Nicolas Sarkozy a fait le ménage ce weekend, rapidement. Très rapidement. George Tron, secrétaire d'Etat à la Fonction
Publique adepte du léchage de voute plantaire, a été démissionné en quelques heures. Deux plaintes pour agression sexuelle à son encontre risquaient de salir la nouvelle virginité morale du
Monarque élyséen.
Car il veut rester « serein », « présidentiable ». Jusqu'au bout.
Mais à quel prix ?
Le camp sarkozyste dédouané ?
Ils ont chanté la Marseillaise, debout sur leur estrade, côte à côte malgré les inimitiés réelles et les coups bas de
coulisses. Ils ont fait assaut d'amabilités au point d'en amuser l'envoyé spécial du Figaro. Fillon, Raffarin, Lefebvre, Copé se sont montrés
samedi 28 mai en clôture d'un
conseil national de l'UMP. On aurait dit un lancement de campagne, mais sans candidat.
Le premier ministre, toujours en campagne contre la gauche, s'est lâché contre le parti socialiste. Peu avare en amalgame
depuis le déclenchement de l'affaire Strauss-Kahn, le premier collaborateur de Nicolas Sarkozy a sonné la charge : « A l'heure où les socialistes se trouvent dans l'obligation de ravaler
toutes les leçons de morale qu'ils n'ont cessé de nous adresser, l'UMP débat, l'UMP réfléchit, l'UMP concentre ses forces.»
Jean-François Copé a considéré que la présomption d'innocence « est à mes yeux un principe essentiel, qu'il s'agisse d'un
directeur général du FMI, d'un ministre du gouvernement comme de n'importe quel citoyen. (...) Les socialistes le défendent avec force lorsqu'il s'agit de Dominique Strauss-Kahn. Nous
l'avons fait aussi d'ailleurs. Mais pourquoi alors ont-ils jeté aux chiens l'honneur d'Eric Wœrth et de Michèle Alliot-Marie ? » Comme dirait Jean-François Kahn, s'il y a
présomption d'innocence d'un côté, c'est qu'il y a présomption de culpabilité de l'autre ? Et d'ailleurs, quel est le rapport entre les accusations de conflits d'intérêts adressées à l'encontre
de MAM et Woerth, et celles d'agression sexuelle contre DSK et le secrétaire Tron ? Aucun.
Affaires à l'UMP
Le lendemain, le secrétaire d'Etat à la Fonction publique George Tron
démissionnait justement. Il est le 6ème ministre en moins d'un an à quitter précipitamment le
gouvernement pour cause d'affaires. Une commissaire de police, « fort jolie » détaillait le Journal du Dimanche, aurait été mutée loin de Draveil, la commune dont George Tron est le
maire. Deux employées municipales s'étaient décidées par ailleurs à porter plainte pour agression sexuelle.
Tron n'est toujours pas mis en examen. A New-York, il l'aurait été et serait déjà incarcéré dans la prison de Rikers Island.
En France, Fillon « salue le courage et le sens des
responsabilités de Georges Tron, qui a ainsi fait prévaloir l’intérêt général. Cette décision lui permettra d’assurer désormais sa défense en toute liberté. » Bizarrement, le ministre n'a
pas démissionné de sa mairie de Draveil où il est pourtant justement mis en cause...
Tout présumé innocent qu'il est.
Une autre présumée innocente s'appelle Christine Lagarde. La ministre
des Finances a entamé sa propre campagne, lundi 30 mai, pour prendre la direction générale du FMI. Elle a filé au Brésil. Dimanche, elle a tenté de s'attaquer, frontalement, au soupçon d'abus d'autorité soulevé par le procureur Jean-Louis Nadal dans l'affaire
Tapie, qui a déposé le dossier à la Cour de Justice de la République. Et quelle plus belle attaque que de stigmatiser ... le procureur lui-même ?
Mais ce n'est pas tout. Lundi 30 mai,
Jean-Marie Kuhn attaque Christine Lagarde. Cet homme d'affaires avait déjà porté plainte contre la Caisse des Dépôts pour son rachat jugée complaisant des parts du restaurateur Quick
récemment racheté à Albert Frère, permettant à ce dernier de concrétiser une jolie plus-value. Cette fois-ci, M. Kuhn accuse Lagarde d'avoir autorisé le rachat par la même Caisse des Dépôts
de 25% de la filiale de transport de gaz GRTgaz auprès de GDF Suez.
Lundi 30 mai, le site des Inrocks lâchait une autre bombinette,
sur un autre ministre : Gérard Longuet, actuel ministre de la Défense (pour combien de temps ?) a été invité deux nuités dans un prestigieux palace, par le régime Ben Ali, en 2006. 2006 ? C'était
il y a une éternité.
