’il intitule « bilan » il écrit : «  En définitive…seule importe désormais la découverte de la réalité juridique, non plus la recherche de valeurs…L’utilité prime la justice. L’empirisme efface le dogmatisme »   
(2)Pour une étude et des références sur le positivisme. Voir Goyard Fabre précité p 98.H Kelsen « Théorie pure du droit ». Trad Ch Eisenmann. Dalloz 1962.P. Hack « La philosophie de Kelsen. Epistémologie de la théorie pure du droit » .  Editeur Helbing et Lichtenhahn. 2003.
(3) H Motulsky  « Principes d’une réalisation méthodique du droit privé »  Dalloz 1991. On trouve des propos de ce type chez cet auteur qui fut très influent après-guerre dans le monde du droit « Justice et charité restent des songes ; la réalité possible c’est le droit… » p 5 ou encore «  l’humanité n’aura conquis sa dignité, bien plus : elle ne se sera sauvée de la destruction qui la menace que le jour où le monde sera organisé juridiquement » p 5
. Cependant ce positivisme reste faiblement « modéré » car plus loin Motulsky écrit « nous estimons que la source formelle doit conserver son rôle prédominant, que l’interprétation doit se fonder sur elle et faire appel aux moyens du raisonnement juridique dont le plus important demeure l’analogie, et qui si l’assouplissement des sources formelles est indispensable, il ne doit se servir des sources réelles qu’à titre d’auxiliaires précieux mais délicats à utiliser et n’y avoir recours exclusivement, ni même principalement qu’une fois que les procédés techniques ont été épuisés….Avant de s’en remettre à des guides aussi incertains et aussi décevants que l’équité, la nature des choses ou sa propre conscience ( la conscience du juge a écrit Mr Charles Appleton c’est aussi le caprice individuel) le juriste doit essayer de rattacher la solution qu’il recherche aux manifestations concrèts et fermes de l’ordre juridique positif… » p 5 . Ce qui n’exclut pas un travail de réflexion du juriste mais qui reste axé autour de la loi et de son application. Motulsky écrit en effet plus loin « la règle de droit ne se confond pas, loin de là, avec l’article de loi. Il arrive certes qu’une formule légale contienne une règle entière;;;Mais le plus souvent l’article ne renferme q’une des deux parties…ou même seulement quelques éléments épars destinés, dûment complétés à former l’une ou l’autre » p 19. Ou encore « pour le technicien du Droit ( droit avec une majuscule), la loi est un donné : il lui appartient  d’organiser lui-même pour les besoins de son activité, la matière brute dont il dispose » p 20 . Tout le projet de Motulsky est précisément de trouver une « méthode rationnelle » et technique pour permettre cette application du droit, ou cette réalisation du droit qui est selon lui (et Ihering qu’il cite) « la branche la plus importante du droit » p 3 
(4) Théorie pure du droit précitée, p 6 ; H. Kelsen écrit notamment  : «  Le droit… est un ordre ou règlement normatif de l’action humaine, c’est-à-dire un système de normes qui règlent la conduite d’êtres humains » . Kelsen a une vision formelle du droit.
(5) J.Ghestin et G. Goubeaux « Traité de droit civil Tome 1. Introduction générale LGDJ 1977 n ° 8 et suiv.
