J’avais relevé dans mon billet Faire Tapie les faits qui permettent d’estimer que l’État n’aurait jamais dû accepter le recours à un arbitrage dans l’affaire opposant Bernard Tapie à l’organisme de défaisance du Crédit Lyonnais. Madame Lagarde, en dépit des conseils qui lui étaient donnés, avait cependant poursuivi dans cette voie et, une fois la décision rendue, n’avait pas voulu introduire un recours contre celle-ci. Les raisons invoquées pour agir ainsi ne me semblent pas pouvoir justifier son attitude mais, à moins de démontrer l’existence de sa sujétion à plus haut qu’elle, si les conseils sont a priori destinés à être suivis, je ne pense pas qu’on puisse lui reprocher de ne pas l’avoir fait. Par contre, la clause de confidentialité de la sentence me semble interdire de recourir à un arbitrage lorsqu’un établissement public est en cause.
J’apprends par Médiapart une démarche tout à fait extravagante de Bernard Tapie, unique bénéficiaire de ce fameux arbitrage. Il vient de porter plainte pour diffamation, avec constitution de partie civile, contre le Nouvel Observateur à propos d’un entretien avec Thomas Clay, doyen de la faculté de droit de Versailles, paru sous le titre « Le recours à l’arbitrage était illégal », que vous pouvez trouver dans un billet Annexe. L’infortuné Tapie réclame 150.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral !
J’ai du mal à discerner en quoi l’entretien incriminé diffame M. Tapie. Son nom y figure d’ailleurs à peine, indirectement dans deux expressions, arbitrage Tapie et affaire Tapie, et obliquement en évoquant une décision défavorable à Tapie. Plutôt que de tenter d’intimider celui qu’il ose qualifier d’ « ’universitaire supposément spécialiste de l’arbitrage », que ne s’en prend-t-il à Jean-Louis Nadal, procureur général de la Cour de Cassation, qui a lui aussi considéré ce recours à l’arbitrage comme éminemment suspect. Il est vraisemblable que cette hargne ait son origine dans le fait que, le lendemain de la sentence rendue par les arbitres, la Commission des finances de l’Assemblée nationale eût sollicité l’expertise de ce même Thomas Clay. C’est son analyse qui a fourni les arguments les plus percutants à l’encontre de cet arbitrage scandaleux et sans doute illégal.