Après Fukushima, quel est l'avenir du nucléaire ? La technologie permet certes de produire des quantités d'énergie importantes à de faibles coûts , en n'émettant quasiment pas de gaz à effet de serre. Mais elles pose de nombreux problèmes : celui du risque d'accident - et les conséquences à long terme de la catastrophes japonais sont encore difficile à évaluer-, celui de la gestion des déchets, celui de la prolifération, celui de leur coût réel. Elle suscite logiquement une opposition importante.
Un temps mis de côté à cause de la désapprobation de l’opinion publique et du fort coût d’investissement, le nucléaire a connu un renouveau avec 36 réacteurs en construction et une centaine d’autres en projet. En 2008, 439 réacteurs nucléaires sont en service, ils fournissent sous forme d’électricité 6,3 % de l’énergie mondiale. En France, le nucléaire fournit environ 75% de l’électricité du pays.
Une opposition virulente
L’opposition au nucléaire a d’abord concerné son usage militaire suite aux bombardements du Japon. La puissance de destruction sans précédent était manifeste tandis que l’invisible contamination radioactive affectait sur le long terme les populations. En 1971, la première action de Greenpeace fut de protester contre des essais nucléaires américains à Amchitka en Alaska et d’en obtenir l’arrêt sur ce site.
L’opposition s’est ensuite étendue aux projets nucléaires civils comme Superphenix en France. Le refus de l’installation d’activités nucléaire dans certaines régions a fédéré le mouvement associatif et a participé à la création de l’écologie politique. En Allemagne, l’opposition au nucléaire a porté l’essor politique du parti Vert qui a finalement obtenu l’arrêt du nucléaire en 2000.
Des accidents
Il est encore difficile de dresser un bilan de l'accident nucléaire japonais. Suite au tsunami qui a ravagé le pays le 11 mars 2011, plusieurs réacteurs de la centrale de Daiichi sont entrés en fusion tandis que l'arrêt des systèmes de refroidissement posait des problème sur les piscines de refroidissement. D'autres centrales connaissaient des problèmes moins importants.
Même si l'accident n'a fait aucun mort, pour l'instant (tandis que le tsunami a tué plus de 20 000 personnes), elle montre que le risque zéro n’existe pas. En fait, les accidents de Three Miles Island au Etats-Unis et de Tchernobyl en Ukraine l’avaient déjà montré. Même si le premier n’a fait aucune victime et n’a pas eu de conséquences hors de la centrale, il a marqué l’opinion américaine et a amené le gel du programme nucléaire américain. À l’inverse, l’accident de Tchernobyl a touché la région et les populations dans des proportions importantes. Vingt ans après, le bilan est toujours sujet à débat. L’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) estime qu’au total, environ 4000 personnes mourront des suites de la catastrophe, mais les associations contestent ce chiffre qui ne prend pas en compte un grand nombre de victimes parmi les 600 000 liquidateurs envoyés pour éteindre le feu et construire le sarcophage.
La catastrophe de Tchernobyl a été causée par une série d'erreurs humaines. Elle a montré que les installations nucléaires nécessitent un personnel compétent, un entretien et une surveillance constante. La catastrophe a également montré combien les autorités pouvaient dissimuler la réalité à leur population : le gouvernement ukrainien a tardé à annoncer la catastrophe à sa population et, en France, les autorités ont prétendu que le nuage radioactif s'était arrêté aux frontières.
Des incidents plus ou moins mineurs surviennent dans les centrales aujourd’hui encore. Ils doivent, en théorie, être déclarés aux autorités, en France à l’Agence de Sûreté Nucléaire (ASN) et au niveau international à l’Agence International de l’Energie Atomique (AIEA).
Depuis les attentats du 11 septembre, la menace terroriste repose la question de la sécurité des centrales ainsi que celle du contrôle des matériaux radioactifs qui pourraient être utilisés pour commettre des attentats.
La question des déchets
Les activités nucléaires génèrent des déchets radioactifs qui restent dangereux durant des années voire des centaines de milliers d’années. Or, il n’existe pour l’instant aucune solution pour leur traitement : la seule option est pour l’instant de les stocker dans des zones prévues à cet effet.
