Il y a quelques mois de cela, Twitter possédait déjà une notoriété assez forte mais principalement auprès des usagers réguliers d’internet qui avaient intégrés ce site de micro blogging dans leurs usages quotidiens. Alors que la télévision, dans sa dimension divertissante, est en train (difficilement) de franchir le pas entre ces deux mondes, le journalisme a quant à lui était contraint et forcé d’appréhender ce nouveau média très rapidement à la vue des derniers événements internationaux. Et cette assimilation semblent poser de nombreux problèmes à ces institutions médiatiques.
Alors que l’année 2011 en est à peine à sa moitié, il est flagrant de constater combien ces six premiers mois furent d’une densité d’information considérable. Sans me lancer dans une liste exhaustive, nous avons tous au minimum trois à quatre informations de première importance qui nous reviennent en tête.
Face à ce flot d’actualité, tous les organes de presse s’activent pour couvrir l’entièreté de ces événements, répondant ainsi à la très forte demande du public dans pareilles situations. Néanmoins, en cette année 2011, un nouvel élément est entré en ligne de compte brouillant totalement les stratégies dûment mises en place par la presse pour couvrir ces événements, Twitter.
Cent quarante caractères pour faire passer le message que l’on désire sur Internet. Pas de contrôle, une diffusion qui peut être extrêmement rapide, une rapidité d’exécution, Twitter rassemble à lui seul les demandes ainsi que les craintes que l’on peut formuler vis à vis de la presse et des journalistes.
Twitter a, cette année, connu son premier succès au travers des révolutions dans le monde arabe où il s’est attaché à être un vrai outil efficace dans la liberté de parole des peuples opprimés. Vidéos, articles, témoignages, tout ceci a contribué à faire émerger un angle d’auscultation de l’actualité partiellement inédit, notamment parce qu’il court circuitait totalement la caste journalistique et les réticences qu’elle éveille chez certains.
Néanmoins, dans ce monde virtuel où toutes les informations sont labellisées équitablement, c’est à dire sans caution de vérification, il est extrêmement dangereux de relayer ces dires qui peuvent à la fois être des rumeurs, de l’information véritable ou toute simplement de la désinformation organisée. Néanmoins, pour le moment le système fonctionne et tend à se développer encore plus rapidement qu’auparavant. Pourquoi ?
Car Twitter, à l’instar de tous les réseaux sociaux, promeut dans son mode de fonctionnement l’égalité entre les usagers. C’est à dire que chacun possède le même espace d’expression avec une résonance différente (nombre de followers) qui dépend uniquement de l’expérience, de l’usage que l’on en fait ainsi que de la pertinence des informations publiées. Ainsi, ce dernier point fait resurgir au premier plan toute cette histoire de surenchère de l’information, d’exclusivité, de manque de vérification, de surinterprétation, de fausses informations etc. En effet, dans un système qui se veut égalitaire, chacun via son profil peut vouloir challenger les personnages publics qui investissent le réseau social. En effet, Twitter est à l’origine crée pour le quidam qui veut faire partager ses émotions de l’instant à toute sa communauté virtuelle.
Mais depuis que l’information surgit via Twitter, c’est à course aux scoops que se livrent professionnels (via Twitter ou leurs médias traditionnels) et quidams. Encore considérés comme une caste privilégiée, les journalistes sont le plus souvent confrontés à des amateurs ou apprentis de l’information qui sur ce plan là veulent défier les experts du domaine en voulant démontrer que eux, citoyens ordinaires, sont capables de surclasser ceux à qui ils ont de plus en plus de mal à faire confiance.
C’est ainsi que dans ce challenge joue la notion d’immédiateté puisque lorsque qu’un événement se produit, la palme reviendra toujours au plus rapide parmi la communauté à dévoiler cette information plutôt qu’à celui qui aura pris la peine de vérifier avant de publier. Néanmoins, cette règle d’or du journalisme semble être partiellement remise en question lorsqu’il s’agit de live tweeter des événements en direct. Dernier exemple en date, la première audience de Dominique Strauss Kahn devant le tribunal de New York où les caméras françaises ne furent pas autorisées à filmer. Pour palier à cela, les chaînes d’information avaient chacune dépêché un spécialiste Twitter en plateau qui ne faisait que relayer les information diffusées via ce site par les journalistes réellement présents au palais de justice. L’événement était ainsi vécu en direct sans aucun filet et sur l’exclusivité de la bonne foie des journalistes présents. Dans ce cas présent, tout s’est bien passé mais quelques minutes plus tard, I Télé n’a pas tardé à toucher du doigt les limites de ce système en se faisant avoir par une fausse information qu’elle a retransmis comme étant vraie à son antenne.
Depuis, comment les journalistes peuvent-ils rivaliser avec cette immédiateté et cette démocratisation de la profession de journaliste ou plus précisément de relayeur de l’information. Dans un système où l’immédiateté prévaut sur la vérité, les organes de presse se retrouvent pris dans un système difficilement gérable où leur antenne deviendra sans doute le lieu de l’analyse mais plus du tout celui de l’annonce. La révélation tend par ce système à quitter les mains des journalistes et décideurs pour se démultiplier à tous les témoins ordinaires. Cette transformation en cours d’établissement dans le quotidien informationnel va nécessairement accroître le nombre de divulgations car après les gros titres de l’information internationale, l’information locale et nationale est nécessairement embarquée dans cette même veine, celle où l’avenir verra probablement les journalistes multi supports concentrer leurs efforts pour devenir des relayeurs premium. Là où l’information nécessitait du temps pour être appréhendée et comprise, désormais elle se doit avant toutes choses d’être annoncée, mais pour cela encore faut-il que les professionnels du domaine acceptent de challenger sur leurs propres terres les faiseurs de rumeurs et cela ne semble pas tout à fait gagné.