(6). Ainsi notamment, il importe de revenir à ce qu’écrit P. Hack  dans le texte précité note 2. « Russell et les philosophes du Cercle de Vienne ont en commun avec Kelsen une hostilité déclarée à toute prétendue connaissance métaphysique » p 52 ou encore « Pour Kelsen, comme pour les philosophes du cercle de Vienne toute véritable connaissance est scientifique » p 55
(7)Renaut Sosoe précités. Les auteurs situent plutôt Kelsen et le positivisme dans la tradition allemande qui ,depuis Dilthey, a voulu fonder l’autonomie des sciences de la matière par rapport aux sciences de l’esprit » p 355
(7a) Kelsen précité. La phrase exacte est : « une norme juridique n’est pas valable parce qu’elle a un certain contenu, c’est-à-dire parce que son contenu peut être déduit par voie de raisonement logique d’une norme fondamentale supposée ; elle est valable parce qu’elle est créée d’une certaine façon et plus précisément en dernière analyse, d’une facon qui est déterminée par une norme fondamentale, norme supposée ; c’est pour cette raison et cette raison seulement qu’elle fait partie de l’ordre juridique dont les normes sont créées conformément à cette norme fondamentale Il suit de là que n’importe quel contenu peut être droit » p 261  
(8)Dans théorie pure du droit, Kelsen écrit notamment que sa théorie «  se propose uniquement et exclusivement de connaître son objet, c’est-à- dire d’établir ce qu’est le droit et comment il est ». P 1. Ou encore il indique que ctte dernière «  voudrait  débarrasser la science du droit de tous les éléments qui lui sont étrangers » p 1. Nous pensons évidemment ici au Descartes de lettre préface des principes de la philosophie. Vrin 1999 p37 «  Ce n’est pas des racines ni du tronc des arbres qu’on cueille les fruits mais seulement des extrémités de leurs branches ainsi la principale utilité de la philosophie dépend de celle de ses parties qu’on ne peut apprendre que les dernières… ». Là est bien toute la différence entre Descartes et Kelsen, ce qui est le plus « utile » se doit d’être étudié en dernier lieu. La métaphysique reste malgré tout la science première au sens aristotélicien du terme.  Cependant, ce qui rapproche les deux auteurs reste ce souci « d’utilité » du savoir à terme qui n’existait pas réellement chez les anciens. Chez Aristote, le savoir en effet Est ce que « par nature » et pour être lui-même l’homme doit cultiver. Chez Socrate, il est « soin de l’âme ».
(9) Ce souci d’efficacité est fréquemment évoqué chez les juristes.   A Renaut in introduction op précité et   M Villey in Centre international de synthèse. XXIXème semaine de synthèse «  Le droit, les sciences humaines et la philosophie » . VRIN 1973.p 348 notent tous deux le « divorce » existant entre les juristes et les philosophes. Les juristes reprochant notamment aux seconds, une prétendue abstraction sur laquelle il conviendrait évidemment de revenir et discuter de manière plus complète.
(10) Théorie pure du droit précitée p 7. Préface de la première édition. La date n’est évidemment pas anodine eu égard à la nationalité de Kelsen.
(11)Sur les ambiguïtés du concept de droit. Voir notamment les excellents développements de S. Goyard Fabre qui consacre tout un chapitre à ce problème. Son texte commence d’ailleurs par la phrase suivante : «  La connotation du terme droit, plurivalente jusqu’au vertige exclut la possibilité d’une réponse claire et définitive à la question : qu’Est-ce que le droit ? » p 1
(12)Sur le fait qu’il est naif de vouloir réduire droit et loi et ce même en droit positif voir notamment G GESTHIN et G. GOUBEAUX Précités. Les auteurs évoquent l’importance de la jurisprudence et la doctrine notamment. Ils écrivent notamment pour caractériser notre époque d’inflation législative op précité p 108 «  le renouveau législatif , essentiellement axé en tant que réforme d’ensemble sur la famille et les incapacités laisse, en l’état actuel du droit positif, toute son importance à la jurisprudence » 
(12a) Sur le sujet on lira avec intérêt : N BOBBIO « Essais de théorie du droit » Bruylant LGDJ. 1998 Trad M GUERET et C Agostini Préface R Guastini. A propos de l'interprétation de textes qui se contredisent, il conclut une brillante analyse en indiquant finalement que « la réponse du juriste se rattache à la réponse de l’homme de la rue, de laquelle nous sommes partis et d’après laquelle entre deux règles incompatibles c’est la plus juste qu’il faut choisir… » p 103
(13)Aristote. « La Métaphysique ». Traduction  Barthélémy Saint-Hilaire. Pocket.1991. Livre A Chapitre I p 41
(13a) C. Attias «Philosophie du droit ». PUF 2004   p 296
(14) Renaut. Sosoe précités. Ces derniers écrivent  : « L’intérêt de la tentative kelsenienne réside sans doute dans les difficultés qu’elle a pu rencontrer en s’acquittant comme elle l’a fait du grandiose projet d’autonomiser la science du droit. Son échec manifeste qu’une interrogation sur le droit entendant se couper de la philosophie politique fait preuve d’une étonnante naïveté…. » p 364
