Rolin, Olivier, pas Jean, car chez les frères Rolin, l’écriture joue comme un héritage familial. Dans la sélection Goncourt de 1998, toujours elle, il y avait Méroé, somptueux récit qui, à mon sens, sortait du lot par l’originalité de sa narration et la force du style. J’avais donné en commentaire à mes élèves cet extrait qui dit tout de la relation masculin-féminin dans les ouvrages de Rolin (page 103). Depuis Méroé, je suis devenu un fidèle lecteur et j’ai choisi de parler de mon préféré : Tigre en papier dans lequel, avec un humour caustique, l’ex-activiste des années 70 revient, au tournant du siècle, sur ses années de militantisme et fait défiler les visages et les silhouettes.
L’essentiel de la narration a lieu dans ce que le narrateur appelle « le vaisseau Remember », une Citroën DS 19 à bord de laquelle a pris place Marie, la fille d’un certain « Treize », son ami décédé sur lequel elle enquête. Marie « fume comme un petit mec » et écoute négligemment, pendant que la voiture tourne autour du périph, les révélations du narrateur au sujet de l’un de ces « tigres en papier » qu’était aussi son père. « Les tigres en papier », désignent à son sens ceux qui ont voulu jouer un rôle dans l’Histoire et qui se sont pris les pieds dans le tapis de leur ridicule et de leurs grands airs : sans concession, le narrateur dévide ce qu’il appelle sa pelote d’épingles », une bande de maos, d’intellos, de prolos qui voulaient en découdre avec la société du grand capital et avec « le président Pompe ». Il y a surtout tous les proches du narrateur sur qui il jette son regard sarcastique : les Gédéon, Fichaoui, Angelo, Roger le Belge, Momo Mange-Serrures, Reureu l’Hirsute, la Chiasse, Pompabière... Et puis quelques jolies femmes, engagées elles aussi dans « la Cause » mais trop attirantes pour ne pas en même temps mettre ces jeunes tigres bouillonnants et, pour retrouver la métaphore du papier, « brouillonnants » en conflit avec eux-mêmes... Chloé et Judith.