Dommage que je ne sois pas un personnage de livre ou de pièce de théâtre, non que les choses se passent tellement bien pour la plupart d'entre eux, mais alors je pourrais être récrite ailleurs. Je vais, moi, me récrire ailleurs, pensai-je, réinventer l'histoire sous un éclairage nouveau : je suis mieux sans lui. A-t-il jamais accompli une corvée ménagère dans sa vie, en-dehors de la vaisselle ? Avait-il, oui ou non, l'habitude de t'éteindre comme si tu étais une radio ? Ne t'a-t-il pas interrompue des milliers de fois au milieu d'une phrase comme si tu n'étais rien qu'un peu d'air, une Mme Personne, une disparue à sa table ? N'es-tu pas "encore belle", selon les termes de ta mère ? N'es-tu pas encore capable de grandes choses ?
Voilà un roman que j'avais très envie de lire après les avis élogieux qu'en avaient faits nombre de blogueuses. Il faut dire que le thème m'inspirait beaucoup, et que ce roman avait de toute façon tout pour me plaire, et je n'ai donc pas pu résister lorsque l'autre jour je l'ai trouvé en faisant mes courses.
Lorsqu'après trente ans de vie commune son mari, Boris, lui propose une "pause" (mot qui désignera tout au long du roman sa maîtresse), la narratrice, Mia, écrivain, est victime de bouffées délirantes et se retrouve brièvement internée. Comme elle ne veut pas rester durant tout l'été dans l'appartement conjugal à New-York, elle décide, après sa sortie de l'hôpital, d'aller passer quelques temps dans le Minnesota où elle loue une petite maison, non loin de la maison de retraite où vit sa mère. Là, entre l'écriture, l'atelier de poésie qu'elle anime auprès d'adolescentes, ses visites à sa mère et ses compagnes, toutes veuves, son amitié naissante avec sa nouvelle voisine affublée d'un mari quelque peu irascible, elle réapprend à vivre et se reconstruit. Sans les hommes. Sans l'Homme, même si le fantôme de Boris et de leur couple est omniprésent.
Dans ce roman, j'ai absolument tout aimé. J'ai aimé l'écriture, émaillée d'extraits de poèmes, de réflexions sur la littérature (par exemple Persuasion de Jane Austen, roman sur lequel elle revient à plusieurs reprises) et sur la création littéraire. J'ai aimé l'excellente analyse des sentiments, toute en délicatesse, cette plongée au coeur de l'âme humaine et de ses travers. J'ai aimé ce magnifique portrait de femme baffouée, meurtrie, blessée, qui souffre et pourtant continue à aimer, qui se cherche, réinterprète son passé pour se donner un nouvel avenir. J'ai aimé la galerie de figures féminines qui l'accompagnent et qui incarnent tous les âges de la vie de femme. J'ai aimé la description de sa relation avec Boris, faite de frustrations et de chagrin mais aussi d'une intime connaissance de l'autre. J'ai aimé la légèreté et la profondeur à la fois de ce roman magnifique, touchant, que je ne peux que vous conseiller !
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Un été sans les hommes
Siri HUSTVEDT
Actes Sud, 2011