(14a) S Goyard Fabre op précité, écrit notamment « l’axiomatique de base des positivismes juridiques se réduit…à deux postulats : le légicentrisme étatique et la neutralité axiologique du droit » p 11
(15)Aristote le philosophe et les savoirs. M CRUBELLIER ET P PELLEGRIN Le Seuil 2002. Les auteurs nous rappellent ainsi que la vertu est, cher le stagirite une « hexis« ( un état habituel)…elle visera le juste milieu p 166 «  le juste milieu est l’excellent, le plus difficile à atteindre ». Ou encore « la vertu suppose le choix proairésis qui pourrait être traduit par décision…Plus précisément le choix est parmi les actes accomplis de plein gré celui qui a été précédé d’une délibération (bouleusis) » p 167. Sur le sujet évidemment Ethique à Nicomaque III. Ou encore Ethique à Nicomaque dans la traduction Bodéus. Garnier Flammarion 2005 en 1105 b 9, Aristote écrit «  C’est à force d’exécuter ce qui est juste qu’on devient juste et à force d’exécuter ce qui est tempérant qu’on devient tempérant. Et sans agir de la sorte nul n’a de chance de devenir bon…La plupart n’agissent pas ainsi et cherchant refuge dans l’argumentation croyant se consacrer à la philosophie et ainsi pouvoir être vertueux. Ils font un peu comme les personnes souffrantes qui écoutent attentivement parler leur médecin mais ne font rien de ce qu’ils prescrivent… »
(16) Les modernes ne paraissent pas avoir abandonné cette importance du jugement pour résoudre l’aporie du libre arbitre.  Ainsi Descartes Lettre au père Mesland 9 Février 1645 où l’auteur des méditations écrit :  "Une plus grande liberté consiste en effet ou bien dans une plus grande facilité de se déterminer, ou bien dans un plus grand usage de cette puissance positive que  nous avons de suivre le pire tout en voyant le meilleur. Si nous prenons le parti où nous voyons le plus de bien,nous nous déterminons plus facilement ; si nous suivons le parti contraire nous usons d'avantage de cette puissance positive ;ainsi nous pouvons toujours agir plus librement dans les choses où nous voyons plus que de bien que de mal, que dans les choses appelées par nous indifférentes."
(17)L’aristocrate chez Aristote est celui qui est capable de se former un jugement libre sur les choses. Par exemple Politiques précités III 17 1288 a.
(18)Robespierre « le juge est la bouche par laquelle la loi s’exprime …. » voir également l’importance de l’école dite de l’exégèse au XIXème siècle.  
(19 La séparation anglo saxonne entre common law et Equity est directement reprise du fameux passage du Livre V. 10 Ethnique à Nicomaque. Le droit Français n’ignore pas cette influence ( voir notamment l’article 1134 Alinéa 3 du code civil français) mais ce courant est très minoritaire. Des sociologues comme M Crozier préfèrent dés lors évoquer un pouvoir marginal de l’exécutant et propre à tout système bureaucratique. Mais l’équité est plus que cela nous le savons.
(20)S. Goyard - Fabre précitée écrira ainsi :  « On dira sans doute que le positivisme juridique en rejetant pour le concept de droit toute transcendance normative ou tout modèle archétypique pour n’accorder le monopole de la création juridique qu’à la puissance étatique reflète l’esprit du temps » p 100
(21)La justice d’un siècle à l’autre sous la direction de JP Royer. Ed . collection Droit et justice PUF. L’auteur rappelle cette évidence trop oubliée selon laquelle « depuis les années 1970 la demande de justice n’a cessé de croitre » il évoque « une véritable explosion du contentieux aussi bien en matière civile que pénale » p 16
(22)M. Walzer « Sphères de justice » Trad P. Engel. Le seuil 1998. , M Sandel «Librealism and limit of justice ». Cambridge University 1982 ,  J. Rawls, « Théorie de la justice » Trad C. Audart. Seuil 1987 . R Nozick  « Anarchie, état, utopie »  PUF 1988
(23) W. Kymlicka « les théories de la justice, une introduction » . Trad  M Saint Upéry. La découverte. 2003 p 10. L’auteur écrit ainsi que les désaccords sont tels que  «l’idée de subordonner à une valeur suprême toutes les autres valeurs apparaît presque comme une forme de fanatisme » 
(24)Pour Kimilicka « si une théorie politique…prétendait que certains types d’individus compte moins que d‘autres, il est clair que la plupart des hommes et des femmes du monde moderne rejetteraient immédiatement cette théorie » op. Précité. p 11. Le lien entre chacune de ces doctrines est donc bien : l’égalité
(25)Voir par exemple A. Renaut et L Sosoe qui pensent que les doctrines anglo saxonnes peuvent être un bon rempart contre le positivisme ou le jus naturalisme straussien ou néo straussien op précité chapitre consacré à Rawls.
