Quebec : L’État doit-il mieux soutenir les parents qui choisissent de rester à la maison ?

Publié le 03 juin 2011 par Veille-Education

L’État doit-il mieux soutenir les parents qui choisissent de rester à la maison ? C’est la question posée par La Presse à plusieurs personnalités.

Notons que la Presse n’a pas demandé si l’État devrait imposer nettement moins et simplement ne plus subventionner ni garderies, ni pensions et laisser les gens choisir totalement s’ils veulent avoir des enfants tout en s’abstenant de les imposer à outrance comme aujourd’hui.

Extraits :

Pierre-Yves McSween
Comptable agréé, chargé de cours à HEC Montréal
[...] Prenons le cas des garderies subventionnées et des CPE: ce service, subventionné par tous les Québécois, tient pour acquis que les deux parents travaillent et qu’ils veulent sous-traiter la tâche de s’occuper de leurs enfants durant le jour. Cette logique, bien qu’intéressante monétairement (surtout pour un futur papa comme moi), ne laisse pas le libre-choix aux parents. De plus, elle augmente l’interventionnisme de l’État et crée des structures supplémentaires à supporter. À la place de tout ce système, nous devrions peut-être simplement verser des allocations généreuses aux parents, équivalentes à ce qui est versé aux garderies subventionnées et aux CPE. Ces derniers auraient le libre-choix d’élever leurs enfants eux-mêmes à la maison ou de travailler à l’extérieur en payant la garderie avec leur portion de subvention. Une autre possibilité serait de permettre le fractionnement partiel de revenus pour les parents dont au moins un enfant est âgé de moins de 5 ans. Ainsi, la personne qui travaille pourrait diminuer son imposition pour transférer une partie de son salaire à la personne qui a fait le choix de demeurer à la maison. Évidemment, cela semble crée une injustice pour les célibataires et les couples sans enfants. Toutefois, notre société subventionne déjà les parents, la solution proposée ne fait que donner le libre-choix à ces derniers, tout en permettant à l’État de diminuer ses responsabilités. [...]

Mathieu Bock-Côté
Chargé de cours en sociologie à l’UQAM

La famille est certainement une des institutions les plus problématiques qui existe dans notre société. Tous s’en réclament et la valorisent, même si plus personne ne sait à quoi elle réfère exactement. Ne répète-t-on pas d’ailleurs que la famille n’existe qu’au pluriel, qu’il faut moins parler de sa dislocation que de sa mutation pluraliste, de sa recomposition? Pourtant, on constate qu’ils sont de plus en plus nombreux à tâtonner pour redécouvrir certains fondements culturels tenus pour négligeables depuis une quarantaine d’années. Des hommes et des femmes se mettent à regarder avec une sympathie de moins en moins clandestine le modèle familial de leurs parents, plus exactement de leurs grands-parents. Pour le reproduire? Bien sûr que non. Qui contesterait aujourd’hui les vertus de l’émancipation féminine, la révolution égalitaire entre les sexes? Mais certains se demandent pourquoi ne pas récupérer de ce vieux modèle la part de bon sens qu’il contenait: un certain sens de la stabilité, de la durée. On nous invite à nous ouvrir à tous les modèles familiaux. Pourquoi ne pas s’ouvrir aussi à ce qui peut rester de la famille traditionnelle, à tout le moins à ceux qui y tiennent, sans les tenir pour des galeux?

Mélanie Dugré
Avocate
[...] Pendant ce temps, qu’a-t-on fait pour soutenir les parents, majoritairement des mères, souhaitant plutôt rester à la maison pour élever leurs enfants? Bien peu. Lors de la dernière campagne électorale provinciale, il y a eu cette proposition adéquiste, pas folle du tout, d’offrir un salaire aux parents au foyer. Depuis, plus rien. Le problème se pose à deux niveaux: le vide fiscal et juridique dans lequel le parent à la maison se retrouve et le manque de soutien de l’État à son égard. Entre le néant actuel et le Club Med redouté par certains, il existe certainement des mesures financières, légales et fiscales qui pourraient aider les parents qui choisissent de rester temporairement auprès de leurs enfants. Quant à l’absence de reconnaissance et de valorisation du rôle de parent à la maison, elle est malheureusement symptomatique de la société d’avoir et de paraître dans laquelle nous vivons et dont l’échelle de valeurs est parfois douteuse. En attendant d’avoir la liberté de choisir entre boulot et marmots, certaines mamans, à l’issue du congé de maternité, reprendront le chemin du travail avec motivation et enthousiasme alors que d’autres le feront la larme à l’œil et le cœur en miettes.

François Bonnardel
Député adéquiste de Shefford
Même si cela est plus rare qu’auparavant, demeurer à domicile pour élever ses enfants constitue une liberté qu’on ne doit d’aucune manière décourager par la fiscalité ou par un programme social. [...] Les papas et les mamans qui décident de demeurer à la maison sont effectivement désavantagés par un programme de garderies contraignant pour tous les parents. Ainsi, ils contribuent à la même hauteur que les autres au financement de ces coûteuses garderies subventionnées, via les taxes et les impôts qu’ils paient au gouvernement. Or, ils n’utiliseront jamais ces établissements et ont même fait le choix difficile – mais tout à fait légitime – de faire passer leur famille avant leur carrière professionnelle, ce qui comporte déjà un lot considérable de difficultés. La meilleure solution pour remédier à cette injustice est d’introduire, en complémentarité avec le système actuel, le remboursement d’un montant hebdomadaire de 100$ pour tous les enfants d’âge préscolaire qui ne fréquentent pas de garderie subventionnée. L’Action démocratique du Québec propose cette solution depuis plusieurs années, mais le gouvernement libéral a préféré suivre Pauline Marois dans ce dossier et ignorer la cause des parents qui décident de rester à la maison. Pour des raisons d’équité et de respect de la liberté de choix, cette injustice doit être corrigée au plus vite. [...]

Pierre Simard
Professeur à l’École nationale d’administration publique
Les enfants québécois sont devenus des « biens publics ». Les mères québécoises sont assujetties à une énorme bureaucratie qui décide des services qui leur seront offerts. Une bureaucratie qui s’est arrogé le droit de décider à la place des familles ce qui est bon pour leurs enfants. Une bureaucratie qui détermine et subventionne les services qu’elle juge souhaitables, et ce, sans égard à la responsabilité des parents. Des parents qu’on juge irresponsables et incompétents finalement. Présentement, nos impôts alimentent une énorme bureaucratie qui, après les avoir ponctionnés de «frais généraux», les convertit en un éparpillement de services à la famille; des services assujettis à un contingentement, une liste d’attente, une restriction, une condition particulière ou… une convention collective [...]