Le mouvement du 20 février passera surement à la postérité comme le cas d’école d’un mouvement contestataire né sous la bonne étoile du printemps arabe mais qui au fil des semaines s’est très vite métamorphosé!
Contrairement à ses frères ainés de Tunis et du Caire, le mouvement du 20 février a été victime d’une crise de croissance qu’il a mal gérée et qui s’est transformée en crise tout court!
Récapitulons par ordre chronologique :
1/ Le 20 février 2011 : le mouvement, lancé sur les réseaux sociaux virtuels prend une consistance réelle lors de manifestations organisées à travers le pays ! Certains ont applaudi l’initiative et d’autres se sont montrés plus réticents, ce qui est normal : le Maroc n’a pas connu de fièvre politique depuis des décennies et voilà qu’une ouverture se profile!
2/ Le 9 mars 2011 : le souverain ouvre le chantier des réformes politiques attendues depuis bien avant le 20 février : révision de la constitution, avec toute la batterie de réformes nécessaires. Les propositions du souverain sont claires et vont même bien au-delà des revendications brouillonnes du mouvement et une commission chargée de préparer une réforme constitutionnelle est désignée.
3/ Le 20 mars 2011, le mouvement consolide son assise et les manifestants sont plus nombreux, mieux encadrés! A Rabat et àCasablanca notamment, le succès du mouvement est visible, malgré l’éclectisme des participants et l’hétérogénéité des revendications. Le mouvement veut maintenir la pression et l’idée n’est pas mauvaise à condition de savoir manoeuvrer!
4/ La commission Manouni commence ses travaux et convoque toutes les forces vives de la nations, dont le Mouvement du 20 février! Les représentants de ce mouvement sont invités sur les plateaux télé et de radio : mais ils n’ont pas grand chose à proposer, ressassant quelques revendications, parfois très logiques, souvent à l’emporte-pièce.
4/ Pris de court, le mouvement refuse de participer à la commission radicalise ses positions, et tente de diversifier ses appuis et ses alliances : pactisant avec l’extrême gauche et se mettant sous la tutelle de Ald Wa Ihsan, tout en passant par le financement de certains hommes d’affaires désirant bousculer l’establishment économique et y faire leur place! Délaissant les manifestations de masse comme celles du 20 mars, qui furent un modèle d’expression libre de la volonté populaire, ils tentent d’organiser ce qu’ils considèrent comme des actions d’éclat, en ciblant le siège de la DST, puis le quartier populaire de Sbata, à Casablanca et dans d’autres localités du pays.
5/ Les revendications ne portent plus sur des questions sociales ou de simple politique (lutte contre la corruption, contre le népotisme, monarchie parlementaire, indépendance de la justice) ! La radicalisation vise l’essence même du régime et la réaction des services de sécurité a été très dure : interdiction des manifestations et usage systématique et inconsidéré de la force publique.
6/ Face à cette situation qu’il n’avaient peut-être pas prévue, les sympathisants du mouvement ont commencé à faire marche-arrière.
7/ Depuis, pour survivre, le mouvement semble faire appel au ban et à l’arrière-ban de ses soutiens qui naviguent sur les pages Face Book et sur Twetter, ici et ailleurs,tes pour qu’ils paient de leur personne : mais la boucle semble bouclée! Né dans un monde virtuel, loin des réalités quotidiennes du peuple , le mouvement du 20 février qui aurait pu constituer le lien entre une jeunesse désemparée et le monde politique, se trouve actuellement à un point d’inflexion : soit continuer dans la radicalisation, jusqu’à provoquer l’irréparable que serait la mort d’hommes ou de femmes, soit choisir le vrai combat politique, avec la mobilisation du peuple par un militantisme posé, réfléchi, organisé!
8/ Malgré les dénégations des 20 févriéristes, les marocains ne semblent pas intéressés par une confrontation de masse avec le régime et on commence à observer une réaction de rejet de la part des citoyens qui ne se reconnaissent pas dans les choix des contestataires!
9/ Ainsi ce mouvement qui avait toutes les chances de se voir soutenir par le peuple, dès lors que beaucoup des revendications qu’ils présentait étaient légitimes, se trouve face une impasse idéologique et stratégique!
10/ Les semaines à venir seront décisives : le projet de constitution révisée sera connu sous peu! Ce projet emportera comme un fétu de paille le mouvement du 20 février s’il répond aux exigences de modernisation et de mise à niveau du champ politique national. Dans le cas contraire, il pourrait servir de terreau à la renaissance de la contestation.