Or donc, Sevran, commune en ruine de Seine-Saint-Denis, administrée depuis dix années par le dénommé Stéphane Gatignon. Qui n’en peut plus, et depuis lustres, de réclamer de l’aide. Présentement des « casques bleus »… Faut dire que dorénavant, à Sevran, ça se canarde à l’Uzi. En plein jour. Pour des histoires de came. C’est à croire que le Plan Marshall promis par le candidat Sarkozy en mars 2007 [1] a échoué, et dans les grandes largeurs. A moins que…
A moins que, de Plan Marshall [2], il n’y a pas eu. Jamais.
Ou alors, des clopinettes. Une misère d’euros.
Et, sporadiquement, pour faire genre, épater la galerie médiatique, l’envoi d’escadrons armés jusqu’aux dents, méchamment sapés à l’américaine, le toutime survolé par un hélico – qui, va savoir, diffuse du Wagner – bref, déploiement copieux des forces dites de sécurité, coucou v’là la République, qui, comme de bien sûr, rentre au bercail une fois les caméras de télévision éteintes.
En guise de Plan Marshall, t’as donc un plan com’.
Et pis, c’est tout.
Ah bien sûr, si en 2002, le ministre de l’Intérieur, un certain Nicolas Sarkozy, n’avait pas supprimé la police de proximité [3] peut-être – c’est pas sûr, mais tout de même : peut-être – que nous n’en serions pas là. En Seine-Saint-Denis.
Oui, si de façon permanente, des ilotiers avaient pu continuer à patrouiller dans le périmètre, mais pas que (la police c’est aussi un lien social, quand c’est bien fait) et de surcroît pas des bambins sortis de l’école, des types solides, avec une expérience du terrain, allez savoir si Sevran serait à ce point insecure.
Certes, un Plan Marshall, digne de ce nom, ne se limite pas (qu’)à une présence policière.
C’est, avant toute chose, une volonté politique, d’ordre économique ET social, dont le but est de réduire drastiquement (à défaut d’éradiquer) les inégalités (de toute nature) ; inégalités et injustices qui sont sources de tous les maux : chômage, alcoolisme, suicide, violence, délinquance, etc.
Autrement dit, c’est de l’ambitieux. Et de l’ambitieux qui coûte cher. Visiblement : trop... Que voulez-vous ! On ne peut à la fois sauver les banques, l’industrie automobile ET les banlieues. Faut bien comprendre que les retraites-chapeau, les stock-options, les parachutes dorés, les paradis fiscaux, le bouclier fiscal, c’est autrement plus rémunérateur, voyez-vous, que le devenir des gueux de tous les Sevran de l’hexagone. Que les quartiers populaires, qui ne le sont pas vraiment, populaires, dans l’opinion publique. Ceci expliquant cela.
Sauf que, le candidat Sarkozy nous avait promis la rupture.
Même qu’on allait voir ce qu’on allait voir ! Ah, ça ne se danserait pas comme lors des trente dernières années, où en matière de politique de la ville, on a fait n’importe quoi – ce qui est vrai, nonobstant ! On va t’y remettre de la République et des services publics. Des écoles, fussent-elles de la « deuxième chance ». Emplois et « formation pour tous les jeunes de nos quartiers » afin que personne « ne soit laissé de côté, pour que chacun puisse tenter sa chance ».
Sur le papier, ç’avait de l’allure. Et puis, ça répondait, d’une certaine façon, aux « évènements » de l’automne 2005.
On se disait que le gars Sarkozy avait pris la mesure.
Eh bien non. Du tout.
Mais qui ça pourrait étonner ?
Quand bien même avait-il seriné « J’ai changé... » et par onze fois lors de son discours du 14 janvier 2007.
Sarkozy n’a pas changé.
C’est toujours celui qui nous dit, fanfaron, dans une forêt de micros et de caméras :
« Vous en avez assez, hein ? Vous avez assez (sic) de cette bande de racailles ? Eh bien on va vous en débarrasser ! ».
