Christine Lagarde, soutenue par les Etats du G8, est présentée comme l'une des favorites pour succéder à Dominique Strauss-Kahn comme directrice générale du Fonds monétaire international (FMI).
En France, malgré une mise en cause pour abus de pouvoir par un rapport confidentiel de la Cour des comptes sur l'affaire Tapie, sa candidature est appuyée par Nicolas Sarkozy et l’UMP bien sûr mais aussi par Martine Aubry, première secrétaire du Parti Socialiste…
Par le soutien à cette candidature, les pays européens montrent une certaine arrogance à vouloir encore s’imposer comme incontournables dans les centres de décision. Ils adhérent totalement à la mise en place de politiques économiques néolibérales dont le FMI (avant comme après DSK) demeure un des agents les plus actifs. Il y a enfin dans ce choix un certain mépris pour l’Etat de droit et les procédures judiciaires qui remettent en cause cette candidature.
Outre les quelques casseroles révélées récemment, comme le licenciement de Lynda Asmani, pas assez dans la ligne de l’UMP pour travailler à Bercy, l’accusation d’être impliquée, avec le groupe français Vinci, dans un système de corruption en Russie (le Mouvement de protection de la forêt de Khimki, au nord-ouest de Moscou, a écrit au FMI et à la commission européenne pour lui demander de barrer sa candidature), Christine Lagarde est sous le coup d’une enquête en France sur l’abus de pouvoir éventuel dans l’affaire Tapie, qui a permis à «Nanard» d’empocher 230 millions d’euros nets, aux frais des contribuables.
De très nombreuses irrégularités, relevées par les magistrats financiers, vont nourrir les procédures engagées devant la Cour de justice de la République, devant le Conseil d'Etat et devant la Cour de discipline budgétaire. Le renvoi devant notamment la cour de justice de la République, dont la commission des requêtes dira le 10 juin prochain s’il y a matière à poursuivre, est consécutif à l’action menée par neuf députés dont Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée d’une part, et d’autre part par Didier Migaud, premier président de la cour des comptes, et socialiste.
Dans ces conditions, Martine Aubry a étonné dernièrement tous les téléspectateurs de gauche, sur France 2, en expliquant : «Si l'Europe peut avoir ce poste et si une Française peut l'obtenir, je crois que cela serait une très bonne chose pour notre pays et pour l'Europe». Mais on avait déjà entendu, à propos de la Fédération socialiste des Bouches du Rhône, le peu de cas que fait Martine Aubry des procédures judiciaires...
En second lieu, la première secrétaire du PS a oublié l’orientation de Christine Lagarde qui a été l’un des ministres les plus libéraux de la Vème République.
Il suffit de se rappeler que récemment encore Mme Lagarde prônait la suppression de l’ISF et qu’elle s’est débrouillée pour tordre la directive européenne sur les bonus des banquiers dans un sens favorable à ses derniers. Elle s’était opposé au niveau européen à une meilleure réglementation de la spéculation sur les marchés et avait imposé ses vues. Il faut se souvenir également de ses prédictions de 2007, lorsqu’elle affirmait, le 20 aout, sur l’antenne de radio BFM, en s’appuyant sur le rebond des bourses asiatiques : «La crise est derrière nous !» alors que celle-ci ne faisait que commencer… Cette dernière enfonçait encore le clou en déclarant le 20 septembre 2008, un an plus tard : «le gros risque systémique qui était craint par les places financières et qui les a amenées à beaucoup baisser au cours des derniers jours est derrière nous» !
Alors comment expliquer chez la première secrétaire du PS une telle tolérance à l’égard de Christine Lagarde ? Les proches de Martine Aubry expliquent que son intervention n’était pas préparée sur ce sujet. Elle aurait été surprise, d’où la prise de parole de Benoît Hamon, très critique le lendemain. Mais ce n’est pas la première fois qu’elle corrige ou fait corriger des propos initiaux par d’autres propos contradictoires avec les premiers. C’était le cas avec l’âge légal de départ à la retraite (62-63 ans puis60 ans…) ou avec le «pacte de Marrakech» conclu avec Dominique Strauss-Kahn alors qu'elle a piloté le projet socialiste pour 2012, qui se veut ancré à gauche…
François Hollande a été quant à lui un peu plus circonspect en exprimant sur RTL sa « réserve » sur « l’orientation » même s’il affirmait néanmoins « je n’ai aucune réserve sur la compétence ».
Une voix au PS, une seule, celle d’Arnaud Montebourg a fait entendre une perception radicalement différente : « La nomination du prochain directeur du FMI appelle à la prudence de la part de notre pays. Le nom de Madame Christine Lagarde, avancé par différents responsables politiques de notre pays, peut se révéler être un choix périlleux. Périlleux parce que Madame Lagarde soutient les politiques d’austérité les plus dures, comme celle imposée actuellement à la Grèce, et fait la politique exigée par les marchés au moment précis où il est hautement nécessaire de les domestiquer. Entre les banques et les peuples, les socialistes devront toujours choisir en faveur des peuples et des citoyens. Il n’y a aucune fatalité à ce que le FMI soit l’allié des politiques favorables au système bancaire qui a une lourde responsabilité dans la crise. Périlleux aussi parce que Madame Lagarde est mise en cause dans le dossier Tapie, en imposant des choix défavorables à l’intérêt des contribuables, au point que le procureur général près la Cour de cassation a décidé de saisir la Cour de justice de la République. La Cour des comptes a d’ailleurs récemment rendu un rapport accablant pour son Ministère. Enfin, ne reviendrait-il pas au FMI de s’ouvrir à d’autres politiques et aux pays du Sud en se réformant en profondeur ? A l’évidence Madame Christine Lagarde n’a pas le profil pour de telles exigences. »
Finalement, avec cette candidature de Christine Lagarde à la tête du FMI, on a vu ressurgir les mauvais réflexes de la gauche de gouvernement : l’idée qu’étant présidentiable, il faudrait être capable de sacrifier les principes politiques sur l’autel de l’intérêt général de la France…On se croirait renvoyé treize ans en arrière, lorsque Jacques Chirac, Lionel Jospin et DSK, appuyaient dans le même élan, la nomination du néerlandais Wim Duisemberg à la présidence de la BCE, en parfaite connaissances de ses orientations très libérales.
A l’avenir, à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle, il vaudrait mieux, pour la gauche, qu’elle évite de reproduire la même bourde…
Photo Creative Commons : FMI par JavierPsilocybin (http://www.flickr.com/photos/santoposmoderno/4148188910/)
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