La photographie d'art se pert aujourd'hui, elle se noie dans la médiocrité et le commerce qu'en font les galeries qui tuent l'art au profit d'une création conventionnelle, souvent imbécile et vide de sens, mais accessible au tout venant.
Il n'y a pas seulement une orientation politique dans notre pays, mais également une orientation artistique, or, en France, l'art contemporain ne se trouve ni dans les Musées, ni dans les Galeries, l'art se trouve dans les ateliers d'artistes qui n'ont pas la chance de pouvoir exposer, car des imbéciles notoires s'autorisent le droit de juger et de considérer que l'art doit ressembler à ceci ou à cela, sans tenir compte de la nouveautén ni de l'origininalité, car trop novatrices, et ce qui tue l'art, c'est la mode.
Aujourd'hui, on veut des oeuvres auxquelles personne ne comprend rien, cela donne de l'importance aux décideurs qui se considèrent supérieurs aux crétins qui ne comprennent pas ce qu'ils ont vu de bien dans l'incompréhensible.
Plus l'art est intellectuel, plus il ne sert à rien, sinon à faire jaser dans les salons bourgeois. Des salons remplis de décideurs qui n'entendent absolument rien à la création, mais qui l'imaginent avec leurs moyens intellectuels sans comprendre l'idée, le concept même de la matière.
L'art est un lien créé par un artiste avec son public, c'est un lien, une relation qu'il entretien avec le monde, la nature, avec l'être suprême, mais pas avec les clients, les galeristes et les banquiers. L'art, le vrai ne se voit pas, parce que personne ne veut le voir et surtout pas en tant de crise où l'art est superflu et dont on peut se passer.
Il est préférable de penser à nourrir son enfant avant de penser à enrichir son esprit et son âme, pourtant les deux sont aussi importants.
Hier, j’ai visité sur les quais à Strasbourg une nouvelle galerie qui présentait le travail d’un photographe Lyonnais, de grands tirages numériques sur aluminium.
J’ai fait le tour de ce petit espace en accordant la plus grande attention à chaque image. L’exposition portait sur le thème des ballots de foin enrobés d'un film plastique, enfin, pas de quoi casser trois pates à un canard. Je pouvais aisément constater la maîtrise de Photoshop dans le traitement des balances de blanc et des contrastes, ce qui équivaut au travail que les photographes pratiquaient, jadis, dans les labos de tirage, un travail tout à fait habituel de la part d’un « artiste » qui se présente comme photographe, c’est d’ailleurs ce qui le différencie de l’amateur, car pour rater une photo aujourd’hui avec les appareils que nous avons, c’est plutôt un exploit.
Le galeriste me suivait pas à pas et avait une terrible envie de m’entretenir de ce que je ne comprenais pas, car pour lui, j’étais d’emblée un béotien qui ne pouvait entrevoir le génie d’un photographe contemporain qu’il prenait pour meilleur qu’il n’était. Il préjugeait de mon ignorance en matière de photographie et d’art, ce que je trouvais particulièrement désagréable de la part d’un individu qui ne me connaissait pas.
Ce que je voyais suspendu aux cimaises était simple, banal mais rondement mené, c’était un travail de fin de cycle d’un étudiant en art, mais certainement pas celui d’un artiste, la technique était maitrisée mais sur un sujet banal qui demeurait banal, il n’était pas parvenu à le sublimer d’autant qu’il n’avait insufflé aucune âme à son travail, aucune spiritualité, pas la moindre émotion, il nous livrait des œuvres de présentation qui pouvaient fort bien s’accorder à la décoration d’un salon design, contemporain chez les vendeurs de canapés de toutes sortes, mais cela restait des œuvres sans aucune pérennité artistique. Dans 20 ans on regardera ces images et l’on se dira
- - Oui et alors ?
Hier, je regardai ces images et je me disais : - Oui et alors ?
Dans 20 ans, on regardera toujours « Le repas chez Levy » de Véronese, « La naissance de Vénus » de Botticelli « Le concert champêtre » de Titien et, ou Giorgione, et je ne sais combien d’autres chefs d’œuvres de la peinture Italienne, Flamande et Hollandaise avec la même émotion bouleversante, mais certainement pas ce travail photographique qui sombre déjà dans l’oubli avant d’avoir vécu.
Évidemment, le galeriste ignorait que je pratiquais la photographie depuis bientôt… hum 40 ans, qu’il tétait le sein de sa mère alors que j’exposais en galerie des œuvres que l’on n’avait jamais vue jusqu’alors en photographie, et je ne dis pas cela pour me vanter, cela n’a aucun intérêt, mais simplement pour préciser ce qui va suivre :
- - C’est de l’alu… demandais-je au galeriste, sentant son impatience insupportable me presser dans le dos.
- - Oui, il suffit de voir derrière, me répondit-il, il se prenait d'emblée pour le "wise guy" comme disent les américains pour qualifier les "je sais tout".
- - Excusez moi, lui répondis-je, de là ou je suis je ne vois pas derrière.
C’est comme si il me croyait capable de voir les gens de face et de dos simultanément, il avait peut-être ce don que je n’avais pas et qui faisait de lui un homme bien évidemment supérieur à moi, car tout de même, il était galeriste et se devait d’en savoir plus que son client, mais en savait-il d’avantage ?
