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Des petits manuels qui dégenrent …

Publié le 06 juin 2011 par H16

Il y avait longtemps qu’une petite polémique catholico-laïcarde n’avait été déclenchée dans ce doux pays. Il faut dire que l’actualité ne permet plus de se poser pour avoir le temps de faire monter la sauce tant les scandales sexuels, alimentaires et financiers s’enchaînent et se mélangent à un rythme soutenu. Mais tout de même, au milieu du tumulte médiatique, on peut percevoir les exclamations surprises de certains à la lecture … des nouveaux manuels d’enseignement scolaires pour l’année prochaine.

Et c’est dans ceux de Biologie que nous trouvons la graine de discorde : tout part du bulletin officiel définissant le nouveau programme. Et ce bulletin nous propose ceci (extrait) :

Le thème « Corps humain et santé » (33 %) est structuré autour de trois questions :
- la dualité féminin/masculin est abordée sous l’angle de son ontogenèse aussi bien que pour permettre une approche biologique des questions de sexualité ;

Oui, bon, je sais, là, c’est très pastel, dilué dans une grande phrase avec le mot ontogenèse (difficile à placer au scrabble). On s’imagine que les manuels, appliquant les consignes, parleront de la spécialisation des organes sexuels lors de la croissance (le truc machin ontogenèse, c’est ça), de l’approche biologique de la sexualité (comment fonctionne ce petit bazar) et pour la partie dualité féminin/masculin, on peut en toute bonne foi imaginer qu’ils détailleront comment la sexualité est vécue pour l’un et l’autre sexe, par exemple.

Ce n’est que mon interprétation. Et celle de Bordas se traduit par le passage suivant :

« Si dans un groupe social, il existe une très forte valorisation du couple hétérosexuel et une forte homophobie, la probabilité est grande que la majorité des jeunes apprennent des scénarios hétérosexuels. Une étude récente montre bien l’influence du contexte social : à Hambourg en 1970, dans les années de la révolution sexuelle, 18% des adolescents avaient des activités homosexuelles alors qu’en 1990, avec le sida et les changements culturels, ils n’étaient plus que 2%».

Moui.

On peine à voir pourquoi l’homosexualité est abordée ici avec une étude sur le contexte social, d’autant que la conclusion de Bordas, lapidaire, laisse perplexe : « à Hambourg en 1970, 18% des adolescents avaient des activités homosexuelles alors qu’en 1990, ils n’étaient plus que 2% » … Et donc ? Doit-on ajouter « Oh zut, ils ne sont plus que 2% » ? Ou au contraire « Oh chouette, ils ne sont plus que 2% » ?

A quoi peut bien servir cette phrase ?

Selon les catholiques évoqués au début de ce billet, c’est ici la démonstration de l’introduction en loucedé de la Théorie du Genre, qui critiquerait principalement la « notion de genre » masculin/féminin et l’idée préconçue d’un déterminisme génétique de la préférence sexuelle. C’est une vision possible.

Regardons ce que dit le manuel Belin, sur le même sujet :

« Je peux être un homme et être attiré par les femmes. Mais je peux aussi me sentir 100% homme viril et être attiré par les hommes. Et je peux être une femme attirée par les hommes ou une femme attirée par les femmes.»

Ce n’est pas franchement plus évident, mais là encore, on peut se demander ce que vient faire cette phrase dans un manuel de biologie. On peine à voir l’apport éducationnel de cette démarche ; de même que sur le plan religieux, l’école républicaine doit être absolument neutre, il doit en aller de même avec la sexualité … ou le goût pour la confiture de fraise.

Perspective

Ainsi, l’école n’a pas, a priori, à stigmatiser (mot compte double) ceux qui aiment la confiture de fraise, ni ceux qui la détestent. Elle doit se borner à rappeler que chacun a le droit de se faire sa propre opinion, et de pratiquer son confiturage comme il l’entend : sur une crêpe, sur une tartine, à même le pot ou pas du tout si on n’aime pas les fraises. Tant qu’on n’empêche pas le confiturage des autres, après tout …

On peut alors comprendre pourquoi certaines associations se sont fendues d’une lettre au ministre pour lui expliquer qu’elles trouvaient ces manuels mal faits.

Et évidemment, le journalisme étant ce qu’il est en France (lui aussi, d’une neutralité exemplaire quant à la religion chrétienne, son pape et ses pratiquants), les médias se sont empressés de relayer l’affaire en insistant sur l’orientation religieuse de ceux qui font les remarques, sans s’occuper du fond, à savoir si la République devait faire du prosélytisme sexuel et favoriser l’émergence de théorie plus ou moins fumeuses.

Et puis, à bien y réfléchir, en fait d’offensive des cathos, c’est assez timide : quelques lettres.

Si c’est ça, un combat de catholique, avec du sang, de la chique et du mollard, les éditeurs de manuels SVT peuvent dormir sur leurs deux oreilles : ces cathos se contentent de dire qu’ils ne sont pas d’accord et souhaitent un débat.

En face, en revanche, on ne s’étonnera plus que certains journalistes n’hésitent pas à jeter de l’huile sur le feu. Le fait, par exemple, d’aller coller, immédiatement, un gros micro mou sous le nez de Christine Boutin pour lui faire dire quelque chose aussi polémique que possible est parfaitement typique : on va prendre d’autant plus facilement une figure de proue d’un catholicisme conservateur un peu poussiéreux, volontairement vieille France, à la patine « old school », qu’il sera facile ensuite de dézinguer par les habituels procédés de caricature et de raccourcis propres à la profession.

Et ça marche : quand on lit les propos de la tête de gondole du Parti Chrétien Démocrate, et quand on les débarrasse des tournures rhétoriques pleines d’indignation (Hessel, sors de ce corps !) on voit qu’il n’y a pas là rien de nouveau, ni rien qui permette d’affirmer le début d’une croisade sanglante.

- Effectivement, la théorie du genre n’est bien qu’une théorie. On a même connu nettement plus solide scientifiquement parlant. A contrario, si ces manuels avaient introduits un peu de créationnisme discret, on imagine déjà la bronca.

- Vouloir remettre l’Education Nationale à sa place n’a rien d’idiot : cette dernière doit bel et bien se contenter d’instruction, et laisser l’éducation aux parents. Le retour à la responsabilité pleine et entière de leur progéniture est indispensable pour en faire, un jour, des hommes et des femmes cohérents, avec une colonne vertébrale et autre chose que des réflexes d’appel au secours d’un état devenu obèse.

Homosexuals are gay

En réalité, le problème vient d’une absence de choix.

Si l’école était réellement libre (i.e. pas de programmes imposés), les parents auraient l’occasion de placer leurs enfants dans l’établissement de leur choix. Le débat n’aurait donc pas lieu.

Pour le moment, leur latitude est extrêmement réduite puisque pour les impôts qu’ils payent, il ne peuvent choisir que dans des établissements corsetés par des lois de plus en plus étouffantes.

Si, par exemple, le ministère choisit d’introduire l’étude des OVNI en classe de Terminale, la philosophie en maternelle, l’histoire des peuples du monde en lieu et place de l’histoire du peuple français, les parents doivent s’adapter. Point.

Ceci dit, la seule question qui vaille à présent est de savoir si cette démarche, finalement, n’est pas voulue…


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