Il a donc reçu à l'Elysée ses fidèles grognards auto-déclarés de la Droite populaire. Il leur a vanté les mérites de Claude Guéant, son ministre de l'immigration qui venait de publier une tribune franchement rance.
Quelle équipe !
Sarkozy câline ses grognards
Mardi en fin d'après-midi, Nicolas Sarkozy a lui-même reçu les membres du collectif Droite Populaire, ces 44 parlementaires qui revendiquent leur attachement aux « vraies » valeurs de la droite, les purs et durs de la droite décomplexée, la « garde de fer du sarkozysme » comme les décrit le député Lionnel Luca, qui déclarait l'été dernier qu'« on a le droit de penser » que « les Roms sont une 'sale race' ». On y trouve notamment Jean Auclair, député de la Creuse, qui expliquait récemment sur RTL que « s’appeler Martin ou Mohamed, c’est pas tout à fait pareil » ; «Moi je vois dans la Creuse des Français pur souche qui s'appellent Martin ou Dupont. ». Christian Vanneste, déjà condamné pour des propos homophobes a récemment défendu une alliance avec le Front National.
La Droite populaire, ça compte. Evidemment, la réception à l'Elysée, sans être secrète mais toujours aux frais du contribuable, n'était pas mentionnée dans l'agenda officiel de la Présidence de la République. Sa seule obligation protocolaire du jour était cet hommage, deux mois trop tard, aux résistants du plateau des Glières tués en mars 1944.
Le candidat Sarkozy consacra 1H30 de discussion à ses hôtes. A en croire les échos rapportés par la presse, il se serait moqué des critiques : «J'aurai un bon bilan et j'aurai été un mauvais président ? Cherchez l'erreur. » Qui a dit qu'il avait un bon bilan ? Même les sondages livrent des résultats inverses. Ces députés ont insisté, d'après Lionnel Luca, sur trois sujets prioritaires à leurs yeux : la sécurité, l'immigration et la taxation des plus riches. «C'est notre objectif, de lui enlever l'étiquette de président des riches.» a sobrement commenté Luca. Sans rire ? En fait, les 44 faux-durs se sont gentiment couchés. Le Monarque leur demanda un peu de calme. « Lâchez un peu les questions d'immigration et d'insécurité. Claude Guéant s'en charge très bien. Recentrez-vous sur le social. » Il paraît que Sarkozy a « encensé » son fidèle
Bizarrement, l'entrevue en a déçu plus d'un. Nicolas Sarkozy aurait-il perdu la main. Ces 44 s'affichent comme des grognards de Sarkofrance et n'ont pas besoin d'être convaincu.
Marianni s'y met
Sarkozy soigne sa droite.
Dans les médias, quelques proches appuient la posture. Thierry Mariani, co-fondateur de la Droite popu, secrétaire d'Etat aux Transports mais surtout sarkozyste historique, confie à Paris Match que son Monarque et mentor a « pleinement retrouvé le cap des valeurs de 2007 ». Et l'ancien déçu est désormais enthousiaste.
Ce retour aux valeurs serait la potion miracle : « Et cela paie : le chômage baisse pour le quatrième mois consécutif, la croissance est plus forte que prévu, la lutte contre l'immigration et les fraudes sociales sont une priorité... Il faut montrer aux électeurs qui lui avaient fait confiance en 2007 que ses préoccupations sont les leurs.»
On ne sait pas dans quel pays vit Thierry Mariani : depuis l'échec de son programme 2007 sur le pouvoir d'achat, Nicolas Sarkozy agite des diversions sur l'identité nationale ou la laïcité, toilette l'ISF alors qu'une remise à plat de la fiscalité est la question prioritaire du redressement des comptes publics ; réduit les crédits de l'emploi alors que le chômage reste de masse, et la précarisation du travail s'accélère.
