Garder son rang de super puissance est un exercice coűteux. Les Etats-Unis s’en rendent compte jour aprčs jour, les dépenses du département de la Défense, deux milliards de dollars … par jour, devenant proprement insupportables. C’est tout au moins ce que martčle Barak Obama, bien décidé ŕ réduire les dépenses publiques et ŕ ramener les déficits ŕ un niveau moins effrayant. Encore qu’il s’agisse de s’entendre sur les mots, un tel objectif exigeant des efforts considérables d’une durée bien supérieure ŕ celle de deux mandats présidentiels.
Au plan politique, un premier arbitrage a été rendu : les moyens budgétaires alloués au Pentagone seront diminués de 400 milliards de dollars d’ici ŕ 2023. Et ce n’est sans doute qu’une premičre étape. Du coup, les industriels concernés expriment leur incommensurable inquiétude, le chef d’état-major des armées, l’amiral Mike Mullen, affirme qu’il convient de déterminer de bons compromis. Et, ŕ la Maison Blanche, chacun répčte que la démarche qui se prépare n’est ni démocrate, ni républicaine, mais relčve tout simplement d’un sain patriotisme.
Le débat qui vient de prendre corps aura des conséquences considérables. En un premier temps, en effet, il s’agira Ťde réexaminer de maničre fondamentale les missions, les capacités et le rôle des Etats-Unis dans un monde en mutationť, propos que vient de tenir Obama dans un discours-profession de foi prononcé ŕ la George Washington University. Pour mieux planter le décor, le Président a souligné que la dette de l’Etat a atteint un niveau alarmant. Reste ŕ savoir comme procéder, la super puissance ne pouvant tolérer la moindre notion d’affaiblissement et moins encore des choix qui reviendraient ŕ baisser la garde.
Robert Gates, secrétaire d’Etat ŕ la Défense, estime qu’il convient tout d’abord d’éliminer les gaspillages et d’augmenter l’efficacité des moyens mis en œuvre. Reste le fait que des postes budgétaires trčs lourds sont, a priori, protégés en raison de leur importance, par exemple le Joint Strike Fighter, alias F-35, dont le premier exemplaire vient d’ętre livré, et qui va coűter ŕ lui seul une dizaine de milliards de dollars par an pendant plus de deux décennies. Mais, disent en cœur Robert Gates et l’amiral Mike Mullen, les Etats-Unis ont impérativement besoin de mettre en œuvre un avion de combat de cinquičme génération. Tout comme il leur faut absolument entamer le renouvellement de ravitailleurs en vol d’un âge moyen de 48 ans. D’autres piliers de la Défense, ŕ commencer par les sous-marins nucléaires, aspirent tout autant au renouvellement.
Déjŕ, huit programmes ont été annulés ou arrętés, notamment la production du F-22 Raptor limitée ŕ 187 exemplaires, l’hélicoptčre VH-71 purement et simplement abandonné, le cargo stratégique C-17A, etc. Reste ŕ savoir jusqu’oů aller dans la cure d’amaigrissement. C’est l’amiral Mullen qui avance une réponse chiffrée : il ne faudra en aucun cas descendre en-dessous d’un plancher budgétaire équivalent ŕ 4% du produit national brut. Un niveau prudent mais réaliste, ajoute-t-il.
La décrue budgétaire suppose de vaincre une grande inertie. Le budget 2011 en cours d’exécution se monte ŕ 685 milliards de dollars, celui de 2012 devrait ętre de 670,9 milliards. On constate que la puissante Aerospace Industries Association of America tremble sur ses bases, sa directrice, Marion Blakey, s’efforçant de multiplier les arguments susceptibles de limiter les dégâts. Y compris celui-ci, sensé relativiser les attentes du Ťlobbyť militaro-industriel : les cinq ténors du secteur réalisent ensemble un chiffre d’affaires annuel qui atteint tout au plus la moitié de celui de la chaîne d’hypermarchés Wal-Mart. Ce n’est pas vraiment convaincant.
En revanche, ces męmes industriels vont, en toute logique, multiplier les initiatives pour obtenir davantage de commandes ŕ l’exportation et s’arroger des recettes civiles accrues. D’oů l’annonce implicite d’un durcissement de la concurrence sur les marchés d’exportation. L’industrie aérospatiale américaine occupe 624.000 personnes, exporte chaque année pour plus de 80 milliards de dollars et affiche un solde net, importations déduites, d’une bonne cinquantaine de milliards dont la balance commerciale a le plus grand besoin. Vu d’Europe, le billet vert inévitablement faible, face ŕ l’euro fort, devient de ce fait un problčme plus aigu que jamais.
Pierre Sparaco - AeroMorning