21 avril 2011 Blogs Le Monde 15 avril 2011 Ils étaient nombreux à manifester leur colère, jeudi 14 avril, devant le siège de BP à Londres. Des actionnaires, des artistes, des militants et même des pêcheurs qui avaient fait le trajet depuis les Etats-Unis ont perturbé la tenue de l’assemblée annuelle des actionnaires du pétrolier britannique, la première depuis la catastrophe de l’an dernier qui avait fait 11 morts et déversé plus de 4 millions de barils de brut dans le golfe du Mexique. A l’occasion de ce triste anniversaire, la compagnie a entrepris une campagne de pub, notamment dans la presse britannique, afin de faire pénitence et assurer que son engagement pour nettoyer le golfe restait intact. Selon ses dires, pas une goutte de pétrole ne se serait échappée de l’ancienne plate-forme Deepwater Horizon depuis que la fuite a été réparée, le 15 juillet. Le groupe affirme par ailleurs avoir engagé plus de 13 milliards de dollars dans les opérations de nettoyage, ainsi que 500 millions pour financer des études scientifiques sur l’impact environnemental de la marée noire, et 280 millions pour restaurer la faune et la flore. Mais cette version enjolivée d’un retour à la normale, une scientifique n’y croit pas. Samantha Joye, chercheuse à l’université de Géorgie, aux Etats-Unis, évolue depuis des années dans un domaine de recherche à la croisée du pétrole, du gaz et de la vie sous-marine dans le canyon du Mississippi, connu pour sa richesse en ressources fossiles. Si elle reconnaît que le temps a passé depuis la catastrophe et que les sinistres images de pélicans se débattant dans d’épaisses couches de brut appartiennent désormais au passé, ses explorations des eaux du golfe, autour du puits endommagé, racontent une autre histoire. En mai dernier, son équipe de recherche a été la première à détecter la présence d’un panache de pétrole évoluant à grande vitesse dans les eaux profondes du golfe. En décembre, elle allait encore à contre-courant des affirmations officielles - selon lesquelles la majeure partie du brut avait disparu - après avoir découvert une épaisse couche de pétrole couvrant le plancher océanique sur une superficie de 7000 km2. Partout, des organismes morts et des coraux couverts d’une vase noirâtre. Les rares créatures à encore évoluer dans cet endroit, que la scientifique compare à une maison hantée, étaient trop apathiques pour fuir. “Le plus souvent, quand vous vous approchez de crabes avec un sous-marin, ils déguerpissent. Mais là, ils n’ont pas bougé. Ils ne se comportaient pas d’une manière normale”, raconte la chercheuse au Guardian. Sa conclusion? Pessimiste : “Il n’est pas insensé de dire que 50 % du pétrole flotte encore dans les eaux autour du puits.” Alors que la Maison Blanche, le Congrès et les compagnies pétrolières tentent de tourner la page de la catastrophe, l’opinion de Samantha Joye dérange. C’est pourquoi l’administration Obama a dépêché sur place d’autres scientifiques, qui sont parvenus à des conclusions moins tranchées sur l’état du golfe du Mexique. Les expertises de la célèbre NOAA américaine sont malgré tout bien plus noires que la situation décrite par BP. Ainsi, selon un porte-parole, “il n’y a aucune raison de conclure que le golfe retrouvera une situation normale avant la fin 2012″. D’autant que certaines des conséquences de la marée noire pourraient ne pas être connues avant des décennies. Pour l’instant, des vagues bitumineuses continuent de déferler sur les plages de Louisiane, du Mississippi, d’Alabama et de Floride. Près de 150 dauphins, dont une moitié de bébés, ont échoué sur les côtes depuis le début de l’année et 87 tortues de mer ont été retrouvées mortes depuis un mois. Le secteur pétrolier, lui, se refait une santé. L’administration américaine a recommencé, le mois dernier, à délivrer des permis de forage en eaux profondes dans le golfe. Le Congrès, lui, n’a toujours pas légiféré sur l’une des principales à savoir le renforcement des réglementations environnementales questions soulevées par la marée noire, à l’engagement des compagnies pétrolières dans le renforcement des réglementations environnementales. Photo : AFP