UCITS IV, un enjeu de taille pour les « boutiques » françaises de gestion d’actifs

Publié le 07 juin 2011 par Sia Conseil

Le 1er juillet 2011 sera une date charnière pour les sociétés de gestion d’actifs européennes. Dans un contexte post-crise, où rétablir la confiance des investisseurs et compenser les diminutions d’encours sont des enjeux majeurs, l’entrée en vigueur de la directive UCITS IV suscite de nombreuses attentes. Nouvelles opportunités de développement, rationalisation des gammes de fonds et

eéconomies d’échelle sont en effet les éléments clés d’une directive qui a pour objectif de garantir un cadre harmonisé de commercialisation au sein de l’UE.
Mais à qui profiteront réellement ces évolutions règlementaires ?

La directive UCITS IV se décline en 4 piliers visant à faire sauter les barrières de la commercialisation transfrontalière de fonds mais aussi à favoriser la consolidation d’un marché européen fragmenté. Les investisseurs, quant à eux, ne sont pas en reste puisque l’introduction du DICI (Document d’Informations Clé pour l’Investisseur), se substituant au prospectus simplifié, facilitera la prise de décision d’investissement. UCITS IV entend promouvoir un environnement réglementaire protecteur de l’investisseur et favorable à la compétitivité. Pourtant, alors que le compte à rebours a démarré, certains restent sceptiques quant au potentiel commercial annoncé par la transposition de cette directive.

Une évolution pour certains…

Sur le papier, UCITS IV bouleversera la distribution transfrontalière de fonds. Elle permettra aux sociétés de gestion de bénéficier d’un cadre règlementaire européen harmonisé jusque-là réputé rigide et complexe. Si les acteurs de la place française s’accordent sur le fait que les relais de croissance locaux ne sont plus suffisants, certains d’entre eux n’accueillent pas pour autant la transposition de la directive avec la même ferveur. Les poids lourds français de la gestion d’actifs estiment qu’UCITS IV n’aura pas d’incidence majeure sur leur activité commerciale en dehors de leur frontière domestique. En effet, leurs stratégies de développement, les ont déjà amenés à commercialiser leurs produits au sein des principaux marchés européens. Avant cette directive, les barrières à l’entrée étaient certes importantes mais pas insurmontables.

… Une révolution pour d’autres

Sur un marché français très compétitif, les sociétés de gestion sont conscientes que la conquête du vieux continent revêt un intérêt stratégique majeur. L’entrée en vigueur de la directive va permettre aux sociétés de gestion entrepreneuriales, soit 95% des 600 sociétés de gestion en France, de se lancer, si elles le souhaitent, dans l’exportation de leur savoir faire avec l’appui d’un cadre règlementaire harmonisé et déverrouillé, et ce, à moindre coût. En outre, les gestionnaires d’actifs français disposent d’un argument notable pour assoir leur crédibilité en Europe : une image de marque et une expertise reconnue.

Le DICI : le renouveau du prospectus simplifié

La mise en place du DICI constitue sans nul doute le volet le plus opérationnel de la directive UCITS IV. En 2005, UCITS III affichait déjà la volonté de rendre plus accessible l’information aux investisseurs avec l’introduction du prospectus simplifié. Demain, le DICI va signer l’aboutissement du prospectus simplifié qui restait encore difficile à appréhender par les moins avertis. Une restitution, dans un format standardisé au niveau européen, avec une information claire, accessible et synthétique présentera toutes les caractéristiques clés d’un OPCVM.

La généralisation de son format et l’utilisation d’un langage harmonisé constituera une réelle avancée tant pour l’investisseur final, en termes de facilité de comparaison, que pour les sociétés de gestion, en termes de production.

Mais au-delà de son intérêt pratique, l’adoption du DICI revêt un intérêt résolument stratégique. Dans un contexte de recentrage sur le cœur de métier, les gestionnaires d’actifs devront se positionner sur leur activité du reporting. Bien que longtemps considérée comme une activité périphérique mais sensible, le reporting institutionnel se trouve renforcé suite à la publication de la directive MIF pour ses orientations en matière de transparence des marchés financiers.
Si le DICI constituera sans nul doute un outil de communication, il n’en demeure pas moins que sa production engendrera un coût. En 2008, l’étude UCITS IV de Sia Conseil estimait le coût du déploiement du DICI pour l’ensemble des gestionnaires d’actifs français à 13 millions d’euros. Aujourd’hui, Sia Conseil actualise ses chiffres et estime ce coût à 12 millions d’euros avec un coût annuel récurent de l’ordre de 0,13% des encours sous gestion par acteur.

Les 10 premiers acteurs se répartissent 96% des coûts ce qui donne un ticket d’entrée relativement faible pour les « boutiques », de l’ordre de 100 k€ au grand maximum pour les plus importantes. A titre d’exemple, le coût de déploiement du DICI pour une société de gestion ayant 15 milliards d’euros d’actifs sous gestion serait d’environ 70 k€, pour un coût récurrent de 20 k€.

L’externalisation gagne du terrain sur l’activité du reporting

Si le coût de mise en œuvre estimé reste raisonnable, les sociétés de gestion devront toutefois faire le choix de la production interne ou externe du DICI, sachant que pour un fonds jusqu’à une vingtaine de documents peuvent être nécessaires (traduction locale dans les pays de distribution). Cette activité nécessite de multiples expertises (juridique, éditique, commercial, PAO, marketing) que la grande majorité des sociétés de gestion ne détiennent pas en interne. Preuve en est, de la multiplication des offres de sous-traitance de la part des dépositaires et des éditeurs de logiciels ayant développé des solutions dédiées. Autrefois anecdotique, l’externalisation du reporting est en train de basculer du côté des dépositaires qui ont pour avantage de disposer de l’ensemble des informations et de chaînes de traitement industrialisées.

Métier à part entière, le reporting n’est plus une simple activité de restitution. Il faut être capable de le faire évoluer en prenant en compte des indicateurs dynamiques. C’est d’ailleurs le cas pour le SRRI (Synthetic Risk & Reward Indicator) rendant compte, sur une échelle de 1 à 7, du risque d’un OPCVM. A chaque évolution du SRRI, un nouveau DICI devra être produit. Pour des sociétés de gestion désireuses de se focaliser sur leur cœur de métier, l’externalisation devient forcément attirante. Les dépositaires ne s’y sont pas trompés et voient affluer les demandes de sous-traitance pour cette activité qui autrefois leur échappait entre autre pour des raisons de confidentialité des données.

Alors qu’elles ont déjà bien résisté à la crise, les boutiques françaises de la gestion d’actifs auraient donc tort de se priver des bénéfices d’une directive à faible coût pour exporter leur modèle de gestion. En favorisant le développement continental, l’arrivée d’UCITS IV pose les bases d’une consolidation du marché européen et relance aussi les débats sur la future directive UCITS V qui devrait achever l’harmonisation du post-marché au niveau européen en s’attaquant au statut des dépositaires. Mais alors que le Grand Duché est déjà prêt à accueillir UCITS IV, les gestionnaires d’actifs français, eux, restent rivés sur la capacité des autorités françaises à transposer la directive avant l’échéance fatidique. L’AMF vient de lancer une consultation sur les modifications du livre IV de son règlement général transposant la directive UCITS IV. Le retour de la place est attendu pour le 6 juin 2011.

Sia Conseil


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