Sélection Albums BD de la semaine du 5 au 12 juin 2011 (1/3)
Par Manuel Picaud
Voici la première partie de la nouvelle sélection des BD de la semaine. J’ai en effet retenu 12 nouveaux albums qui méritent le détour pour les amateurs de BD franco-belges. Les éditeurs sont Bamboo, Dargaud, Delcourt, Denoël Graphic, Drugstore, Dupuis, Glénat, Hors Collection, Les Humanoïdes Associés. Les albums sélectionnés du 5 au 12 juin 2011 sont classés dans l’ordre chronologique et alphabétique. Voici la première liste de 4 albums correspondant au 6 juin 2011 avec comme souvent désormais des extraits grâce à notre partenaire digiBiDi.La Belle Image- récit complet de 80 pages - de Cyril Bonin cyrilbonin.blogspot.com - Futuropolis - 6 juin 2011 - 15,00 € Dans la fournée Futuropolis de ce début de mois, figure ce nouveau récit complet de Cyril Bonin. Parallèlement à Chambre obscure, diptyque publié chez Dargaud, le jeune auteur complet a adapté ce roman fantastique écrit par Marcel Aymé en 1941, une lecture qui l’a marqué. « j’ai immédiatement ressenti une familiarité avec ce récit qui, sous les atours du fantastique et de la comédie, aborde les thèmes de l’apparence, du regard des autres et du rapport aux autres…à ce titre, bien que l’action se situe dans le passé, les préoccupations du héros de Marcel Aymé sont tout à fait contemporaines. » confie-t-il sur son site. En effet l’histoire s’intéresse à un homme qui voit son visage se métamorphoser un beau jour au point que plus personne ne le reconnait. Il se met alors à courtiser sa propre femme qui se laisse séduire ignorant la vraie personnalité qui vit derrière ce visage. L’adaptation dans un style désormais bien rôdé du dessinateur insiste justement sur ce qui fait de cet ouvrage un classique toujours vivant au point que le lecteur s’identifiera facilement à Raoul Cérusier, courtier en publicité qui vit une sorte de nouvelle naissance et prend l’identité de Roland Colbert pour tenter de regagner sa vie, son emploi, sa femme Renée et ses amis sans devoir avouer sa transformation physique. Découpage, dessin, colorisation et écriture sont d’une grande fluidité et une grande réussite. Bravo !
Chico & Rita – roman graphique – de Javier Mariscal & Fernando Trueba – traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco – Denoël Graphic – 6 juin 2011 – 23,00 € Un mois avant la sortie le 6 juillet 2011 du film d'animation éponyme de Fernando Trueba et Javier Mariscal, les éditions Denoël Graphic publient l'album BD Chico & Rita sous forme de roman graphique de 216 pages. L'histoire racontée en flash-back se déroule au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale vers 1948 dans le milieu du jazz africo-cubain. Elle suit relation à la fois passionnelle et conflictuelle entre deux artistes cubains particulièrement doués. D'une part, Chico Valdes, le meilleur pianiste de jazz de Cuba. D'autre part, Rita La Belle, une chanteuse dont le charme égale la voix mélodieuse. Dès leur rencontre, ils perçoivent un lien fort entre eux, autant professionnel que sentimental. Mais tous deux sont au début de leur carrière et rêvent du succès. Très vite, Rita est repérée et se voit proposer une carrière à New York, puis à Los Angeles. Voyant que son nouvel amant est volage, elle le plaque pour répondre aux sirènes de la gloire. Chico suit de peu ses traces, mais devra très vite quitter New York pour Paris. Alors qu'il allait pouvoir se marier à Las Vegas, il va être trahi et reconduit à Cuba. L'amour est-il vraiment impossible ? Comme l’album ne bénéficie pas de vraie bande son, autre que celle que le lecteur invente lui-même, il est recommandé de lire l’album avec la musique jazz des années 40 et 50. Les auteurs espagnols Fernando Trueba et Javier Mariscal sont des passionnés de jazz et le rendent bien. Ils font revivre les grands Charlie Parker, Dizzie Gillespie ou Chano Pozo. Et finalement l'album est un hommage à tous les musiciens cubains comme l'explique Trueba. Second constat : les décors à La Havane, New York ou Paris, sont somptueux. Il est vrai que les auteurs ont pu retrouver des photos d'époque. Au-delà de la romance dont on présuppose qu'elle se finit mal, le récit couvre finalement deux périodes à une quarantaine d'années d'intervalle, du Cuba inféodé aux États-Unis au Cuba castriste. Il décrit une vie quotidienne où la réussite est difficile, le racisme prégnant, les mauvais coup fréquents. Comme le film, cet album est très réussi. A noter une exposition d’originaux à la Galerie Martel – 17 rue Martel – 75010 Paris du 10 juin au 3 septembre 2011. La bande-annonce du film ci-après donne tout l'esprit de la BD.
