(reprise d'un ancien texte...)
Rien ne freinait sa chute infinie.
Il tombait, sans savoir depuis combien de temps ni même pourquoi et encore moins dans quel but.
De toute façon, il n’était pas réellement conscient de ce qu’il se passait ni d’où il se trouvait.
Il ne sentait pas même le souffle du vent qui l’enveloppait, accompagnant sa descente, le modelant comme la main travaille la glaise, l’enveloppant dans une bulle de quiétude.
Ses jambes et ses bras étaient recroquevillés sur eux-mêmes, figés dans une immobilité paralytique.
Tout était obscur autour de lui. Obscur et chaud.
Puis, il se mit à percevoir un léger picotement sur la partie charnue de sa bouche.
Il sortait doucement de sa torpeur tout en y demeurant juste assez pour se sentir tout à tour spectateur et acteur de la situation.
Il continuait de chuter, serein dans son esprit encore à demi embrumé.
Ses paupières frémirent, ses yeux décrivirent des rétro-mouvements, il distingua la légère caresse du vent sur le lobe de ses oreilles.
Son cœur battait régulièrement, calmement dans sa cage thoracique.
Boom, boom, boom…
Ses lèvres s’entrouvrirent et il eut l’impression d’avaler quelque chose d’humide et de chaud.
Ses membres émirent quelques mouvements involontaires, la paralysie s’estompait et laissait place à un influx nerveux qui parcourut fiévreusement tous ses muscles.
Ses bras s’étendirent de plus en plus, il prenait meilleure conscience de sa situation et de sa position dans un espace sans cesse en mouvement.
Mais il continuait sa chute, inexorablement.
Il battit l’air de ses bras et de ses jambes, ressentir une légère sensation de résistance le surprit.
Il existait donc une certaine consistance autour de lui ?
La fente de ses paupières s’étira et il ouvrit les yeux.
D’abord, tout lui apparut sombre puis un léger voile rosé et lumineux exprima ses nuances sur sa rétine.
Dans ses oreilles, il perçut le sifflement de sa chute mais il n’en conçut aucune peur.
Au contraire, le son le rassurait.
Maintenant, il pouvait mouvoir les yeux dans toutes les directions et observer pleinement ce qui existait autour de lui…
Il se trouvait dans une sorte d’immense puits de chute dont les parois étaient très éloignées. Il ne pouvait pas les atteindre de ses doigts, tout comme il ne pouvait pas se diriger de lui-même.
Il était condamné à chuter encore et toujours… chuter de tout temps, sans début ni fin. Était-ce là une punition éternelle ? Avait-il commis un acte répréhensible ?
Il avait beau chercher dans sa mémoire naissante, rien ne lui revenait. Il ne savait pas qui il était, ni où il était.
Il sentit le sang pulser au bout de ses doigts et au bout de ses orteils et il constata que sa chute s’était accélérée.
Scrutant les parois en quête d’un hypothétique saillie où s’arrêter un instant, il remarqua que celles-ci semblaient se rapprocher graduellement.
Portant le regard au loin, il vit que, là-bas, droit devant lui, un point lumineux l’appelait en émettant des pulsions étincelantes.
Il chutait encore et toujours, sans peur, sans angoisse, l’âme curieusement emplie de félicité.
Il en conclu qu’il ne risquait rien et que ce point brillant était probablement son objectif, l’aboutissement de cette longue chute qu’il ne comprenait toujours pas.
Ses ongles raclèrent les parois, la sensation le troubla.
Elles s’étaient tant rapprochées qu’elles l’encerclaient dangereusement.
Il songea qu’il lui fallait atteindre son objectif le plus rapidement possible pour ne pas finir écraser.
Par un immense effort de la pensée, il accéléra sa descente, plaçant son corps dans une position propice, tête dirigée vers la source de lumière.
En dessous de lui, la vive clarté s’était rapprochée au point qu’il put enfin comprendre ce dont il s’agissait.
Ce n’était pas une simple illumination…
C’était une incroyable et formidable boule de feu en fusion, un soleil d’une chaleur incommensurable.
Et il cheminait dans un long tunnel qui se rétrécissait de plus en plus pour atteindre sa cible. Il était la flèche.
A l’approche de l’astre, il fut aveuglé par l’extraordinaire lumière qui émanait de la boule incandescente. Sa taille était gigantesque, sa chaleur dantesque !
Sans faiblir, confiant en son destin, il sentit son corps s’enflammer et s’effilocher totalement en longs lambeaux qui se désintégraient paisiblement.
« Je suis… » fut sa première et sa dernière pensée.
Il entra en fusion au contact de l’immense boule de feu.