Les libérateurs de plus en plus considérés comme des occupants
Certains doutent, à juste titre, que la mission de l’Otan en Lybie se limite vraiment à la résolution de l’Onu sur la protection des populations civiles. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’en Afghanistan les populations civiles sont de plus en plus victimes des frappes de l’Alliance. Pour le président Karzaï, pour sa propre population politique, la situation devient intenable et l’Alliance plus que contestée. Cela en est arrivé à un tel point que le gouvernement afghan envisage de remettre en cause sa mission sur place.
La coalition internationale de l'Otan se transformera en "force d'occupation" aux yeux des Afghans si elle continue à tuer des civils au cours de ses opérations, a averti Hamid Karzaï, 48 heures après avoir lancé un "dernier avertissement" à l'organisation. Le président Karzaï, qui entretient des relations de plus en plus tendues avec ses alliés occidentaux, reproche ,depuis longtemps à la coalition ,de tuer des civils lors de ses opérations. Mais les termes employés se sont considérablement durcis ces derniers jours.
Si les troupes internationales "continuent de bombarder des maisons afghanes alors que le gouvernement le leur a interdit, alors leur présence sera considérée non plus comme celle d'une force menant une guerre contre le terrorisme, mais comme celle d'une force d'occupation", a-t-il déclaré. Et d'avertir: "l'histoire de l'Afghanistan a montré comment les Afghans s'occupent des forces d'occupation".
De la soumission-collaboration à la menace très claire
La force de l'Otan (Isaf) a réagi en répétant "tenter constamment d'éviter" les morts civiles, consciente que chacune "affaiblit sa cause". Mais, apparemment, elle est dépassée par le problème. Elle a aussi souligné mener ses opérations conjointement avec l'armée afghane, après les avoir fait approuver par une cellule de hauts responsables gouvernementaux. Ce qui est sans doute vrai.
Les autorités de l'Otan doivent "traiter l'Afghanistan comme une nation souveraine", a asséné M. Karzaï mardi. Dimanche, il avait déjà lancé un "dernier avertissement" aux Américains, les sommant de cesser certaines opérations "unilatérales", au lendemain de la mort, selon les autorités locales, de 14 civils dont 10 enfants, lors d'une frappe d'hélicoptères sur deux maisons de la province méridionale du Helmand.
Pour l’Otan la guerre marque des points, ce qui est contesté mais il faut tenir encore longtemps pour obtenir un succès décisif, ce qui est indiscuté. Le général James Bucknall, commandant du contingent britannique en Afghanistan, a mis en garde les responsables politiques contre les risques d'une importante réduction des troupes alliées, qui pourrait miner les succès obtenus l'an dernier. Commandant adjoint de la Force de l'Otan en Afghanistan, il a estimé, dans une interview au Telegraph mardi, que ce n'était pas le moment d'envoyer des signaux contradictoires.
« La coalition a eu un bon hiver. Nous nous devons de préserver ce que nous avons gagné, au-delà de l'actuelle période de combat », a-t-il ajouté .« Nous récoltons actuellement les bénéfices d'avoir mis en place les moyens pour conforter la stratégie que nous avons toujours eue. Beaucoup de ces moyens n'ont eu de résultats qu'à l'automne 2010. Plus généralement, nous avons besoin de conserver cet ensemble de moyens pendant deux hivers et deux saisons de combat. Disons jusqu'à l'automne 2012 ».
Mais pour cela, il faudra conserver l’alliance de Kaboul. Elle passe par une stratégie de frappe épargnant les civils, dans les lieux où l’ennemi est souvent comme un poisson dans l’eau, et en distinguant le combattant des civils. Il est finalement plus facile de protéger les civils des autres, comme en Lybie, que de soi-même comme en Afghanistan.
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