Le coût du nucléaire
Le coût de l’énergie nucléaire est l’objet de multiples débats. Aujourd’hui, l’électricité nucléaire est fournie à un coût inférieur à celui des autres énergies. Toutefois, les opposants au nucléaire considèrent que plusieurs facteurs ne sont pas pris en compte dans ce prix et qu’il est donc sous-évalué.
Ils font remarquer que les gros budgets d’investissements en recherche et développement nécessaires à cette technologie ont souvent été pris en charge par l’Etat, parfois pour des besoins militaires. Il faudrait les réintroduire dans le prix. Quant au coût du stockage des déchets, sur des durées qui dépassent la durée de vie de l’Homme et des civilisations, il est proprement incalculable.
Ils ajoutent que les sommes énormes dépensées pour le nucléaire, si elles étaient investies dans le secteur des énergies renouvelables permettraient ou auraient permis des progrès technologiques considérables, et donc à la fois une baisse importante des coûts et une augmentation de la puissance disponible.
Fin de vie
Les centrales françaises ont été prévues pour une durée de fonctionnement d’une trentaine d’années ; elles sont pour la plupart amorties. En France, EDF voudrait poursuivre leur exploitation une dizaine d’années au moins, ce qui permettrait de limiter les investissements tout en maintenant le prix de revient du KWh à un faible niveau. Continuer l’exploitation n’est pas sans poser des problèmes d’usure du matériel, d’obsolescence des compétences et au final de sécurité. Il faut remarquer que le coût de démantèlement des centrales est tel qu’il y a un intérêt économique à en prolonger la durée de fonctionnement.
La prolifération
Un des dangers majeurs de la technologie nucléaire est celui de la prolifération, c’est-à-dire une diffusion incontrôlée des technologies à usage militaire. Les états disposant de technologie nucléaire militaire se sont engagés à ne pas la diffuser, et, en contrepartie, à favoriser le développement du nucléaire civil. C’est ce que prévoit le traité de non-prolifération des armes nucléaires de 1978. Des tensions opposent toutefois la communauté internationale à certains pays (Iran, Corée du Nord, …) qui tentent d’accéder au nucléaire pour un usage civil, voire militaire. Pour ces pays, la non-prolifération peut être ressentie comme une atteinte à la souveraineté.
Réchauffement climatique
Le nucléaire a pour avantage de produire de l’énergie sans émettre de CO2 dans l’atmosphère, entend-on souvent. Ce n’est pas tout-à-fait exact car il faut prendre en compte les gaz à effet de serre émis pour la construction des infrastructures, pour le transport des combustibles et pour leur extraction. Le bilan carbone du nucléaire reste très inférieur à celui des énergies fossiles.
Face aux enjeux du réchauffement climatique, des écologistes célèbres mais controversés, comme James Lovelock et Patrick Moore, défendent cette technologie. Ils insistent également sur le fait que le nucléaire produit une énergie constante qui ne dépend pas des aléas météorologiques. James Lovelock va même plus loin en montrant que la contamination radioactive peut être une chance pour la biodiversité. [Débat]
L’état des stocks d’uranium
Le nucléaire nécessite de
Il faut noter que l’extraction d’uranium peut être dangereuse tant pour les mineurs que pour l’environnement. Comme de nombreuses matières précieuses, l’uranium peut également susciter des conflits. C’est le cas au Niger où le gouvernement s’oppose aux Touaregs pour le partage de cette ressource. [voir Guerre et environnement]
Le nucléaire et la démocratie
Au vu de l’ampleur des enjeux posés par l’énergie nucléaire et des oppositions qu’elle suscite, la participation de la population aux choix semble nécessaire. Certains pays ont consulté leur population sur ce sujet, l’Italie et la Suède via des référendums. Toutefois, en France, l’engagement dans le nucléaire a été décidé par l’Etat sans consultation démocratique. Aujourd’hui encore, les détracteurs du nucléaire insistent sur le manque de transparence de la filière qui reste même soumise au secret défense sur certains points. Depuis Fukushima, nombreux sont ceux qui demandent une rediscussion démocratique des choix énegétiques. En France, Yann Arthus-Bertrand et d'autres personnalités ont appelé à un grand débat national sur ce sujet.