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Jusqu'où le PS appliquera-t-il un principe de précaution pour se tenir à l'écart des rebondissements de l'affaire DSK ? C'est désormais une question majeure pour Martine Aubry.
Une partie de la presse française fait aujourd'hui ses gros titres des déclarations de Benjamin Brafman annonçant que son client sera relaxé.
La façon dont cette déclaration est présentée dénote le peu de considération de certains médias pour leurs lecteurs. Qui peut imaginer l'avocat de DSK dire "il s'est foutu dans la merde et je ne vois pas comment il va s'en sortir ..." ?
L'orchestration de cette "révélation" quant à la "confiance" de l'avocat de DSK n'est que la énième étape d'une communication qui procède par affirmations permanentes.
Il est aujourd'hui innocent comme hier il était le meilleur. C'est la nouvelle religion : on affirme mais on ne démontre jamais.
Ce choix là peut éventuellement fonctionner dans la démocratie française sans repère solide mais face à la justice américaine, il va exploser en vol dans des conditions spectaculaires.
1) La parole de la justice américaine est marquée par une responsabilité devant le peuple compte tenu du dispositif de l'élection. Par conséquent, la marge de manoeuvre du Procureur est différente de la procédure française. S'il rate sa procédure, il sait qu'il perd sa prochaine élection donc son poste.
2) La parole de la justice repose sur des faits et non pas sur des mots. Il y a ou pas une chronologie, des preuves matérielles, ... toute une logique qui est à l'opposé même de la culture politique où les mots peuvent revêtir des réalités quasi diamétralement opposées. Cette réalité matérielle est implacable. La dernière illustration la semaine écoulée est le dossier de John Edwards et de ses financements électoraux.
3) Mais surtout, appartenir à l'élite devient dans la justice américaine un handicap. Certes les moyens financiers permettent une défense compétitive. Mais le regard des autres parties (Procureur + Jury) est aiguisé par l'idée de la "fonction trahie". Dans la notion même d'élite, il y a la notion d'exemplarité. Lorsqu'elle est prise en faute, cette notion d'élite déchue amplifie la sanction. Cela a toujours été le cas au pénal.
Ce sera encore davantage le cas au civil où la réparation prend en considération les moyens financiers du reconnu coupable. Dans le dossier DSK, compte tenu de l'étalage de fortune qu'il opère actuellement, ce volet civil promet ...
Sur tous ces points, la communication actuelle de DSK s'avère manifestement périmée.
Ce constat est souvent la première sanction d'une élite déchue : ne pas être capable de trouver la communication adaptée parce qu'elle entre dans un univers qu'elle n'a jamais vécu mais surtout jamais imaginé. DSK a changé de statut. Il doit commencer à l'accepter et à en tirer les conséquences car à trop confondre communication politique et communication pénale l'addition pourrait s'avérer très lourde à terme. Il doit dire le plus rapidement possible la vérité, toute la vérité dans le cadre le plus précis possible et sortir de cette stratégie du contre. C'est la meilleure façon d'honorer la confiance placée en lui par de nombreuses personnes.
Comment dissocier son enjeu personnel de celui du PS ? C'est une question de plus en plus importante pour Martine Aubry qui doit veiller à ce que l'affaire DSK ne pollue pas toute la présidentielle 2012.