Je me trouve dans cet avion, au moment ou j'écris ces lignes, ce qui pour moi constitue un événement extraordinaire, au sens de "hors de l'ordinaire" : comment peut-on traverser les nuages ainsi ?Sophie Hunger traverse elle-aussi le ciel, de sa voix tour à tour rauque ou aiguë, en suisse-allemand ou en anglais, accompagnée d'une instrumentation subtile et de musiciens généreux et talentueux. Une batterie aérienne et profonde à la fois, l'utilisation d'un cor anglais, du piano et de la guitare, pour créer des pièces uniques et qui prêtent au voyage.Monday's Ghost, bien que précédant l'excellent 1983 (année de naissance de l'artiste), a ma préférence. Je ne me lasse jamais de la montée en puissance de Shape ou de l'énergie communicatrice de The Boat is Full. La chanson titre de l'album est sublime autant sur disque que sur scène.Sur scène, l'artiste prend tour à tour le visage d'une jeune fille allumée, heureuse d'être là, et le visage d'une personne perturbée, fragile, obscure, lorsque son regard se durcit et que ses yeux deviennent fous.
Issue d'une famille privilégiée, on sent chez cette jeune femme des zones de cassures, et si elle paraît très sûre d'elle lorsqu'elle gratte sa guitare avec rage, ses paroles, elles, expriment beaucoup de tristesse, un manque de confiance et un mal de vivre en filigrane.À voir ou à revoir dans le cadre du festival de jazz de Montréal en première partie de Madeleine Peyroux le 29 juin et d'Éric Truffaz quartet le 4 juillet.
[Laetitia Le Clech]