Guéant d'un autre siècle
Dans le Monde, le ministre de l'intérieur et de l'immigration a publié une tribune sur ... l'immigration : « quelle France pour demain ? » Le texte ne souleva pas grande polémique. Il était si convenu et rabâché. Pourtant, il vaut son pesant d'or. En ces temps d'anniversaire à répétition d'évènements résistants ou fâcheux d'il y a 70 ans, le jour même d'une cérémonie forcée pour raison électorale en l'honneur d'une résistance maquisarde sur un plateau savoyard, les propos réfléchis et écrits de Claude Guéant dans un grand quotidien soir sentaient le rance et le moisi. Jugez plutôt.
Cette tribune démarrait parce cette question terrifiante : « Si nous savons à quoi ressemblait la France d'hier, nous ignorons encore ce qu'elle sera demain. Mais la vraie question est: à quoi voulons-nous qu'elle ressemble ? » Relisons : « à quoi voulons-nous qu'elle ressemble ? » Les mots sont choisis. Guéant utilisait le verbe « ressembler », « Avoir une ressemblance avec quelqu'un ». Guéant posait la question de l'immigration sur le terrain de la ressemblance. On attendait le « Nos ancêtres les Gaulois » qu'inculquaient quelques instituteurs à des enfants algériens il n'y a pas si longtemps. Le ministre fait justement semblant, semblant d'innover en proposant une subtile distinction en intégration (« pour ceux qui ne projettent pas de rester en France, pour ceux qui gardent enfoui en eux-mêmes le rêve de retourner, un jour, sur la terre de leurs ancêtres ») et assimilation. Il ressort cette vieille antienne de l'assimilation, non pas républicaine mais souchienne : «s'assimiler, c'est aller plus loin, c'est épouser notre culture. (...) L'assimilation n'est pas la négation de la différence. Elle est simplement l'invitation à se sentir bien dans notre nation.» Il préfère la seconde à la première.
Finalement, Claude Guéant a mérité sa carte, celle de membre d'honneur du Front National que Marine Le Pen lui proposait généreusement en début d'année. Ministre de l'immigration, Claude Guéant maîtrise mal ses dossiers. Il a déjà reculé sur les radars (quelle affaire !). Le voici qui insiste sur ses faux chiffres d'échec scolaire des enfants immigrés. Las, le ministre a publié une circulaire, mardi 31 mai, pour réduire de moitié l'immigration professionnelle. Cette dernière durcit les contrôles, exige une vigilance accrue, demande des résultats. La belle affaire ! Depuis quelques semaines, Claude Guéant tente d'expliquer que les immigrés chipent le travail des Français. Et comme il lui faut s'obstiner, le voici qui annonce réduire à 20.000 le nombre d'immigrés professionnels. Soit... 10.000 immigrés de moins par an. Cette obstination idéologique en devient statistiquement risible.
Ferry ouvre la chasse
Malheureusement , un ancien ministre de Raffarin est venu troublé cette orchestration médiatique si soignée. Luc Ferry, « philosophe », a accusé, lundi soir dans le Grand Journal de CANAL+, un ancien ministre d'avoir eu des relations avec de « jeunes garçons » au Maroc. Pour préciser ensuite qu'il tairait son nom même s'il le connaissait.
L'affaire fit évidemment grand bruit, de Twitter aux journaux télévisés du lendemain... A droite, Juppé, Dati puis Baroin se sont désolidarisés de cet ancien collègue. Ferry en a trop dit ou pas assez. Sa délation fracassante est incomplète et coupable. Mercredi 1er juin, le Parquet de Paris annonçait qu'il ouvrait un enquête préliminaire. Deux associations marocaines portaient plainte contre X. Le grand déballage a sans doute commencé.
Luc Ferry, qui ne pensait pas à Jack Lang, sera entendu par la justice. « ll faut en avoir le coeur net et se donner les moyens de vérifier ces accusations graves » justifie le procureur Jean-Claude Marin.
Il faut en avoir le coeur net.
Sans doute.