Grèce : avis de gros temps économique et social !

Publié le 03 juin 2011 par Raphael57

Un événement médiatique en chassant un autre, la négociation sur le nouveau prêt à accorder à la Grèce a été oubliée au profit de la chasse à la bactérie tueuse à qui le tsar russe a promis la Bérézina sur son territoire. Désormais, en effet, les experts de la santé recommandent aux touristes qui font un détour par l'Allemagne d'éviter de consommer des tomates, des concombres ou des salades crus.

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ECEH (Escherichia coli entérohémorragique), puisque tel est son nom, est dès lors en passe de devenir aussi célèbre que H1N1 l'année dernière, et prouve à nouveau d'une part qu'une hystérie collective est en marche, d'autre part que l'Union européenne a toujours autant de mal à assurer la tracabilité de ses flux d'échanges. La preuve nous en est donnée tant au niveau des capitaux où l'argent s'évade toujours encore tranquillement en Suisse ou à Jersey en passant par la City de Londres, qu'au niveau des marchandises où l'Allemagne a un peu vite accusé l'Espagne d'être responsable de tous ses maux avant de se raviser et de proposer d'indemniser les agriculteurs ibériques qui ont vu leurs ventes chuter.

Pour en revenir à la Grèce, les voyants sont en train de passer tous au rouge depuis quelques semaines :

* 3 semaines après Standard & Poor's, Moody's vient de dégrader la note souveraine de la Grèce estimant que le risque de défaut s'élevait à environ 50 %...

* le rendement de ses titres de dette atteint 15 % par an sur dix ans, 23 % sur deux ans !

* malgré toutes les mesures d'austérité prises depuis quelques mois, le déficit public de la Grèce a atteint 10,5 % du PIB en 2010, soit plus que les 9,4 % attendus, et la dette 142,8 % du PIB... 

* rappelons aussi que la Grèce a un vrai problème de recouvrement de l'impôt, les plus riches ayant eu tendance à laisser leurs capitaux s'évanouir vers des cieux plus cléments...

* la troïka, c'est-à-dire l'ensemble des bailleurs de fonds de la Grèce (UE, FMI, BCE), doit publier d'ici ce soir son rapport d'évaluation des finances grecques, ce qui devrait déboucher sur un nouveau plan d'aide de 60 à 70 milliards d'euros sur 3 ans... en contrepartie d'un nouveau plan de rigueur de 6,4 milliards d'euros ! On imagine les conséquences économiques, mais également sociales et politiques d'autant qu'un appel à la grève générale a de nouveau été lancé suite aux privatisations massives qui sont envisagées.

* la nouvelle aide prévue serait ventilée de la sorte : 10 milliards d'euros fournis par le FMI, 20 milliards par l'UE, la Grèce devant se débrouiller seule à trouver les 25 ou 30 milliards qui restent (aide-toi et le ciel t'aidera disait l'adage). Pour ce faire, il s'agirait officiellement de mettre les investisseurs privés à contribution en faisant en sorte qu'ils maintiennent leur exposition à la dette grecque... mais de façon volontaire précise-t-on en haut lieu ! Plus exactement, les instances européennes vont implorer les banquiers pour qu'ils n'exigent pas de remboursement anticipé et qu'ils acceptent même de prolonger leur exposition (en achetant de nouveaux titres) une fois les titres arrivés à expiration. C'est ce que l'on appelle  "l'initiative de Vienne".  Mais en fait d'initiative, il s'agit surtout d'intérêts partagés et bien compris...

* face à ces dangers, les particuliers commencent à retirer leurs dépôts bancaires, que ce soit pour les placer ailleurs ou pour faire face aux difficultés grandissantes de la vie. Ainsi, on estime qu'entre décembre 2009 et mars 2011, les ménages auraient retiré au bas mot 16 % de leurs avoirs, ce qui représente environ 50 milliards d'euros ! Mais il ne faut pas non plus négliger ceux qui retirent leurs fonds pour échapper aux investigations du fisc local...

En définitive, tout ceci ne peut cacher la situation intenable de l'économie grecque, qui tôt ou tard devra restructurer sa dette si elle veut retrouver des marges de manoeuvres. Les investisseurs privés enregistreront alors des pertes, qu'il est immoral de chercher à éviter en faisant payer tous les contribuables pour les risques pris par une minorité de très riches. Didier Reynders, ministre des finances de la Belgique et candidat potentiel à la direction du FMI si Christine Lagarde devait se prendre les pieds dans le Tapie, a fait au reste fait preuve d'une grande clairvoyance en déclarant que "le but n'est pas de faire en sorte que le malade meure guéri".

Pourtant, il me semblait que la Belgique était également dans le collimateur des agences de notation, l'agence de notation Fitch ayant fait trembler la Belgique en abaissant non pas la note de sa dette mais sa perspective de "stable" à "négative", en raison essentiellement de la difficulté de la Belgique à parvenir à équilibrer ses comptes publics au regard de sa situation politique...