La décision de Merkel
de bazarder l’intégralité de ses centrales nucléaires d’ici 2022 a fait l’effet
d’une bombe en Allemagne mais surtout en France.
Comme de bien entendu, les écolos ont été les premiers à dégainer
par un « puisque l’Allemagne peut le faire, pourquoi pas nous ! »
auquel, l’UMP
a répondu aussi sec par un « Pas de ça chez nous, les contextes
allemands et français sont très différents ». Quand au PS, c’est Hamon qui
résume le mieux la situation : « Des nuances existent au PS sur
cette question »…ce qui signifie que, pour une fois (suis-je moqueur), ils
ne sont pas tous d’accord !
Je n’ai pas la prétention d‘avoir une quelconque expertise sur le sujet mais
je crains, malheureusement, que dans ce faux débat, encore une fois, la
question ne soit pas très bien posée et que le dogmatisme l’emporte sur la
discussion fructueuse !
Le nucléaire c’est comme les OGM, il y a d’un côté les radicalement contre
qui invoquent des dangers réels ou supposés et de l’autre ceux qui répondent
faim dans le monde et suffisance énergétique à bas cout et sans émanation de
CO2. Au milieu du dogmatisme des 2 camps, peu d’avis raisonnables et
objectifs.
Il n’y a qu’à voir le flou artistique qui entoure le bilan économique du
nucléaire et notamment autour du cout
de démantèlement et de remplacement des centrales actuelles par l’EPR. Il
n’y a qu’à voir également l’argumentaire des anti-nucléaire qui est tout sauf
satisfaisant, surestimant les qualités des énergies renouvelables et prônant
des économies drastiques d’énergie comme s’il suffisait de les
décréter.
Or, compte tenu des contraintes économiques et écologiques de plus en plus
fortes que nous subissons, l’avenir de l’énergie en France et ailleurs
d’ailleurs, passera probablement par des progrès dans toutes les formes de
production d’énergie, nucléaire compris.
Il me semble, en effet, que la question n’est pas nécessairement
« nucléaire » ou « pas nucléaire », mais, quel est le mix de
sources d’énergie qui offre une combinaison optimum en matière de sécurité, de
pollution, de couts, de dépendance énergétique, d'efficacité et qui réponde aux
futurs besoins énergétiques du pays ?
Personne ne nie les inconvénients et risques associés à la fission
nucléaire: déchets radioactifs dont on ne sait que faire, démantèlement
extrêmement couteux, pollution par les eaux de refroidissement, risques de
fuites radioactives, risque de pénurie d’uranium etc etc
Pour y remédier, le développement de la fusion nucléaire par exemple (projet
ITER) pourrait apporter des éléments de réponses puisque apparemment la
technique de la fusion permettrait de palier efficacement à plusieurs
inconvénients des centrales actuelles. Certes la technique n’est pas encore
franchement au point et le cout du projet est réévalué tous les ans, mais si
l’enjeu c’est d’obtenir un nucléaire propre et presque sans dangers, le jeu en
vaut peut-être la chandelle.
Et de toute façon, face à ces désagréments, dont certains ne sont que
potentiels, nous n’avons pas de substitut miracle. Les allemands, pendant un
temps certain et probablement long, devront importer de l’électricité …
nucléaire de France, ils feront fonctionner à plein tube leurs centrales à
charbon nécessairement extrêmement polluantes et grosses émettrices de CO2 et
importeront encore plus de gaz de Russie !
Par charité chrétienne, je n’évoque ni le pétrole que certains imaginent
déjà d’aller l’extraire de l’arctique, ni le gaz de schiste !
Se fixer comme objectif de laisser une place plus importante aux énergies
renouvelables est louable, même si il ne faut pas les parer de toutes les
vertus : les éoliennes dépendent du vent, et selon certains cochonnent le
paysage et font du bruit, les panneaux solaires sont fabriqués pour beaucoup en
Chine par des industries polluantes, ils semblent ne pas avoir une durée de vie
très longue et on ne sait pas encore les recycler, difficile de construire
d’autres barrages hydrauliques en France sachant qu’en plus, ils fonctionnent
au ralenti dès que l’eau vient à manquer (comme actuellement), quand à
l’hydrogène, c’est l’arlésienne !
Clairement, le bilan énergétique et l’efficacité des énergies dites propres
méritent d’être largement améliorés afin de passer sur les nombreuses limites
qui n’en font, à ce jour, que des sources d’énergie d’appoint.
Pour ce qui est de la réduction de la consommation, aussi souhaitable
soit-elle, on est toujours en attente de solutions efficaces et réalistes. En
tout état de cause cela ne peut passer que par des changements radicaux de
politique et de comportements avec tous les obstacles qui seront évidemment
associés.
Elle sera, de toute façon, nécessairement couteuse et avec la multiplication
des appareils électriques, ce serait déjà très bien si on pouvait la stabiliser
cette consommation.
Rien d’emballant dans tout cela au point de se précipiter pour laisser
tomber le nucléaire surtout si celui-ci couvre 75 % de la consommation
d’électricité du pays (24% seulement pour les Allemands) et que l’on espère
vendre tout un tas de centrales made in France de par le monde.
Et quand je parle de se précipiter, j’entends des échéances à l’allemande.
2022, c’est demain !
De toute façon, ce n’est pas la confrontation de l’utopie sectaire des uns
avec mercantilisme hypocrite des autres qui va permettre de faire avancer la
réflexion. En tout cas, un conseil à ceux qui voudraient faire de la sortie du
nucléaire un thème de campagne lors de la Présidentielle, si il y a bien un
sujet qui mérite qu’on se laisse le temps de la réflexion, c’est bien celui-là,
d’autant que, qu’elle que soit la décision prise, sa mise en œuvre ne peut être
que longue, très longue, bien plus longue que le temps politique. En clair, je
veux espérer que le PS ne cédera pas à
l’amicale pression des Verts en prenant une décision pour le moins
précipitée.
N’oublions pas que la décision d’Angela Merkel est purement politique. Après
avoir pourtant décidé de prolonger la vie des centrales, et en mauvaise posture
électorale, elle a fait une volte face magistrale espérant ainsi grappiller
quelques voix auprès d’électeurs traumatisés par Fukushima.
Ce mode de gouvernance dans la précipitation, ne donne jamais de bons
résultats, même dans le cas allemand beaucoup moins impliqué dans le nucléaire
que nous. Vouloir utiliser la décision allemande pour s’engouffrer dans leur
sillage n’est pas pertinent, par contre utiliser cette occasion pour lancer un
grand débat citoyen mais scientifique sur le thème de la politique énergétique
de la France parait d’autant plus nécessaire qu’en matière de nucléaire nous
sommes à la croisée des chemins entre les anciennes centrales qu’il va falloir
démanteler et l’EPR censé les remplacer.
Un débat oui, une décision définitive, non !