Dès sa sortie au cinéma, je suis allé me faire une idée de l'adaptation de la célèbre bande-dessinée de Joann Sfar le chat du rabbin (tomes 1, 2 et 5 si j'ai bien compris). Ne connaissant que le premier tome, mais ayant toujours eu dans l'idée de m'acheter la collection, je souhaitais confirmer mon idée sur l'auteur dont j'ai lu toute la série de Socrate, le demi-chien, chien un peu philosophe qui s'oppose à son débile de maître, le héros Hercule.
Ma foi, c'est un film très particulier que j'ai vu hier. Particulier déjà dans sa forme car on a l'impression d'être dans une BD: le décors semble statique et seuls quelques éléments sont mouvants ce qui, ma foi, n'est pas désagréable et change des dessins animés Disney où tout va à une vitesse hallucinante...
Ici, c'est le contraire, tout est calme. L'action repose plus sur la pensée, les questions que se posent le rabbin Sfar et son chat qui parle après avoir ingurgité le perroquet. "J'ai toujours parlé, mais tu n'écoutais pas" dit le chat. Le maître se retrouve bouleversé par le côté rationnel du chat qui refuse de croire au créationnisme, qui refuse de croire que le monde a 5000 ans, qui veut faire sa bar-mitsva pour pouvoir être juif et rester auprès de sa maîtresse!
Dans Alger du début du XXème siècle, Sfar dénonce le fanatisme, le racisme, le colonialisme (belge au Congo notamment)... Truffé de références, le film peut-être perçu à plusieurs niveaux. J'ai particulièrement aimé les dialogues de paix et d'amitié entre le rabbin et son frère Sfar qui, lui, est musulman. Ce dernier d'ailleurs a une certaine ressemblance avec le héros populaire Nasr Eddin Hodja, énergumène tantôt sage, tantôt idiot de la culture musulmane et en tout cas posant les questions qui fâchent. Celui du film n'a rien d'un idiot, mais paraît décalé par rapport à l'image que se font les gens du musulman. Et pourtant...
Et j'ai adoré les réflexions philosophiques exprimées de façon sous-jascente avec simplicité: qu'est-ce qui distingue un homme d'un animal? (et si c'est la parole, alors le chat du rabbin est-il un chat). Qu'est-ce qu'être idolâtre? Qu'est-ce qui distingue un juif d'un musulman et même d'un catholique si ce n'est le nom de leur Dieu et quelques rituels différents? Comment distinguer nationalité de confession? (à ce titre, le chat a une réplique géniale juste avant la dictée que doit faire le rabbin). Peut-on trouver Dieu ailleurs qu'en soi? L'épisode de la citadelle des juifs d'Ethiopie est génial!
Doublé par François Morel, le chat et ses oreilles de chauve-souris est un délice de subversion. Mais il montre la voie d'un monde de paix.