Le 9 avril dernier, la ministre de l’Apprentissage, Nadine Morano, fait du shopping avec sa fille au Printemps, à Nancy. Toutes deux sont escortées par un officier de sécurité du ministère. Pendant ce temps-là, dans le magasin, Albane, responsable d’un stand de la marque Kookaï, se dirige vers une porte de service avec quelques collègues pour déjeuner. Ils aperçoivent la ministre et plaisantent en voyant le garde du corps. « On riait en aparté, Mme Morano était suffisamment loin pour ne pas entendre nos propos. Puis l’un de mes collègues s’est amusé en disant qu’il allait « casser la gueule » de l’officier de sécurité. Je me suis moquée de lui et je lui ai retorqué : « Tu n’as pas la constitution pour l’affronter ! Il faut d’abord casser la gueule à Morano ! » A aucun moment, je n’ai imaginé que la ministre pouvait m’entendre », confie Albane, la voix gênée à l’évocation de l’histoire.
La phrase arrive aux oreilles de la ministre, qui se trouve alors derrière eux. Albane nous raconte sa version. « J’ai entendu : « Je vous en prie, je suis là, cassez-moi la gueule ! ». Je me suis retournée, c’était Mme Morano. J’étais mortifiée, j’ai porté la main à ma bouche tant j’avais honte. Je me suis immédiatement confondue en excuses, en lui expliquant qu’il s’agissait d’une plaisanterie qui ne la visait pas personnellement. Elle était furieuse. Je lui ai dit que je ne voulais pas perdre mon emploi. Elle m’a répondu : « Je n’en ai rien à foutre mademoiselle ! Vous n’aviez qu’à mesurer vos propos. Si j’avais été votre employeur vous auriez été licenciée sur-le-champ ! » Là, j’ai commencé à avoir peur. »
Deux versions différentes
La ministre, elle, a une autre version de l’histoire. « Cette personne ne m’a pas vue mais s’est mise à hurler : « Il y a Nadine Morano dans le magasin, si quelqu’un veut aller lui casser la gueule. » Il n’était absolument pas question de mon officier de sécurité », confie-t-elle dans L’Est républicain. « J’ai eu des mots malheureux, certes, mais j’ai 36 ans, je ne suis pas dans une cour d’école, je n’aurais jamais hurlé cela dans un grand magasin de luxe », conteste Albane.
Les deux versions continuent ensuite de différer. La ministre explique avoir rappelé à l’employée les règles indispensables de politesse envers chaque client. Elle a ensuite donné sa carte de visite à la directrice adjointe du Printemps, qui venait de rejoindre la scène. Selon Albane, elle aurait dit à haute voix « Je veux des suites à ce dossier » en donnant ses coordonnées. Ce que dément formellement la ministre, qui affirme que pour elle, après avoir reçu des excuses de la jeune femme, l’affaire était close.
« Phrase sortie de son contexte »
Embauchée le 1er juin par Kookaï, Albane avait été nommée responsable du stand au Printemps le 21 juin. « Je venais d’être félicitée pour mes résultats de vente, en hausse », confie-t-elle. Malgré la satisfaction de ses employeurs, elle a appris deux jours après les faits, le 11 avril, qu’elle était mise à pied à titre conservatoire. Après un entretien disciplinaire, elle a reçu, le 26 avril, son courrier de licenciement. « Ils n’ont retenu que la version de la ministre », regrette Albane, qui a décidé d’attaquer Kookaï aux Prud’hommes pour licenciement abusif. « Je n’attaque pas Mme Morano. Je ne sais pas si c’est elle qui a voulu que je perde mon emploi, ou si c’est le directeur du Printemps qui a péché par zèle, car il venait de prendre ses fonctions une semaine auparavant. Je regrette juste que l’on en soit arrivé là pour une phrase sortie de son contexte. Aujourd’hui, ma priorité est de retrouver un emploi, pour offrir un avenir décent à mon enfant de trois ans, que j’élève seule. C’est ce que je désire plus que tout. » Joints par téléphone, ni Kookaï ni le Printemps n’ont accepté de s’exprimer sur cette affaire.
Une ministre très susceptible
La ministre de l’Apprentissage, Nadine Morano, a connu d’autres altercations qui se sont mal terminées pour la partie adverse. Ainsi, en janvier dernier, un photographe de L’Est républicain publie une photo d’elle pour illustrer un article sur les vœux de la ministre dans son fief de Meurthe-et-Moselle. Malheureusement pour le photographe, la ministre n’a pas apprécié du tout son visage sur le cliché. Officieusement, il se murmure que c’est son double menton, visible sur la photo, qui ne lui aurait pas plu. Selon l’AFP, Nadine Morano a ensuite interdit au photographe de la prendre en photo. « J’exerce mon droit à l’image. Plus jamais vous ne me prendrez en photo, c’est fini ! » Une menace qu’elle a mise à exécution lors de manifestations suivantes.
En 2009, c’est une mère de famille de 49 ans qui a été poursuivie en justice par la ministre pour avoir commenté sur Internet une vidéo d’elle sur un plateau télé. Elle avait posté : « Hou la menteuse ! »
Licenciée pour avoir insulté Morano | France Soir.