Le congrès de l’ASCO, la grande messe cancérologique annuelle s’est tenue à Chicago ce week end. L’occasion de réunir les plus grands spécialistes en la matière qui ont présenté les conclusions des dernières études en cours. En matière de cancer du sein, c’est la prévention qui était à l’honneur. Et les résultats d’une étude internationale (USA, Canada, Espagne et France) semblent plus que prometteurs. Prometteurs oui mais quelques bémols s’imposent.
Cette étude a concerné 4560 femmes ménopausées présentant un haut risque de cancer du sein et s’est étalée sur 6 ans (2004-2010), Par haut risque entendez des femmes ayant déjà souffert d’un cancer in situ (soldé ou non par une mastectomie), présentant des lésions bénignes du sein, ayant des antécédents chez une mère ou une soeur etc… mais pas de femmes ayant une mutation BRCA. La moitié d’entre elles a pris un comprimé d’anti-aromatase (examestane) tandis que l’autre recevait un placebo. Rappelons que les anti-aromatases sont déjà prescrits pour éviter les récidives chez les patientes ménopausées présentant un cancer du sein hormono-dépendant. Au terme de cette étude 11 cas de cancers du sein ont été déclarés chez les premières contre 32 cas chez les secondes, soit une diminution significative de 65%. De là à imaginer la prescription de cette hormonothérapie en prévention systématique, il n’y a qu’un pas.
Néanmoins, comme s’interroge Jean-Daniel Flaysakier dans son blog, si cette excellente nouvelle a crée le buzz, peut-on crier victoire? En effet, dans un premier temps, cette étude ne s’adresse qu’aux femmes ménopausées présentant un haut risque de cancer hormono-dépendant. Quid des femmes en pré-ménopause, de celles qui ne rentrent pas dans la définition actuelle de « haut risque », des autres cancers ( HER2 ou triple négatif )? D’autre part, si le tamoxifène présente des effets secondaires qui peuvent être très graves, (rares cas de cancer de l’endomètre et d’embolies pulmonaires), l’examestane n’en est pas dénué. Cette molécule induit chez bon nombre de femmes, des bouffées de chaleur très inconfortables, des douleurs articulaires invalidantes et une baisse significative de la libido. De plus, pas de recul sur les effets indésirables à long terme. Enfin, on peut s’interroger : les femmes bien-portantes accepteront-elles de prendre un médicament en prévention qui altérera sensiblement leur qualité de vie?
Aux Etats Unis, les médecins ont une politique préventive beaucoup plus agressive qu’en France. Outre la mastectomie bilatérale qui est souvent proposée pour les femmes présentant une mutation BRCA, les femmes à haut risque mais sans antécédent de cancer, ont la possibilité de prendre du tamoxifène, ce qui n’est pas le cas en France. Les femmes concernées y sont simplement soumise à une surveillance rapprochée.
Certains spécialistes américains pensent donc détenir LA solution et demandent que l’autorisation d’utiliser cette chimio-prévention soit donnée rapidement. Mais l’examestane est sur le point de tomber dans le domaine public. Le laboratoire, Pfizer pour ne pas le nommer, a-t-il intérêt à demander une autorisation de mise sur le marché pour une nouvelle indication alors que les génériques vont pointer le bout de leur nez? Nos médecins français, quant à eux, semblent plus frileux et préfèrent attendre encore afin d’en faire le médicament anti-cancer de référence. Bref, encore quelques années avant que nous puissions en bénéficier!
Enfin, pour clore ce billet, sachez qu’une étude chapeautée par le Pr Pascal Pujol a actuellement lieu en France portant sur l’intérêt des inhibiteurs d’aromatases chez les femmes présentant un gêne BRCA. Malheureusement sur les 500 femmes nécessaires, seules 120 ont répondu à l’appel. Si vous êtes concernées peut-être serez-vous intéressées…
Cette étude constitue une bonne nouvelle certes, mais en créant l’enthousiasme débordant des médias, on pourrait faire croire à la découverte de l’outil magique de prévention. Ce qui n’est malheureusement pas encore le cas. L’Asco est souvent l’occasion d’une exaltation débordante dans les comptes rendus de la presse qui qualifient facilement le moindre résultat d’ « avancée majeure ». Or, bien souvent, par exemple, l’espérance de vie obtenue après l’essai thérapeutique d’une nouvelle molécule fait la une, alors que le gain vital pour les malades se compte concrètement en quelques mois. Pas de quoi crier victoire
. Malheureusement, comme je le dis souvent, la recherche avance mais si lentement en regard de l’incidence galopante de ce fléau, que je me refuse encore à partager la joie exacerbée de nos amis journalistes.Catherine Cerisey
Sources : le blog de Jean Daniel Flaysakier/Figaro.fr