(26)sur le sujet Kymlicka  op cité p .17 et suiv.
(27) Voir notamment les propos de Motulsky  op précité
(28) Sur le sujet "La loi dans la pensée grecque" Les belles lettres 2001 J DE ROMILLY p 76 et suiv.
(28a)  Centre international de synthèse. XXIXème semaine de synthèse «  Le droit, les sciences humaines et la philosophie » précité . Ed.VRIN 1973.p 355
(28b) Ibid p 358
(28c)Ibid p 359
(28d) J François Kervegan «  Hegel, Carl Schmitt. Le politique entre spéculation et positivité ». PUF 1992. S'interrogeant sur les causes de la montée en puissance du "positivisme", l'auteur - rejoignant quelque part les thèses de Villey -nous explique en effet que celles-ci se trouvent peut-être tout autant dans le souci des sciences de s’émanciper d’un savoir tutélaire que dans le renoncement de la philosophie à se vouloir « fondatrice » p 14.
(29)Contrat social Livre I Chapitre III. Rousseau écrit (sur la force et le droit)
(30)Nozick op précité.
(30 a) Dans la théorie pure, il n’hésite d’ailleurs pas à écrire « Contrairement à une méprise trop fréquente, une théorie relativiste de la valeur n’affirme pas qu’il n’existe pas de valeurs, en particulier pas de justice ; elle implique seulement qu’il n’existe pas de valeurs absolues mais uniquement des valeurs relatives, pas de justice absolue mais seulement une justice relative, que les valeurs que nous fondons par nos actes créateurs de normes et que nous mettons à la base de nos jugement de valeur ne peuvent pas avoir la prétention d’exclure la possibilité même de valeurs opposées » p 91  Kelsen ne niait donc pas qu’il puisse y avoir une justice, mais il refusait de considérer l’idée d’une justice au sens absolu du terme. Son système avait pour ambition de permettre la coexistence au sein du droit de toutes les visions relatives de la justice.
(3Ob) E Levinas. « éthique et esprit » in « difficile liberté ». (30a)
(31) Sur la prétendue neutralité du positivisme . Goyard- Fabre précitée note 1
(32)Jean-François Balaudé «  Les théories de la justice dans l’antiquité ».A COLIN 1996. P 33
(33) Certains commentateurs ont pu trouver le discours d’Ethique à Nicomaque V sur la justice comme « casuistique » ou confus;mais il n’est ni l’un ni l’autre. Aristote au contraire avance avec la prudence la plus extrême en ce domaine car il sait que le terme de justice , si il représente la vertu la plus complète, peut à ce titre autoriser les abus les plus inacceptables.  Ce souhait de « prudence » se retrouve peut-être dans l’affirmation suivante in  POLITIQUES. TRAD P. PELLEGRIN Ed. GF FLAMMARION 1993. III 16 1287  a 19 « Il est préférable que ce soit la loi qui commande plutôt que l’un quelconque des citoyens et dans le cas où il vaudrait mieux confier le pouvoir à des hommes, il faut les instituer gardiens de la loi et serviteurs des lois »…  
(34) Sur l’importance de la formule selon laquelle il importe de rendre à chacun ce qui lui revient dans le droit. Il convient notamment de lire ce qu’écrit N BOBBIO in  « Essais de théorie du droit » Bruylant LGDJ. 1998 Trad M GUERET et C Agostini Préface R Guastini. A propos des antinomies dans la loi il écrit : « Le critère de spécialité se conduit face au hiérarchique  de la même façon que le chronologique : il gagne ou il perd  selon  que cette dernière est ou non justifiée d’après le plus haut principe de justice : suum cuique Tribuere…. » p 103


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