Une origine du capitalisme débridé…, le début de la fin ?

Publié le 03 juin 2011 par Dubruel

3ème partie

Les pauvres devenant riches, les grands d’hier se sentaient appauvris. Pour surnager, ils vendaient leurs titres, leur nom, leurs terres et apanages. Commença alors l’époque du « mariage à réméré » : un gentilhomme ruiné se fiançait à une femme ‘du peuple’ riche à condition qu’elle lui versât une rente annuelle substantielle jusqu’à la date du mariage fixée …10 ans plus tard. En contrepartie, la jeune mariée recevait une grosse dot le jour des noces. Et si le fiancé ne tenait pas parole, les versements de la rente étaient suspendus..

La ficelle connut un succès foudroyant. Les petites filles riches jetaient leurs poupées et imploraient qu’on leur donnât un comte ou un marquis pour jouer.

L’Etat aussi s’enrichissait ou du moins achevait de rembourser ses dettes. On élargissait les routes. En bordure, on plantait des arbres. Jusque dans les provinces les plus reculées, on construisait des routes. Les canaux s’allongeaient. Les manufactures se multipliaient. Le commerce prospérait. L’université de Paris décrétait la gratuité de ses enseignements. On était heureux.

Le Régent jubilait le premier. Ah ! Ce bon, ce merveilleux Law. Les millions éclusaient sous ses doigts, tels les bourgeons sous le soleil printanier.

Les actions de la Compagnie culminaient à 40 fois leur valeur d’émission.

Les risques, qui y songeaient ? En juillet 1719, Law recevait pour 9 ans la concession de frappe et de refonte des monnaies, ainsi que le privilège de régler les dettes et les pensions de l’Etat moyennant un escompte de 3%.

En janvier 1720, Law posait son séant sur le siège de Colbert : il était nommé contrôleur général des Finances.

Mais le vice-chancelier, d’Argenson, se préparait à faire trébucher Law.

Le fabuleux navire de la Compagnie des Indes commençait ça et là de prendre l’eau. On avait émis plus d’un milliard d’actions. On ne savait plus très bien où on en était. Le seul point de repère est l’encaisse métallique : elle n’atteignait pas la quart du papier en circulation.

Tout l’édifice repose sur la griserie collective. Aujourd’hui on boude les espèces sonnantes, mais qu’adviendra-t-il si demain s’éveille la nostalgie du bas de laine ?

Les actions de Law commencent à perdre de la valeur. Déjà tous les étrangers reprennent leurs biens. Les cours de la rue Quincampoix tombent de 7000 livres. Les particuliers perdent confiance. Ils n’achètent plus de titres mais des meubles, des étoffes, des chevaux, etc.

Les prix montent. Chacun change son « papier » avant que les caisses de la Banque Royale ne soient tout à fait vides.

Son Altesse Sérénissime le duc de Bourbon passe les grilles de l’hôtel de Nevers avec 6 grands carrosses chargés jusqu’au toit des sacs d’or et d’argent qu’il est venu changer contre les monceaux de papier qui emplissaient ses coffres. 25 millions dit la rumeur.

On flaire la tempête. Et si on suivait l’exemple ?

Law prend conscience du danger. Il va utiliser le fouet. Le 28 janvier 1720, il fixe un cours forcé à sa monnaie-papier. Il réquisitionne les espèces métalliques. Qui ne les apporte pas de plein gré à l’Hôtel des Monnaies, s’expose à perquisition et amende.

Dès janvier 1721, tout usage des pièces d’or ou d’argent sera sanctionné, à l’exception de

celles de moins de 10 sols. Et finis, les remboursements par l’État, après la date limite de juillet 1720.

Law ne désarme pas. Il rachète la Banque Royale et ouvre un bureau de conversion. On va pouvoir vendre et acheter des actions de la Compagnie au cours fixe de 9000 livres. Ainsi les cours ne varieront pas inconsidérément. 9000 livres pour des titres émis à 5000 livres ! et on peut convertir autant qu’on veut !...en papier-monnaie, certes.

Plus de 2 milliards ½ de billets circulent. On reprend confiance en Law. La Banque continue de fabriquer du papier au même rythme. La spirale, un temps déroutée, reprend sa course infernale.

A SUIVRE…

 

(Les bâtards du soleil, Eve de Castro, 1987)