On a toujours tendance à se prendre pour plus supérieur que l’on est, sans jamais se poser la question de savoir si l’autre, celui que l’on ne connaît pas et que l’on considère comme inférieur à soi, aurait peut-être des choses à nous apprendre.
Il me montra le panneau de dos, mal fini, un cadre collé au silicone sdb vite fait pour que ça tienne, mais sans aucun goût pour la finition, or, une œuvre doit exister de face, de profil et de dos, elle doit être parfaite surtout pour 3 800 euros. Je ne lui fis pas remarquer ce détail, s’il ne l’avait pas noté, c’est qu’il bâclait lui aussi son travail et qu’il méprisait son client, mais c’était juste le début.
- - C’est donc un tirage numérique, lui dis-je, on s’en serait douté, d’ailleurs il maîtrise très bien Photoshop.
- - Ah non, l’artiste ne retouche jamais ses images.
- - Ah bon, il ne retouche pas, et bien, à moins qu’il n’utilise une technique argentique incompatible avec ce média, il ne peut faire autrement que retoucher pour ne pas avoir d’écart d’exposition entre le premier plan et le second et d’autant plus sur des photos prises dans la nature, ce qui est tout bonnement impossible, alors vous pouvez me dire ce que vous voulez, mais je vous dis qu’il retouche et qu’il n’y a aucune honte à le faire, car du point de vue technique son travail n’est pas discutable. Ce n'est aps la technique qui fait une oeuvre, même si elle y contribue.
- - Mais vous savez, il n’envoie pas son fichier au labo, il assiste le tireur et chaque photo est différente lorsqu’elle sort du labo.
- - Ah bon ? C’est du numérique n’est-ce pas ?
- - Oui, me répondit le galeriste.
- - Alors c’est le même tirage.
- - Ah non, ce n’est pas le même, la température des bains varie…
- - C’est du numérique, il n’y a pas de bains, fini, le révélateur, le bain d’arrêt et le fixateur, c’est de la presse à chaud, ça ne bouge pas. Il commençait sérieusement à m’agacer ce je sais tout du grand je ne sais rien.
- - Si, si je vous assure, les photos sont différentes.
- - Si vous voulez, mais je puis vous garantir que deux collectionneurs ne verront pas une différence notable entre deux tirages sortis à deux moments différents.
- - Si, si je l’ai vu.
- - Écoutez, votre argument ne tient, pas, ce n’est pas du Mappelthorpe que vous vendez, ou chaque tirage baryté était vraiment différent, c’est du numérique et la force du numérique c’est le résultat quasi conforme entre une épreuve et son original. Bref ! alors, vous en avez vendu ?
Il détourna le regard :
- - Oui bien sûr, des œuvres vont et viennent ?
- - Alors pourquoi vous n’avez aucun point rouge sous les photos ?
- - Je ne l’ai pas jugé nécessaire. En détounant le regard, il mentait assurément, incapable de mentir avec courage.
S’il y a bien une chose dont j’ai horreur, c’est le mensonge, on nous assène de mensonges en permanence et les vendeurs, galeristes, et autre animateurs et journalistes nous fatiguent au quotidien et s’il faut encore se faire embobiner par des types qui ne connaissent rien à ce qu’ils vendent, c’est insupportable.
J’avais soudain une envie de l’inviter ce jeune galeriste, ce je sais tout de l’art, au bal des baffes et je peux vous assurer que lui et son photographe je les aurais fait danser, parce que prendre les gens pour des cons, c’est déjà pas facile, mais en plus leur faire croire que de telles œuvres ont des valeurs pécuniaires aussi importantes pour ce que c’est, de vulgaires tirages numériques, industriels, qui ne valent pas plus chers que des posters, c’est le monde à l’envers.
Pas étonnant que la photo soit morte, mais vous, oui, vous le petit photographe du dimanche vous pouvez faire imprimer vos photos sur alu une fois retravaillée dans un club photo et avoir l’impression d’avoir un tirage de galerie, bon, évidemment si vous n’avez aucun talent pour le cadrage, c’est un autre problème, mais tout s’apprend.
Je ne devrais pas parler de la sorte, mais pourquoi faire de photographes médiocres des artistes qui ne valent guère mieux que des photographes amateurs ?
J’ai fait travailler pendant des années des étudiants en science politique avec des appareils photo jetables en obtenant des résultats parfois extraordinaires, la photographie est un art populaire et tout le monde y a accès, alors, s’il existe des artistes dans ce domaine, ils doivent prouver qu’ils sont capables de faire ce que le commun des mortels n’est pas et ce que j‘ai vu hier, reste à la limite entre le travail d’un étudiant de fin d’étude et un excellent amateur, mais je n’ai pas vu d’artiste et c’est sans doute pour cette raison que le galeriste après un mois n’a pas vendu une seule de ces photographies au tarif honteusement exorbitant. Je suis rassuré, cela prouve que les gens sont moins idiots que les galeristes veulent bien croire.
Nous vivons une époque formidable…
crédit photo : P. Jandrok : "vision lunaire"