«Soudain, je me vois me lever et marcher vers la lumière blonde de la prairie. J’ai dix-sept ans, toujours, et je veux voir, humer, écouter. Je veux sentir mes cuisses fouettées par les tiges rudes, encore mouillées de rosée. Je reste assis à attendre, comme les autres, et pourtant je marche, je m’aventure, je saute la clôture. Je pense : je rentre chez moi. M’attendent là-bas, le mil fin, l’asclépiade en boutons, le brûlot vorace, l’effluve entêtant des trilles, les blancs et les mauves, la boue glaiseuse, les arpèges de la rive, un vertige versicolore, le renoncement à mon rôle, à mon personnage. Non pas à la paix, surtout pas la paix, toujours trompeuse, mais au contraire le brusque réveil de mes sens.
Une pléiade de citations de ses auteurs fétiches accompagne cette plume contemplative, Wolf, Jean-Jacques Rousseau, Borduas, Rimbaud, et j’en oublie. Un des amis de la capitale demande à Thoreau
- Que fais-tu seul là-bas, dans ton coin perdu ?
- L’ermite de Walden Pond laconiquement répond : Je cueille des baies dans la forêt obscure.
L’auteur décrivant ce seul et court instant.
«Qu’en est-il de cet instant qui oblige à sortir de soi, de cette courte illumination qui fait s’ouvrir l’œil, frissonner la nuque, trembler nos certitudes et nous amènent à douter de notre âge? On a de nouveau sept ans et le monde redevient une énigme merveilleuse.»
Encore et toujours un immense plaisir de passer quelques heures avec Lalonde, qui au fil de ses écrits se laisse découvrir peu à peu. Un carnet que j’aimerais bien relire, quelques merveilleux détails m’ont sûrement échappés. Pourquoi pas ?