Vichy, le Mont-Dore, la Bourboule ou Châtelguyon ont su garder les fastes d'antan dans un décorum faits d'établissements autant incroyables que prestigieux exaltant les bienfaits des sources, les générosités de cette terre de feu, au royaume des eaux.
A Vichy, derrière les chalets de l'Empereur, s'étend le vaste parc Napoléon III jusqu'aux berges de l'Allier toute proche. Sur le bassin, aménagé grâce au barrage de retenue, glissent, funambules sur les reflets bleutés de l'eau, une myriade d'avirons. Les cèdres bleus de l'Atlas et les noisetiers de Byzance plantés sur les pelouses lisses, offrent une ambiance assoupie, en ces heures calmes du quartier thermal. Le charme agit vite, il étourdit, il enivre. Que reste t-il de ces stations autrefois très prisées qui doivent désormais faire avec les formules de remise en forme en tous genres ? Et que devient Vichy devant l'embouteillage industriel de son eau précieuse ? Tout ou rien... c'est selon, car il reste encore à Vichy, une atmosphère, une architecture, un décorum.
Jadis, on s'amusait ici. Entre deux cures, entre deux bains, fêtes, bals et roulotte agrémentaient le quotidien du curiste aisé, lui faisant tourner la tête. L'argent allait, le plaisir venait et la morale ou la fortune... allait et venait.
En Auvergne, le thermalisme atteint sa maturité aux XIXè et XXè siècles dans l'élan d'une médecine moderne et scientifique, d'un important développement des infrastructures et de moults engouements. A commencer, à Vichy, par ceux de Mme de Sévigné et de Napoléon III.
Le séjour d'une tête couronnée donne à la station des allures de sanctuaire, l'endroit où tout curiste se doit de travailler sa remise en forme. Entre carnet de soins et carnet de bal, une société en miroir s'y donne rendez-vous. L'alliance du glaive noir et de l'eau chaude, sous les sandales des légions romaines, qui avaient jadis accaparé ces lieux et édifié des villes, dans le prolongement des croyances et des superstitions arvernes est bien loin de cette nouvelle société.
Dans ce théâtre des convenances et du paraître, il s'agit certes de se soigner, mais aussi et surtout, de voir et de se faire voir. Les thermes restent le lieu de la cure, de la maladie ou du corps qu'il faut régénérer. Le parc, le casino, les fêtes ou les bals sont eux, les lieux de l'observation, du commentaire, de la rencontre. Si l'on se soignait le matin, le soir, l'on passait à autre chose. De fait, en quelques décennies, prolifèrent les kiosques à musiques, les salles de spectacles, les restaurants, les cafés et les hôtels plus somptueux les uns que les autres.
L'architecture de ces lieux va donc en profiter, elle aussi. Vichy regorge de bâtiments publics qui témoignent de cette époque faste tels de vieux paquebots échoués sur une plage. Ainsi, le Grand Etablissement thermal, néo-oriental avec son dôme byzantin, son hall de 170 mètres, ses fresques allégoriques ou le Hall des sources qui, carrelé de mosaïques réunit les buvettes ( Chomel, Lucas, Celestins et Grand Grille ), et le casino orné des cariatides. Sous le kiosque à musique, semble encore planer l'ombre des secrets et des malheurs cachés de ces coloniaux, usés par les tropiques, venus ici, soigner leur " gros foie " et peut-être, entre deux séances de soins, assurer leur carrière d'outre-mer.
Dans les quartiers de Vichy, on saute allègrement du néo-classique au second Empire, de l'Art déco au néo-mauresque dans des teintes crème ou bleu pâle, pistache et bistre. Mélange de luxe prostré et d'ostentation, la bourgeoisie locale imite les princes malades à travers l'urbanisme, faute de pouvoir faire mieux ou autrement.
Dans le Puy-de-Dôme, plus au sud, la station du Mont-Dore, à 1050 mètres d'altitude en est un autre exemple. Ici, l'on soigne les maladies et allergies respiratoires. Et pour ce faire, l'on n'a pas lésiné sur les moyens : des thermes à l'antique parmi les plus belles d'Europe ! Lave sombre du volcan voisin et mosaïques pour un imposant bâtiment qui rappelle la gare de Lyon version hammam et enserre les eaux siliceuses, sodiques ou carbonatées du Sancy. Les thermes contrastent avec les rues austères de la station mais cette dernière a poussé dans un cadre naturel de premier choix, au pied de l'énorme volcan du Sancy.
A Châtelguyon, l'histoire de ce maharadjah, qui, entre deux bains, se promenait avec un alligator en laisse est encore dans les mémoires. A côté des thermes de Chaussemiches inspirés de l'art roman ( 1906 ) et de l'inévitable casino, le Splendid Hôtel conserve une collection de photos sépias des fêtes d'antan. Curistes d'avant-guerre déguisés en Japonais, en marquis ou en Gaulois, sablant le champagne et dont, au matin, on soignait les troubles urinaires et les colites. Maupassant, dans son romam " Mont-Oriol " fit une satire de l'endroit en notant que les médecins proliféraient comme les bulles de gaz. Les pavillons des praticiens et les maisons thermales s'y pressent comme des champignons.
A La Bourboule, station rivale du Mont-Dore, des colonies d'enfants viennent se refaire les bronches et jouer au golf miniature sous les séquoias. Le parc Fenestre est là pour eux, la légende de la roche aux Fées aussi. Une télécabine parfois emporte les petits malades vers les cimes froides.
" Les enfants forment une ronde, les monos sont jolies,Allez suer belles têtes blondes aux thermes de Chaussy,Allez soigner à l'arsenic vos souffles affaiblis,L'air est si doux dans la bruyère au Mont Sans-Soucis ".
Au Mont Sans-Soucis - Jean-Louis MURAT - Extrait
Vichy, le Mont-Dore, La Bourboule, Châtelguyon, Néris-les-Bains, Vic-sur-Cère, partout en Auvergne ce même mélange pincé de mélancolique, du romanesque de ces sources aux architectures extravagantes qui depuis la plus haute antiquité et la découverte des eaux par les Romains, soignent les corps, soulagent les souffrances... égayent les âmes.
Des bulles pour tous les usages !
A Vichy, on compte une quinzaine de sources. Certaines d'entre elles jaillissent naturellement, d'autres ont été forcées en profondeur. Six sont utilisées pour des cures de boissons, d'autres pour des bains, la pastillerie ou les produits de beauté.
Quant à l'embouteillage, il est l'affaire de la société commerciale des eaux du bassin de Vichy : 260 millions de bouteilles sont produites chaque année ( Vichy-Célestins et Saint-Yorre ).