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Eric L'Helgoualc'h, Panique aux frontières - Enquête sur cette Europe qui se ferme

Publié le 05 juin 2011 par Edgar @edgarpoe

el.jpg Quelques mots sur cet excellent livre et sur ce qui m'a amené à le lire. Eric L'Helgoualc'h est un copain et j'ai eu le privilège de lire non pas le livre publié, mais le manuscrit avant publication.

L'auteur donc est plutôt pro-européen, mais ouvert à la discussion et absolument pas doctrinaire. Nous avons copiné par blogs interposés.

Il se trouve que j'ai baucoup aimé ce qu'il a écrit ici, dès les premières pages.

Ceux qui ont eu la chance et le plaisir de lire des reportages d'Actuel se sentiront ici en terre familière : il s'agit d'abord de montrer, de faire connaître, d'aller là où la presse fatiguée ne prend plus le temps d'aller, bien plus que de disserter en chambre.

Eric n'a pas de salade à vendre : il a eu envie de voir concrètement ce qu'était la politique européenne d'immigration, et d'en rendre compte à travers un livre. Il a été sur place - ce n'est pas un romanquête - et rend compte d'une façon que je crois fidèle, de ce qu'il a vu.

Pour nombre d'eurobéats, ce sera déjà trop : se pencher sur Frontex, l'organisme de défense des frontières européennes, c'est déjà un peu suspect. Oui, contrairement à ce que l'on croit, l'Europe a déjà ses garde-barrières et se comporte comme n'importe quel état, avec son égoïsme national et des frontières à défendre. Même si l'auteur est plutôt un partisan du projet européen, il a l'honnêteté de rendre compte et de faire passer les faits avant la propagande ou le discours convenu.

Par exemple, sur Frontex : "A Lesbos, Bernd m'avait confié que ce nom [Frontex] lui rappelait celui d'une marque d'éponges. L'analogie n'est pas que phonétique. Frontex incarne parfaitement la nouvelle doctrine européenne des frontières : un côté souple pour les citoyens européens libres de se déplacer à leur guise, un côté rêche tourné vers le monde extérieur et ses millions d'intrus potentiels".

De fait, l'auteur s'est déplacé dans toute l'Europe - à Malte, en Grèce, au siège de Frontex à Varsovie, à Bruxelles ou à Paris - pour enquêter sur la politique d'immgration européenne, pour essayer d'en démêler les fils et les rsponsabilités.

Un passage de l'introduction plante bien le cadre : "A mesure que me parvenait l'écho des barques refoulées, des migrants molestés et des centres de rétention en flammes, je sentais à mon tour monter la schizophrénie entre l'idéal européen tel qu'il m'était toujours apparu et la politique d'immigration de plus en plus répressive conduite par certains états membres, sans que leurs partenaires s'en émeuvent outre mesure. Avec leur soutien tacite, même, sinon leur complet assentiment."

Le lecteur apprendra donc par exemple comment, grâce aux lobbys industriels européens, les frontières européennes seront bientôt gardées par des drones. Un "activiste" cité par l'auteur : "Moi aussi je pense que l'ouverture des frontières n'est pas envisageable pour aujourd'hui. Mais j'estime que les contrôles doivent se faire en respectant l'humanité des migrants. Cela commence par la remise en cause de certains projets les plus extravagants jamais développés dans le cadre de la recherche européenne." L'auteur commente "Mais qui connaît l'existence de ces projets ? Et qui pourrait décider d'y mettre un terme ?"

Ailleurs, l'auteur estime que "en faisant son entrée dans le champ de la sécurité, l'Union vit son passage de l'adolescence à l'age adulte. Elle se voit contrainte de recourir à la force, à la coercition, à la violence. Elle renoue avec une négativité refoulée par la célébration consensuelle de la paix et de la réconciliation entre les peuples". Je crois, au fond, que c'est ce que ne supporteront pas les partisans de l'Union qui refusent d'évoquer les politiques d'immigration européenne : ils sont encore à un stade infantile où le projet européen est une sorte de recours contre le réel, un conte pour enfants où toutes les contradictions s'effacent.

Mais je ne voudrais pas donner l'impression que Panique aux frontières est un livre de théoricien, une dissertation sur l'Union. C'est avant tout un travail de journalisme épatant, informé et d'abord curieux et respectueux  des faits.

Très vivement recommandé.


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