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Le goût de la sieste

Publié le 05 juin 2011 par Corboland78

L’été quand on part vers le Sud, dans ces contrées caniculaires qui semblent toujours exotiques aux parisiens, il m’était déjà arrivé de piquer du nez après le déjeuner. Peu habitué à cette réaction, la cause était entendue, une forte chaleur tombant sur une digestion en cours, il n’en fallait pas plus pour me mettre sur le flanc. Comme de plus c’était une coutume locale je n’avais aucune raison de combattre ce penchant saisonnier et d’ailleurs, à cette heure du jour quand le soleil tape à vous estourbir, la sagesse populaire dictée par l’expérience ancestrale paraissait l’exemple à suivre. 

Pour moi la sieste n’était qu’un souvenir de vacances sans soucis, comme la partie de boules sous les platanes de la place ou le pastis « Chez Francis » à l’heure de l’apéro. Quand j’étais encore dans le monde actif, j’avais envisagé un court instant d’y implanter cette charmante coutume mais j’en avais abandonné l’idée, trop d’idées reçues à combattre. Maintenant que j’ai plus de temps pour m’adonner à l’essentiel, ajouté au beau temps persistant et aux jours de chaleurs qui viennent me relancer jusqu’en mon territoire, l’idée saugrenue au départ m’est revenue insidieusement.

Actuellement je n’en suis qu’à la phase expérimentale, je me réserve le droit d’abandonner le projet quand il me plaira. Après le déjeuner, je m’allonge sur le canapé de la salle, fenêtre ouverte et j’erre entre rêvasseries et somnolence. Me coucher dans la chambre en journée serait trop extrême et dans mon esprit reste attaché à la maladie ou à quelque friponnerie, quant au fauteuil dans la loggia il n’est pas assez confortable pour ce type d’activité.

Ni radio en sourdine, ni CD dans la platine. Les seuls bruits proviennent de l’extérieur, un pas dans l’allée en bas de l’immeuble, un brouhaha de voix enfantines dans le lointain d’une cour de récréation, un méli-mélo de sons indistincts sur l’avenue là-bas. Mêmes mes pies, dans l’arbre proche, ont mis leurs caquets en veilleuse, les braves bêtes.

Un coup de vent parfois effleure mes pieds nus, un câlin sans conséquence sur la bonne tenue de mon repos. Je ne dors pas, je flotte dans cette zone ouatée « où le dormeur, à demi éveillé, goûte les voluptés de son anéantissement » comme disait Baudelaire. Lentement mon cerveau repousse toute pensée, je suis au meilleur de ma forme dans cet exercice, et atteint le zénith de cet instant de détente ; puis petit à petit, je reprends pied, la réalité environnante me rattrape c’est l’instant décisif, dois-je forcer la nature et poursuivre la sieste, ou bien l’heure est-elle venue de l’abandonner pour aujourd’hui.

L’esprit et le corps se retrouvent avec plaisir (on n’ose imaginer le contraire !), les idées se remettent en place, pour preuve elles me dictent ce billet, autre avantageux miracle de ce noble exercice.   


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