Les indignés de la
Puerta Del Sol ont raison lorsqu’ils scandent : » Alegria para luchar y organisazion para vencer ! » La lutte dans la joie, certes mais une organisation pour vaincre. Partout et dans tous les
pays qui ont connu ces grands mouvements, seule « un peu de liberté » a été conquise et encore sous surveillance des nouveaux maîtres qui se profilent, les clones des précédents.
Nous n’avons encore rien
appris et même si dans la forme les mouvements semblent fort sympathiques, il n’en reste pas moins qu’ils vont vers une défaite annoncée. Sans être rabat joie ou rabat alegria, il faut bien sur
un optimisme trempé, il faut toujours affrontement pour vaincre. Pour le moment la bourgeoisie n’a pas peur, la bourgeoisie la vraie , celle qui compte, qui décide , qui dicte, n’est pas aux
abois , la meute lui semble si loin, si faible et disparate. Bien sur qu’il vaut mieux de tels mouvements que rien, que la soumission et la crainte mais nous devrions avoir un minimum
d’expérience en la matière, depuis des siècles de lutte, de révoltes d’insurrections et de révolutions dont la plupart ont d’ailleurs été confisquées ou trahies. L’organisation est au centre de
tout, elle représente les moyens et les instruments nécessaires pour parvenir au but. S’organiser en fonction du but à atteindre. S’il ne s’agit que de faire connaître son mécontentement,
ce qui est suffit amplement mais cela suppose d’être mécontent tout le temps, sans pour autant s’attaquer aux raisons profondes qui génèrent ce mécontentement.
Une myriade d’organisations , au
demeurant fort sympathiques, ne remplacent pas une organisation de classe et de masse. C’est dans cette multitude que réside la contradiction la plus évidente, entre ceux qui tentent de récupérer
des situations et le mouvement et ceux qui dans la tradition social démocrate européenne vont tenter de le saborder par la démobilisation, notamment en étant au pouvoir. Le PSOE et le PASOK
disposent de puissants appareil qui plongent leurs racines dans une partie des masses, en Espagne comme en Grèce. Leur tutelle est encore puissante. La bourgeoisie dispose d’organisations «
à gauche payées pour ça » et on connaît la chanson pour d’autres « pas de salut en dehors du Parti » et pour qui le Parti est une fin et le but un simple moyen d’illusion. Lorsque le Parti
devient un moyen, c’est pour certains , le moyen de régler leur propre question sociale, le reste n’est que la matière à partir de laquelle se fait et se construit la notoriété nécessaire pour y
parvenir. Les castes dirigeantes traditionnelles de la social démocratie et du stalinisme ont cette fâcheuse habitude.
En Espagne il y a
pourtant une organisation qui n’a jamais eu de compromissions avec le pouvoir actuel ni avec la bourgeoisie, c’est la CNT. On peut ne pas être en accord total avec ce syndicat mais c’est là une
constatation. C’est la seule organisation capable de fédérer le mouvement et de le mener sur des positions révolutionnaires, d’autres peuvent en faire autant mais ensuite de négocier « le poids
des chaînes ». La cible des organisations institutionnelles, c’est bien la CNT et ils ne s’y trompent pas. D’ailleurs la plupart des commentateurs politiques s’étonnent que par exemple, la
défection en voix du PSOE n’ait pas profité à Izquierda Unida qui se situe à la gauche du PSOE. René Mauriès pourrait, s’il était là, rappeler l’influence historique de
l’anarcho syndicalisme et que la CNT fut l’organisation populaire la plus puissante de l’Espagne républicaine. Or la CNT et ses militants pour l’essentiel, ne votent pas, ne présente pas de
candidats, ni aux élections professionnelles pas plus que politiques. Cette organisation a toujours prêché pour la non participation et à l’abstention . Elections , « parodie bourgeoisie de
démocratie » comme nous connaissons « élections , piège à cons » sauf que ceux qui scandaient ce slogan en France, depuis , participent au piège à cons. N’est pas la CNT espagnole qui
veut.
Les
tirs groupés contre la CNT et d’où qu’ils viennent , n’auront comme conséquence que d’affaiblir le mouvement. La CNT n’est plus cette organisation de la période républicaine, même si elle a de
beaux restes et la bataille fait rage face aux CCOO et à l’UGT. Voilà les grandes centrales sont divisées, d’un coté la CNT et la CGT, cette dernière est issue d’une scission de l’ancienne
centrale anarchiste et participe aux élections professionnelles, de l’autre les deux « institutionnelles » . Les vieux démons de la division veulent bien que la jeunesse s’amuse mais pas
forcément en faisant la révolution. De toute évidence , il faudra compter avec l’anarcho syndicalisme espagnol et la prise de conscience qui s’opère actuellement en Espagne. Il faudra
y compter dans l’avenir. Pour le présent, sans liens entre eux, sans organisation de classe puissante, la révolte n’est pas encore révolution et avant qu’elle se produise, il y aura bien des
désillusions. Pourtant il faudra bien forger les instruments. A la forge !