“Tous les Etats sont des Etats de droit” : Enoh Meyomesse, écrivain
La force et le droit, en vérité, ne doivent guère coexister. Ils doivent s’exclure réciproquement. En fait, l’un précède l’autre. La force précède toujours le droit.
Car, qu’est-ce que le droit ? C’est la codification de ce que la force a établi. Il n’y a pas le droit en soi.
Le droit est invariablement le résultat d’un rapport de forces. Il en a toujours été ainsi tout au long de l’histoire de l’humanité. C’est pourquoi la notion d’Etat de droit, pour prétendre désigner un Etat démocratique, est fondamentalement pernicieuse. Tous les Etats sont des Etats de droit. Même les Etats dictatoriaux. L’Etat esclavagiste est un Etat de droit. Il est régi par des lois qui maintiennent des êtres humains en esclavage.
L’Etat sud-africain, sous l’apartheid, était bel et bien un Etat de droit, car il était régi par des lois, les fameuses lois de « développement séparé ». De même, l’Etat américain, au temps de la ségrégation raciale, était un Etat de droit. Il existait des lois séparant les deux communautés, blanche et noire. L’Etat colonial, également, était un Etat de droit. C’est la loi qui avait institué la ségrégation raciale au sein de l’Arcam, Assemblée Représentative du Cameroun, 1947-1952, puis de l’Atcam, Assemblée territoriale du Cameroun, 1952-1956. Il y avait, d’un côté, les députés blancs, et de l’autre, les députés noirs. En plus, en ce temps-là, un Blanc = 1 voix, tandis que 30 Noirs = 1 voix. C’était le droit. La dictature qui régnait au Cameroun, au lendemain de l’indépendance – ou qui continue à régner – était (est) basée sur le droit. Les arrestations d’opposants, d’écrivains, de journalistes, de syndicalistes, les interdictions de manifestations, la saisie des journaux, etc, étaient (sont) effectuées en vertu du droit, notamment l’ordonnance 62-OF-18, du 12 mars 1962, hier, et les lois de décembre 1990, aujourd’hui. Rien n’était (n’st) fait dans l’arbitraire. C’étaient bel et bien les magistrats qui condamnaient, sur la base du droit, les opposants au régime.
« Le droit est le seul garant de la stabilité sociale » : Milla Assouté, président du Rdmc
L’usage de la force en politique témoigne toujours de la défaillance d’un accord juridique issu d’un consensus politique. Ce qui caractérise la démocratie c’est la culture du droit d’un pays en raison de ce qu’il régule la vie sociale entre les citoyens. Il est dont impératif non seulement de développer la culture du respect du droit, mais aussi d’admettre que le droit surplombe tous les acteurs sociaux, y compris l’Etat, qui doit se soumettre au respect du droit, contraignant par une telle attitude les acteurs frustrées à l’usage de la force comme prolongement de la pratique : le rapport de forces.
Le jeu démocratique ne devrait se faire que par la seule force juridique ou de mobilisation populaire. Or l’instrumentation du droit ou des instances de droit ou encore celles de maintien de l’ordre pour brider l’expression démocratique d’un suffrage appelle forcément les dérives de rétablissement du droit par des moyens illégaux. Lorsqu’il y a collusion entre l’exécutif et le judicaire, le magistrat devient un bourreau aux yeux du justiciable.
La violence illégale qui a tendance à rétablir la légalité que lui dénie les instances légales constitue un dilemme. Tout usage de la force en démocratie est une menace pour la démocratie dont l’essence même de sa pratique tire sa source du respect du droit, mais d’un droit légitime, c’est-à-dire d’un accord consensuel des parties prenantes.
« Que le droit s’applique de manière égale à tous» : Pierre Abanda Kpama, président du Manidem
Dans la hiérarchie des principes, le droit est au-dessus de la force et la force doit servir le droit, et non le contraire. De plus, pour que la force serve le droit, il faut que le droit s’applique de manière égale à tous les citoyens, quels qu’ils soient. Si ces deux conditions sont remplies, l’union de la force et du droit ne peut pas desservir la démocratie.
« Il n’y a pas de raison de mélanger la force et le droit » : Mboua Massock, président de la Nodyna
Dans un Etat de droit, le droit c’est déjà la force. Et la force revient à la loi. Il n’y a pas de raison de mélanger la force et le droit. Déjà, de quelle force parle-t-on ? S’il s’agit de la force physique où on envoie des gendarmes armés assigner le combattant Mboua Massok à résidence sans aucun document légal, alors cette force-là n’est pas bonne.