Bombardier a vendu dix C.Series en Norvčge
C’est un ballon d’oxygčne, au plan psychologique tout au moins : la compagnie norvégienne Braathens a passé commande de dix biréacteurs C.Series et a pris des options sur dix exemplaires supplémentaires. Ce contrat ne modifie pas fondamentalement le démarrage commercial poussif de l’avion québécois, dont le carnet de commandes atteint désormais la centaine d’exemplaires. Mais aprčs une traversée du désert, quinze mois sans la moindre vente, la nouvelle n’en est pas moins trčs remarquée.
Braathens, filiale de SAS, est une compagnie réputée trčs sérieuse et susceptible, de ce fait, de constituer une bonne référence pour Bombardier. Lequel, bien qu’il s’en défende, a incontestablement de bonnes raisons d’ętre inquiet pour l’avenir de son dernier né. En un premier temps, c’est la crise qui a été accusée, puis la reprise plus lente que prévu. Mais, aujourd’hui, le C.Series fait face ŕ un redoutable prédateur, l’A320 NEO, qui démarre sur les chapeaux de roues. D’autant qu’il est quasiment certain qu’Airbus annoncera ce mois-ci de nouvelles commandes pour cette version remotorisée de son best-seller.
Braathens figurait de toute évidence au cœur de la cible commerciale du C.Series : il s’agit d’une compagnie qui dessert exclusivement des lignes courtes, ŕ l’exclusion de tout réseau moyen/long-courrier, et dispose d’une flotte d’une soixantaine d’appareils, Boeing 737 et quelques vénérables Fokker 50. Ce profil signifie qu’elle n’est pas intéressée par la notion de gamme qui constitue le meilleur argument d’Airbus et Boeing. De ce fait, le C.Series a tout naturellement retenu son attention.
Est-ce l’exception qui confirme la rčgle ? Pas nécessairement. Mais les perspectives qui s’offrent au prétendant québécois n’en demeurent pas moins floues, voire incertaines. En procédant ŕ l’exégčse de déclarations venues de Toulouse et de Chicago, on devine que les C.Series, dont les atouts sont bien réels, gęne les deux Ťgrandsť davantage qu’ils ne veulent bien le dire publiquement. Aussi perçoit-on la satisfaction non dite que l’A320 NEO ait apparemment détourné un certain nombre de compagnies de propositions venues de Montréal. Et on ne dit pas autre chose chez Boeing oů les commerciaux sont ŕ deux doigts de féliciter leur concurrent européen d’avoir œuvré dans cette direction.
En clair, c’est le duopole Airbus-Boeing qui a froncé les sourcils en constatant qu’un ennemi commun cherchait ŕ pénétrer dans leur territoire. Ce n’est pourtant qu’une entrée en matičre, compte tenu de l’arrivée prochaine du C919 chinois et du MS 21 russe. Lesquels constituent une menace d’autant plus grande qu’il s’agit lŕ de deux avions qui vont ętre déclinés en plusieurs versions complémentaires. Mais ils présentent aussi le défaut d’ętre développés par des constructeurs qui ont tout ŕ prouver, principalement en matičre de support aprčs-vente. Le danger est, de ce fait, tout sauf imminent.
Bombardier joue gros, mais avec beaucoup de discernement. Mais, en bas de gamme, d’autres soucis apparaissent, ŕ savoir un essoufflement des ventes du biturbopropulseur Q400. C’est une incongruité, sachant que le constructeur franco-italien ATR envisage au męme moment de monter en cadence.
Un bon prélude pour le salon du Bourget oů, de toute évidence, on ne risque pas de s’ennuyer…
Pierre Sparaco-AeroMorning