"Las Acacias": la possibilité d'une relation

Par Vierasouto

Semaine De la Critique/CANNES2011
Présenté à la Semaine de la critique cette année à Cannes, "Las Acacias", film argentin de Pablo Giorgelli, a obtenu la caméra d'or 2011, récompense destinée à un premier film toutes sections confondues. Quand on a vu ce film, on comprend mal ce qui a retenu l'attention des jurés hormis l'exercice de style : un voyage en camion à deux personnages qui ne se parlent (peu) que dans la seconde moitié du film... Au départ, cela m'a fait penser au grand prix du dernier festival asiatique de Deauville, "Eternity", film thaïlandais agressivement mutique démarrant sur 20 minutes de mobylette et le reste au diapason...


Pitch.
Le voyage en camion de 1500 kms entre la frontière du Paraguay et Buenos Aires d'un camionneur et d'une jeune femme qu'il ne connait pas qu'il est chargé de transporter par son employeur.

Un camionneur solitaire est chargé de transporter une femme d'Asuncion au Paraguay à Buenos Aires en Argentine. Il ne la connaît pas, s'étonne qu'elle porte un bébé avec elle, pas vraiment content. Mais il ne dit rien comme il n'a pas ouvert la bouche depuis le début du film où on montre son modeste quotidien. Chemin faisant, l'homme, dont on découvre qu'il se prénomme Ruben, se civilise : si au départ du voyage, il laissait la jeune femme porter des lourds bagages avec son enfant dans les bras, vers le milieu du périple, il s'amadoue, pose quelques questions comptées, évite de fumer dans l'habitacle du camion. Vers le troisième tiers, Ruben, ayant appris que la jeune femme s'appelle Jacinta, elle-même informée qu'il a un fils qu'il n'a pas vu depuis huit ans, proposera de garder l'enfant quand elle va téléphoner à ses cousins argentins.

photo UDI
Le film, c'est ce voyage en camion, ce silence (qui va peu a peu se meubler de quelques confidences) entre deux êtres humains de deux nationalités différentes, de deux sexes différents, obligés de partager l'intimité d'un trajet routier  interminable dans l'espace confiné d'un camion parce-qu'un employeur commun, un certain Fernando qu'on ne voit jamais, les a réunis par commodité. Le premier, qui a ses papiers en règle, son métier, le transport de bois, semble plus armé que la seconde qui fuit pour aller travailler en Argentine sous le couvert d'un visa de tourisme. A l'arrivée, elle est accueillie par une famille nombreuse et joyeuse, il reste seul et espère...

photo UDI
Exercice de style par excellence, le film joue avec les blancs, la quasi absence de dialogues, le tête à tête de deux personnages sur 1h30, l'unité de lieu du camion, l'unité de décor de la route avec quelques rares étapes rapides, misant sans doute sur ce qu'on ne montre pas, sur le potentiel d'une rencontre... Ce qui se passe dans la tête de cet homme, de cette femme, ces pensées plutôt hostiles au début qui vont évoluer vers une possiblité de relation après 1500 kms. Bien filmé, cadrage raffiné et scénario vide, c'est un peu l'anti-film qui veut prouver que l'image se suffit à elle-même, spéculant (beaucoup) sur la sensibilité du spectateur et (un peu) sur son imagination pour de meubler les carences voulues d'une non-histoire, un peu comme on fait des mots croisés.