Le même lundi, Rue89 révélait que le grand magasin le Printemps de Nancy avait licencié pour faute grave
une vendeuse qui avait plaisanté sur la présence d'un garde du corps aux côtés de Nadine Morano et de sa fille qui y faisaient leurs emplettes. Voici l'anecdote :
Albane, 36 ans, responsable du stand Kookaï, raconte :
« En plaisantant, un de mes collègues a affirmé qu'il pourrait le mettre en deux temps, trois mouvements par terre.On arrivait alors devant la porte de service qui mène aux coursives du Printemps. J'ai répondu que pour se mesurer à lui, il fallait d'abord casser la gueule à Mme Morano. »La ministre se trouvait juste derrière à ce moment-là. Albane et ses collègues restent interdits :
« On ne l'avait pas vue, elle n'a entendu que la fin de la discussion. Elle s'est énervée et a rétorqué : “Allez-y si vous voulez me casser la gueule, je vous en prie, je suis là.” »
La jeune vendeuse s'excusant, à deux reprises, la ministre Morano répliqua : « Je n'en ai rien à foutre
mademoiselle ! Vous n'aviez qu'à mesurer vos propos. Si j'avais été votre employeur vous auriez été licenciée sur-le-champ ! »
On croit rêver. Ou cauchemarder.
Stratégie de communication
Qui a dit que Nicolas Sarkozy était le meilleur DRH politique de France ? Ce weekend, l'Elysée a fait pression sur le ministre pour qu'il quitte
au plus vite l'équipe gouvernementale. Il ne fallait pas « polluer » l'excellente séquence DSK par une
minable affaire au sein de l'exécutif sarkozyen. Nicolas Sarkozy a donc sacrifié très rapidement George Tron. Lundi matin, ses sbires (Xavier Bertrand, Jean-François Copé) se répandaient sur les
ondes pour expliquer que George Tron avait pris « la bonne décision ». La
bonne décision pour qui ? Pour lui-même ou plutôt... pour Nicolas Sarkozy ? La réponse est dans la question.
Depuis novembre dernier, Nicolas Sarkozy peaufine son image de président travailleur, responsable et à l'écoute. Il prend de
la hauteur. Qu'importent les sondages et son bilan, quasi-unanimement jugé détestable ou insuffisant ! On nous explique qu'il veut « montrer sans dire », une consigne publicitaire de partenaire de
Rolex, Jacques Séguéla.
Pourtant, à chaque intervention publique, qu'elle soit provinciale ou internationale, Nicolas Sarkozy est bien en peine
d'expliquer son bilan autrement que par une étrange répétition des quelques exemples soigneusement choisi : plutôt la suppression de la taxe professionnelle que l'allègement de l'ISF ou l'échec
du paquet fiscal; plutôt la réforme(tte) des retraites que l'envolée de la dette ou l'échec sécuritaire.
Sarkozy ménagerait sa parole. Il est vrai qu'il est moins omni-présent sur les ondes. Mais le silencieux reste bien bavard et
voyageur ; il engloutit des sommes folles pour servir sa cause électorale. On compte chaque semaine deux déplacements « de terrain », avec Falcon ou hélicoptère. Chaque corporation y a
droit. Prenez ce mois de mai : le candidat prétendument discret qui laisserait la réalité parler pour lui est allé rencontrer des ouvriers (le 16), des employés EDF (le 2 mai), des Bretons (pour le 8 mai), des « net-entrepreneurs » (pour son e-G8, le 24), des agriculteurs (le 12), des gendarmes (le 19), des policiers (le 16). Chaque mois, il invite des centaines de parlementaires UMP aux frais des contribuables à
l'Elysée. Sarkozy préfère aussi convier sa femme à un G8 - à moins que cela ne soit
l'inverse.
Revirement allemand
Mais le vrai coup dur, ce lundi, est venu d'Allemagne. Angela Merkel, la nouvelle meilleure amie de Nicolas Sarkozy depuis la Grande Crise de l'automne 2008, n'a
pas attendu bien longtemps, en rentrant à Berlin après le sommet de Deauville, pour annoncer que son pays sortira du nucléaire en 2022. En fait, une précédente coalition rose/verte avait déjà
programmé cette sortie pour 2020. Une fois sortie de sa coalition avec le SPD, Angela Merkel avait suspendu le processus. «L'unité, c'est notre force et c'est la condition de notre
victoire» s'écriait Copé. Le secrétaire de l'UMP veut y croire. Il s'adressait au dernier carré des fidèles du clan. Jean-Louis Borloo, justement, devrait se déclarer candidat cette semaine.
Fichue semaine !
La catastrophe de Fukushima a eu raison du revirement allemand. A l'UMP, on se lâche et on dénonce la « folie verte » (dixit Claude Gatignol député et coprésident UMP du groupe
d'études « énergies » de l'Assemblée nationale). Le directeur de la communication d'Areva a dénoncé une décision « hypocrite » de la chancelière allemande. Il y a pourtant
quelques écologistes « centristes » pour se féliciter de cette décision : « la sortie du nucléaire en France est plus que souhaitable mais il n'y a aucune volonté politique » a
ainsi commenté Corinne Lepage.
Cette décision affaiblit la position atomiste française.
Enervés, ils sont tous.
Sarkofrance