Jean François Bayart, directeur de recherche, cité par Labarthe, se veut plus cinglant. Il perçoit, sous Sarkozy, «une régression de la politique africaine de la France à des relations clientélistes avec les capitales subsahariennes, relations dont l'asymétrie n'est pas toujours celle à laquelle on pense spontanément. L'Elysée soutient sans ambages les régimes en place, et même les sauve si nécessaire comme on l'a vu au Tchad, il appuie les successions dynastiques (ou leur préparation) comme au Togo, au Gabon, au Burkina Faso, au Sénégal».
Bien que ne figurant pas sur cette liste, le pouvoir de Yaoundé n'est pas à l'abri du bras long de Sarkozy en Afrique. Des sources introduites dans le sérail à Yaoundé croient ainsi savoir que l'Elysée entend peser de tout son poids sur le choix du prochain président de la République camerounais, comme ce fut déjà le cas sous Ahidjo et avant l'indépendance du Cameroun en 1960. Sur ce point, le sphinx du palais de l'Unité garde un silence assourdissant en dépit de la pression de Paris, même si d'ici on peut percevoir son embarras.
Voyages
Par ailleurs, entre Paul Biya, 78 ans, 29 ans au pouvoir et Nicolas Sarkozy, 56 ans, 4 ans au pouvoir, les lignes de fracture en matière d'exercice du pouvoir sont légion. Le chef de l'Etat camerounais s'est mis en mode «veille» et gouverne à petit feu, pour reprendre l'expression du biographe des chefs d'Etat français (dans M. le président, scène de vie politique 2005-2011 paru en avril 2011 chez Flammarion), Franz-Olivier Giestbert, parlant de Chirac vers la fin de son règne.
Pendant ce temps, le slogan fondateur du Renouveau «rigueur dans la gestion et moralisation des comportements» prend de l'eau de toutes parts et le taux de pauvreté prend de l'altitude. Autour de M. Biya, le bal des courtisans fait pourtant rage. Or, comme l'indiquait Montesquieu, «quand dans un royaume, il y a plus d'avantage à faire sa cour qu'à faire son devoir, tout est perdu». Le chef de l'Etat aurait surtout oublié les reproches de ses détracteurs, selon qui «pour les présidents, les années comptent triple ou quadruple», pour citer, une fois de plus, Giestbert.
S'il n'est pas indifférent à la «cour», Nicolas Sarkozy dit pour sa part, à qui veut l'entendre que «Mitterand s'est fait élire pour jouir du pouvoir. Chirac, pour faire tranquillement la sieste. Moi, c'est pour agir». C'est ainsi que, celui que Jean-François Kahn dans le magazine Marianne, a qualifié de «voyou de la République», ne se veut pas «un président immobile, confit dans son formol, comme certains de ses prédécesseurs. Il a même reformé à tout va. Mais il l'a fait avec un esprit de conciliation proportionnellement aux forces en face de lui».
Hyperactif, M. Sarkozy se définit aussi comme «un surfeur qui cherche la bonne vague». le disciple de Charles Pasqua, qui, à en croire, Gilles Labarthe, était de passage au Cameroun en 1996, en compagnie de Phillipe Jaffré, le patron d'Elf Aquitaine, exprime certainement, à travers ses voyages sans cesse annoncés et reportés au Cameroun, son «amitié» au promoteur du Renouveau.