Président de la commission des politiques sociales et familiales au sein de l’ADF,
Yves Daudigny, sénateur et président du Conseil général de l’Aisne, dresse un bilan des Assises de la
dépendance et de l’autonomie lancées par l’Assemblée des départements de France à l’automne dernier
Communes de France. L’ADF vient de clore ses Assises de l’autonomie et de la dépendance lancées à l’automne 2010. Quelles conclusions en tirez-vous ?
Yves Daudigny.
Ces Assises constituent une première étape d’évaluation de données et de propositions réalistes et nécessaires à fonder notre contribution politique au projet de réforme annoncé. Ce diagnostic préalable est indispensable.
Pourquoi ?
Parce que les prémisses du raisonnement présenté à la base du débat national sur la perte d’autonomie - une perspective
démographique «effrayante» et un coût insupportable pour les finances publiques - ne sont pas étayées.
Les conclusions de nos travaux, qui synthétisent l’expertise de l’ensemble des acteurs de la prise en charge de la perte
d’autonomie et de nombreux experts, s’analysent en trois niveaux.
S’agissant de la juste mesure des besoins, les simulations sociodémographiques établissent une progression médiane de 1,1
million de personnes âgées dépendantes aujourd’hui à 1,65 million en 2040, représentant un coût supplémentaire de 3,9 à 4,6 milliards d’euros, soit entre 0,2 et 0,3 point de PIB, à comparer aux
1,1 % actuels. Ces perspectives d’évolution n’ont donc rien d’effrayant ni d’insupportable.
Au niveau des modalités actuelles de prise en charge, le constat est unanime sur la nécessité et l’utilité d’une mise en
oeuvre de proximité, que permet et réalise le niveau départemental et qu’il faut donc préserver.
L’analyse met également à jour les déficiences du système et permet de hiérarchiser les priorités. À cet égard, la situation
des aidants familiaux, les restes à charge en établissement et à domicile et le taux de couverture de l’APA versée par
les conseils généraux relèvent de l’urgence et plusieurs mesures que nous proposons permettront d’ores et déjà d’y répondre. Il faut aussi faire preuve de réalisme et de bon sens. La spécificité
du secteur médicosocial est de s’être construit de manière pragmatique et ascendante, au fur et à mesure de l’émergence des besoins. Il faut bien sûr tenir compte de l’existant.
Le rôle de chef de file des départements, dont les capacités d’innovation et d’adaptation ont fait leurs preuves, doit être
réaffirmé, y compris, au-delà de l’urgence, pour l’élaboration et la mise en oeuvre d’une réelle politique de prévention et une meilleure coordination soins/ accompagnement qui permettrait de
dégager d’importantes marges d’interventions. La prise en charge de la perte d’autonomie est une question dynamique. L’aborder sous le seul aspect comptable de la dépense est nécessairement erroné. Elle génère évidemment de l’activité économique, de l’emploi, du lien, de
l’utilité sociale.
Les conseils généraux sont parmi les premiers concernés par la réforme du financement de la perte
d’autonomie. Pour autant, l’autonomie ne doit-elle être traitée qu’à travers sa dimension financière ?
C’est le troisième niveau d’analyse : celui des choix de gouvernance et de financements. Or ils sont très différents selon
qu’est privilégiée une approche solidaire ou plus individuelle. La dimension financière n’est que l’expression, la
traduction d’options et d’objectifs sociaux fondamentaux. On ne peut sans contradiction appeler au respect de la dignité des personnes âgées, à la reconnaissance pleine et entière de leur place
et de leur rôle et, dans le même temps envisager de rétablir une récupération sur succession ou le recours au secteur
assurantiel, dont les plus récentes études démontrent suffisamment qu’il sera techniquement inefficace et socialement injuste.
Les principes fondateurs auxquels se réfèrent nos propositions d’organisation institutionnelles et de financement sont
clairement ceux de la solidarité nationale selon les moyens de chacun, de la gestion démocratique – que réalise, sous réserve de quelques adaptations, la CNSA – de la répartition enfin selon les
besoins.
Selon un récent rapport de l’ODAS, la dépense nette d’action sociale a triplé en 10 ans, pour
atteindre plus de 30 milliards d’euros, soit une hausse de 6 % pour 2010.
Quelles propositions l’ADF avance-t-elle pour rationaliser la dépense ?
