C'est une chorégraphie racée, entrée au répertoire sous l'ère Mortier ."Rain" d' Anne Teresa de Keersmaerker a d'abord séduit Bruxelles lors de sa création à la Monnaie. Cette chorégraphie est l'aboutissement d'un travail poussé que la chorégraphe d'origine flamande poursuit depuis plus de trente ans sur les rapports intimes entre le geste et le son. La musique répétitive de Steve Reich est au coeur de ce travail .Répétition, transe envoûtement. Qui expliquera le mystère , l'alchimie de la grâce et la béatitude dans laquelle nous plonge ce spectacle? L'ensemble grise comme un ballet de derviches. Quels mots mettre sur la beauté somptueuse des corps en mouvement et des gestes d'Amandine Albisson, Caroline Robert, Marc Moreau ou Sarah Kora Dayanova(mais il faudrait tous les citer)...La petite dizaine de danseurs déclenche une pluie de mouvements sur la musique d'un des pères de la musique contemporaine interprétée avec l'expérience de l'ensemble Ictus ( tant d'années de collaboration). Que les mots sont impuissants à dire le déluge d'énergie. Il existe des langages de transcription du geste mais seuls danseurs ou chorégraphes peuvent le comprendre. Comment traduire pour les autres tel fléchissement, tel glissement comme cette impression de "malaise rattrapé et transmué en course" que les danseurs effectuent au début du spectacle et qui semble récurrent (presque une marque de fabrique) dans les spectacles de Teresa...Comment traduire cette sensualité intelligente ou cette intelligence sensuelle qui reste le sentiment dominant à la vue de cette oeuvre majeure?Ne reste qu'à goûter ces instants magiques sans réponse, dans la splendeur de leur fugacité.