La Faute aux Chinois - récit complet de 152 pages - d'Aurélien Ducoudray boulamatari.blogspot.com (scénario) et François Ravard francoisravard.canalblog.com (dessin) - Futuropolis - 6 juin 2011 - 21,00 € Ce roman graphique de plus de 150 pages parle de notre société en crise et de la mondialisation, mais sous une forme originale et avec un humour très noir irrésistible. Le scénariste Aurélien Ducoudray dont c’est le 2e album chez Futuropolis raconte en effet l’histoire d’un homme très ordinaire, Louis Meunier, travaillant dans un abattoir de volailles pour… vivre. Qui aurait envie de tordre le coup de poulets à longueur de journée, y compris le dimanche, autrement que pour gagner sa croûte et subvenir aux besoins de sa famille ? Il exerce ce métier comme son père et son grand-père avant lui. Il tombe amoureux d’une secrétaire de l’usine, Suzanne, qu’il épousera et qui lui donnera une fille Pauline, née prématurée et donc très fragile. Et très vite, la situation du couple se complique. Sa femme tombe en dépression. Il s’échine à gagner toujours plus pour payer les soins. Jusqu’au jour où son beau-frère Jean-Claude lui propose un nouveau métier : tuer non plus des oiseaux mais … des hommes. Le crime ne risque pas la crise ni la délocalisation, mais n’est pas sans conséquence… Le dessinateur François Ravard, 30 ans, avait signé l’an passé dans la collection KSTR un album remarqué intitulé Hamilton 1977. Sa technique est passée du noir et blanc au lavis marron avec un encrage fin et des expressions très agréables. Un excellent moment de lecture qui invite à réfléchir. Voici quelques extraits et la bande-annonce.
Svoboda - T.1 - de Kris et Jean-Denis Pendanx - Futuropolis - 6 juin 2011 - 11,00 € A peine terminée le triptyque Jeronimus où il nous avait transporté dans un cauchemar maritime avec un brio hors du commun, Jean-Denis Pendanx est parti avec Kris pour d’autres aventures à une toute autre époque. Fort du succès de Notre Mère la Guerre publié également chez Futuropolis, le scénariste breton Kris est en effet resté au début du 20e siècle et se propose de découvrir une page totalement oubliée de la Première Guerre mondiale et de la Révolution russe. Au moment où les pays du Maghreb se révoltent au nom de la liberté, un peuple en Europe de l’Est s’est levé un siècle plus tôt avec comme slogan Svoboda ! autrement dit liberté ! Kris a imaginé un carnet de guerre d'un combattant de la Légion tchèque, une légion bien réelle au destin à la fois tragique et extraordinaire. Formée pour appuyer les troupes de l'Entente cordiale, autrement dit la France, le Royaume-Uni et la Russie impériale, elle espérait obtenir en échange la création d'un État de la Tchécoslovaquie après la grande guerre. Elle compta jusqu’à 70.000 tchèques ou slovaques venus du monde entier. L’auteur s’intéresse particulièrement au lendemain de la Révolution russe de 1917. Le gouvernement bolchevik cesse sa participation à la guerre et le corps tchèque doit rejoindre la France. Mais en raison du front, ils devaient faire un grand détour et rejoindre la marine britannique à Vladivostok par le Transsibérien. Cette odyssée ferroviaire qui dura trois ans fut très vite craint par le nouveau pouvoir. Leurs coups d’éclat emportèrent la haine de Léon Trotsky, Commissaire du Peuple de la guerre… Et finalement, la Légion tchèque perturbera le déroulement de la Révolution russe... L’histoire est racontée grâce à Josef Cerny en 1938 au lendemain des accords de Munich qui signe la fin de la Tchécoslovaquie créée 20 ans plus tôt. Il détient en effet de vieux carnets de croquis et le journal de l'écrivain Jaroslav Chveïk. Tous deux y étaient à Tcheliabinsk en mai 1918 ! En passant à une mise en couleurs plus classique, Jean-Denis Pendanx affine et renouvelle son style pour notre plus grand bonheur. Kris confirme son immense talent de conteur tout en subtilité et nuances. Indispensable !
Les albums sont toujours annoncés sous réserve. Retrouvez sur la colonne de gauche les prochaines sorties qui sont mises à jour très régulièrement car les dates de sortie évoluent malheureusement souvent. Cette rubrique est normalement publiée chaque début de semaine pour vous permettre de préparer la semaine ! Vous pouvez aussi vous procurer directement les albums en suivant les liens ci-dessous.