Johnny est en colère. La semaine dernière, alors qu’il allait rendre visite à son amie Line Renaud, un intrus s’est mis en travers de son passage. Et Johnny n’a pas aimé. Pas du tout.
Line Renaud se préparait dans sa loge, stressée à propos d’un problème lié à sa tenue vestimentaire. Elle avait demandé à ne pas être dérangée.
Mais Johnny, qui passait par là, avait garé sa Harley devant le théâtre et, le Stetson vissé sur une banane clairsemée, s’était dirigé d’un pas lourd vers la loge de son amie. Mais c’était sans compter Jean-Claude Camus, producteur du spectacle de Line Renaud, et accessoirement ex-ami de Johnny (mais désormais en froid avec ce dernier). Jean-Claude, donc, s’interpose devant l’homme au bouc, protégeant par son corps la quiétude de la loge de l’artiste stressée.
Johnny voit rouge. Une énorme veine palpite sur son front, le poing vengeur se crispe sur la ceinture à clous. Mais Jean-Claude, stoïque, ne bouge pas : il faudra lui passer sur le corps pour entrer dans la loge. Quelques assistants, figés comme des statues de sel, observent la scène. Ebahis.
Johnny se met à secouer son ex-ami, lui donne des coups de pied dans les tibias et tire sur sa cravate. Il hurle, le visage défiguré par la rage :
« Vieille merde ! »
« Pauvre merde ! »
Sonné par la violence de la charge, Jean-Claude ne se laisse pourtant pas démonter. Il trouve la ressource pour tendre le doigt vers Johnny, et lâcher ces propos irréparables :
« Va plutôt remplir tes stades ! »
Johnny se cramponne à sa ceinture, le sang proche de l’ébullition. Jean-Claude s’accroche à la porte pour ne pas casser la gueule de la vieille vedette du rock n roll. Les témoins ne bougent toujours pas, terrorisés, serrant les fesses pour rester propres.
La tension finira par redescendre. Le pire a été évité de justesse.
Jean-Claude Camus déclarera plus tard « ne pas savoir comment il a réussi à garder son sang-froid ».
Johnny, fidèle à sa réputation, ne dira rien.
Mais il n’en pense pas moins.