Petit laid
Chapitre 15
J'avance tranquillement vers l’horizon marine. Le Roi Soleil assaille un ennemi invisible. Aveuglé par ses lances, d'un élan, je m'avance.
La mer gémit sous cet assaut brutal. Je me sens immortel, invincible. L’eau ne peut riposter. J’ai sous les yeux un combat par trop inégal.
Mais ça ne m’émeut pas.
Les premiers rayons criblent mon corps. A présent, je distingue sous mes pas de multiples plaies ondulantes et écumantes. Je ne réalise pas que la mer me porte à bout de bras.
Des larmes de sang égayent l’immensité bleue.
Mes yeux souffrent. Je ne peux les refermer.
La lumière m’envahit, m’absorbe, me digère.
Mes yeux brûlent. Je n’ai pas mal.
Mes pieds s’enfoncent peu à peu. Chaque assaut se montre plus précis. Les premiers pics se plantent dans mon poitrail.
Je ressens maintenant la douleur.
Mon corps est déjà presque englouti par les flots... Le soleil se déchaîne.
Souffrance atroce.
La mer m’avale.
Je crie.
* "Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière" (Victor Hugo, in Les Contemplations)