Non seulement il ne « les » en a pas « débarrassés » mais il a copieusement augmenté le problème par son « immobilisme ». Soit, en continuant une politique absurde et vaine. Qui ne s’attaque pas, concrètement, aux sources de la délinquance et tutti.
Qui plus est, il poursuit (via Alliot-Marie, Hortefeux puis Guéant) ce qu’il entreprit quand il était ministre de l’Intérieur, une politique bêtement répressive, ponctuelle, ô combien médiatique, de celle qu’épate les gogos, mais qui ne résout rien, bien au contraire.
Il n’y a pas de répression sans prévention. D’économique sans social. De fermeté sans générosité.
Le PS et la gauche en général seraient bien inspirés de se saisir de ce dossier. De faire la démonstration de l’inefficacité de Nicolas Sarkozy en la matière. Ce que Ségolène Royal n’avait malheureusement pas fait lors de la campagne présidentielle 2007, alors que déjà, le bilan de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur était un échec camouflé par des coups médiatiques et des chiffres Bauerisés.
Cette fois, il conviendrait que la gauche appuie là où ça fait mal. Tant c’est un boulevard. Qu’il ne faudrait pas laisser au Front National [4]
Il est urgent que la gauche, outre la critique, le constat, fasse des propositions concrètes, chiffrées. Qu’elle nous décrive ce que sera sa politique de la ville, en formant le vœu qu’elle saura se montrer ambitieuse, ferme et généreuse.
Or donc, en s’attaquant prioritairement aux sources des maux, et non uniquement à leurs conséquences.
[1] « Si je suis élu je mettrai en œuvre un grand plan Marshall de la formation pour tous les jeunes de nos quartiers, pour qu'aucun ne soit laissé de côté, pour que chacun puisse tenter sa chance, pour que chacun ait un emploi. » [Nicolas Sarkozy – 18 mars 2007 – Discours du Zénith]
La candidat Sarkozy promettra à nouveau un Plan Marshall pour les banlieues, le 2 avril 2007, à l’occasion d’une conférence de presse sur son projet présidentiel, puis le 13 avril 2007, à Meaux, où il interpellait Yves Jégo :
« Cher Yves Jégo, je ne veux plus une politique de la ville, je veux un plan Marshall pour les banlieues. Un plan Marshall qui s'adresse à tous ceux qui veulent créer de la richesse et des emplois, à tous ceux qui veulent bénéficier d'une formation pour trouver du travail. Parce que le plan Marshall que je propose ne concernera pas seulement les immeubles et les murs, mais aussi et surtout les hommes et les femmes de bonne volonté. »
[2] En réalité, le Plan Marshall promis fut soldé en février 2008. Soit : avant la crise.
[3] « Plus que jamais, la police de proximité fait défaut. Contrairement à ce qui est plaidé, préconisé, annoncé, vidéosurveillance, drones (!), etc, plus la situation s’envenime et plus une police de proximité serait nécessaire. Ou plus exactement l’état d’esprit qui animait cette orientation. La police, c’est par définition de la proximité. Dès lors qu’on fait une partition des missions policières, c’est de la politique.
Et c’est en partie pour cela que les relations police/population n’ont cessé de se dégrader.
La police se trouve au cœur de la réalité des effets de la férocité sociale, économique, et la délinquance. Même s’il se trouve aujourd’hui des idéologues pour affirmer qu’il n’y a pas de lien entre la délinquance et la précarité… » [Bénédicte Desforges – 13 décembre 2010]
[4] Lors des dernières cantonales (mars 2011) on a pu observer une poussée du FN dans les banlieues.
Concernant Sevran, le candidat frontiste se classa second au premier tour avec 22,92% des suffrages exprimés (abstention : 70,19%).
Il devançait les candidats du PCF (22,15%) et de l'UMP (12,38%).