Le stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé est l'endroit le plus hitchcockien de cette planète. Ce 4 juin 2011, dans une rencontre opposant le Cameroun au Sénégal, alors que les locaux ont absolument besoin d'une victoire et que nous jouons la 91e minute, l'arbitre acorde un penalty (très généreux) aux Lions Indomptables. Même scénario que le 8 octobre 2005 : même stade, même buts, même enjeu, seul le héros de la tragédie change : Womé n'est plus là. Samuel Eto'o, le capitaine et n° 1 dans la liste des préposés aux penalties, s'élance, frappe et... trouve la barre transversale.
Le joueur s'écroule alors dans la surface de réparation, face contre terre, car il sait. Il sait que ce geste va lui être reproché encore et encore. Il sait que les vautours qui tournent autour de cette équipe et qui se repaissent de ses malheurs vont le harceler pour le restant de sa vie. Il sait qu'il constitue le bouc émissaire idéal, celui sur qui se concentrent la colère de ceux que le football camerounais agace ces dernières années.
En réalité, ce penalty raté signe la quasi élimination du Cameroun d'une compétition qui va se jouer pratiquement à domicile. Il marque peut-être aussi la fin des haricots, c'est-à-dire le signal fort que nous attendions tous pour qu'enfin un grand coup de pied fasse voler en éclat la mafia qui n'en finit pas d'enterrer le football camerounais. Mais on l'a déjà dit après les CAN 2004, 2006 et 2010. On l'a déjà cru après le retour de la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Et rien ne s'est jamais passé.
A titre personnel, j'aimerais passer un message de soutien à Samuel Eto'o et lui dire "assia". Je pense qu'il en aura besoin pour continuer à avancer au milieu du déluge qui va s'abattre sur lui. Car les carottes étaient déjà cuites même avant ce match de Yaoundé. En arriver à espérer un penalty imaginaire à 3 minutes de la fin d'un Cameroun-Sénégal, c'est déjà un échec monumental.
Une équipe qui domine son adversaire au point de bénéficier d'une dizaine de corners et d'une demi-dizaine de coups francs et ne marque pas de but ne mérite pas d'aller à la CAN. Une équipe qui fait match nul contre la RDC sur son propre terrain, qui perd dans les arrêts de jeu un match largement à sa portée à Dakar, une équipe qui aligne des Webo et des Angbwa sur le terrain ne mérite pas le succès.
Une nation qui saborde consciencieusement son propre football, qui ne tire jamais de leçons de ses échecs, qui s'arrange toujours pour nommer comme sélectionneurs d'illustres débrouillards payés à prix d'or, qui laisse moisir ses meilleurs talents (Essama, Joël Matip, Zoua...), qui n'est pas fichue de construire sur son sol un seul stade digne de ce nom, une telle nation ne mérite qu'une chose : l'oubli.
Je sais que les observateurs à courte vue ne parleront que du penalty raté, et que la presse à scandale qui prétend représenter la référence du football camerounais va se faire une joie de tirer sur Eto'o pour garantir le buzz. Mais ces observateurs et cette presse, comme je l'ai déjà dit, font partie du problème : ils ne font que refléter la pauvreté générale qui a frappé le Cameroun depuis le tournant des années 90. Pauvreté matérielle, pauvreté morale et surtout pauvreté intellectuelle.
Je ne dirai qu'une seule chose : le Cameroun tombe sur un penalty manqué, mais il avait déjà trébuché sur bien d'autres obstacles. Qu'on laisse donc l'enfant d'autrui tranquille !