En effet, ces dépenses ont cru fortement compte tenu des facteurs expansionnistes comme la montée des précarités et
vulnérabilités sociales, le vieillissement, la mise en oeuvre de droits à la compensation des handicapés…
Cela veut-il dire qu’on n’y peut rien et qu’il faut seulement demander la compensation de ces dépenses par l’État. Évidement
non. Le décret réformant la tarification des EHPAD accuse 3 ans de retard.
En matière de protection de l’enfance, deuxième poste des dépenses sociales après le RSA, les capacités des établissements et
services sociaux ont augmenté de 2000 à 2009 de 13 % alors que la dépense a crû de 49 % et le coût place de 30 %.
En matière d’hébergement et d’accompagnement social des adultes handicapés, le nombre de places a crû de 28 % alors que la
dépense a crû de 70 %. Il nous faut nous interroger sur les déterminants de la forte croissance des coûts : normes techniques, professionnalisation, renforcement de l’encadrement, masse
salariale…
La méthode qui a été retenue pour refondation de l’aide à domicile prestataire autorisée doit être mise en oeuvre dans ces
secteurs de la protection de l’enfance et des adultes handicapés : diagnostic partagé avec les organisations représentatives de ces secteurs, propositions d’évolution des modes de prises en
charge et de tarification…
Je l’inscrirai aux objectifs de mon mandat 2011-2014 de la nouvelle commission des affaires sociales de l’ADF que je devrais
présider.
Propos recueillis par Brigitte Bossu
Communes de France
Les chiffres clefs
La démographie
2005 : 1 habitant sur 5 est âgé de 60 ans et plus (soit 20,8%, 30%
dès 2035-projection)
2050 : 1 habitant sur 3 est âgé de 60 ans et plus (projection)
2010 : 1 500 000 de personnes âgées de plus de 85 ans
2015 : 2 000 000 de personnes âgées de plus de 85 ans
Quatre millions de personnes de plus de 80 ans en 2020
Onze millions de personnes de plus de 80 ans en 2050
• 2000-2005 : taux de fécondité des femmes françaises 1,9
(renouvellement des générations établi à 2,07)
• 2009 : espérance de vie à 60 ans (27 ans pour les femmes, 22
ans pour les hommes)
• 7% des plus de 60 ans sont dépendants en raison d’une maladie
invalidante.
Les personnes âgées
• Aide ménagère à la charge de l’aide sociale départementale :
en 2005 : 27 800 personnes
en 2009 : 20 700 personnes, soit -25%
• Allocation personnalisée d’autonomie à domicile :
en 2005 : 539 000 personnes
en 2009 : 695 000 personnes, soit + 29%
• 59% des bénéficiaires de l’APA à domicile sont classés en GIR 4
et les sommes qui leur sont versées à ce titre constituent 40 % des
dépenses d’APA à domicile.
Les personnes en GIR 3 représentent 21% des bénéficiaires et 26%
des dépenses.
Les personnes en GIR 2 représentent 17% des bénéficiaires et 28%
des dépenses.
Les personnes en GIR 1 représentent 3% des bénéficiaires et 6%
des dépenses
• En moyenne, 73% des dépenses prises en charge au titre de
l’APA à domicile pour rémunérer des intervenants à domicile
concerne des services prestataires et/ou agréés
• Allocation personnalisée d’autonomie en établissement :
en 2005 : 389 800 personnes
en 2009 : 447 800 personnes, soit + 15%
• 38 % des personnes placées en établissements ont plus de 85
ans et 15% moins de 70 ans.
Les bénéficiaires de l’APA sont souvent très âgés : 85 % ont au
moins 75 ans et 45 % sont âgés de 85 ans ou plus. Trois bénéficiaires
sur quatre sont des femmes.
61 % des bénéficiaires de l’APA vive à domicile et 39 % en EHPAD.
En 2009, à domicile, le montant moyen du plan d’aide attribué est
de 494 € par mois dont 406 à la charge des conseils généraux,
tandis que le montant moyen de l’APA en établissement est de
461 € dont 406 à la charge des conseils généraux
Les personnes adultes handicapées
• Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) des 60
ans ou plus :
en 2005 : 19 195 personnes
en 2009 : 20 295 personnes, soit + 6%
• Prestation de compensation du handicap (PCH) des 60 ans ou
plus :
en 2008 : 11 631 personnes
en 2009 : 17 448 personnes, soit +50%
• Accueil en établissement au titre de l’aide sociale à l’hébergement
des personnes handicapées (ASHPH) :
en 2005 : 89 100 personnes
en 2009 : 96 500 personnes, soit +8%