Les avocats estiment que la loi, entrée en vigueur mercredi, ne va pas assez loin et réclament, notamment, d'avoir accès à l'intégralité du dossier de leur client. De la QPC à la Cour de cassation, ils envisagent plusieurs recours.
En résumé, pour la Chancellerie, le cauchemar recommence. C'est déjà par le biais de la QPC que les avocats avaient réussi, il y a à peine un an, à se faire entendre sur un sujet qui leur est cher: les droits de la défense et, en l'occurrence, la présence du conseil auprès de son client pendant la garde à vue, socle de l'enquête. En juillet dernier, le Conseil constitutionnel a été sensible aux arguments des barreaux, et il a enjoint le gouvernement d'organiser l'arrivée des avocats dans les commissariats. C'est chose faite. Sous la pression de la Cour de cassation, cette fois, le gouvernement a même dû presser le pas. Depuis le 15 avril dernier, les avocats peuvent assister aux interrogatoires des personnes mises en cause. La machine a été mise en route tant bien que mal par circulaire - on n'avait matériellement pas le temps de promulguer la loi. Pris de court, le ministère de la Justice n'a donc pas fait examiner sa copie par le Conseil constitutionnel.
Régimes dérogatoires
Dès demain, les avocats vont donc s'engouffrer dans cette brèche. Car beaucoup d'entre eux estiment que le texte ne va pas assez loin.
S'ils peuvent désormais se tenir aux côtés de leurs clients, les avocats n'ont accès qu'à une liste très précise d'éléments, essentiellement les PV d'audition. Or, c'est tout le dossier qu'ils veulent, au nom de «l'assistance effective» de leur client. Pendant que les responsables de la profession tentent d'organiser la réponse à la demande au niveau national, sur le terrain, il n'est pas rare que les robes noires rechignent à se rendre aux interrogatoires, se jugeant peu utiles…
Les barreaux s'apprêtent néanmoins également à contester la possibilité offerte par la loi aux enquêteurs de demander le report de l'arrivée de l'avocat, ou encore le rôle du parquet… La loi n'est pas encore appliquée qu'elle est déjà fragilisée par les multiples recours annoncés.
S'ils n'obtiennent pas gain de cause par le biais des QPC, les barreaux se tourneront encore vers la Cour de cassation pour défendre les grands principes. Les deux hautes juridictions ne se sont pas privées, au cours de l'année écoulée, d'exposer leurs divergences sur le sujet. Risque de se poser, par exemple, la question des régimes dérogatoires de garde à vue. L'affaire devrait donner à la Cour de cassation et au Conseil constitutionnel de nouvelles occasions de se disputer le dernier mot et le statut de cour suprême.
Après cela, les avocats pourront encore faire appel à la Cour européenne des droits de l'homme…