Tu seras rugbyman, mon fils

A l'heure où les valeurs du rugby paraissent sinon remises en cause du moins ébranlées par certaines dérives du professionnalisme, Renvoi aux 22 vous propose une relecture "ovale" du très beau poème de Rudyard Kipling, "Tu seras un homme, mon fils". Quelques mots seulement ont été changés pour vous livrer ce que pourrait dire un éducateur aux jeunes joueurs d'un centre de formation...

Si tu peux voir détruit le but de ta vie Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, Et perdre en une fois le titre sur une partie Sans mauvais geste et sans un soupir,

Si tu peux être ardent sans cogner comme un sourd ; Si tu peux être fort pour ne jamais te rendre Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour, Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles Travesties par certains, à la une des journaux, Et d'entendre mentir sur toi des bouches folles, Sans mentir toi-même d'un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire, Si tu peux rester simple sans te prendre pour un roi Et si tu peux aimer tes équipiers en frères, Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais t'entraîner, observer et connaître, Sans jamais pratiquer un jeu réducteur Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître, Jouer, sans n'être qu'un joueur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage, Si tu peux être brave et jamais imprudent, Si tu peux être bon, respecter l'arbitrage, Dominer l'adversaire sans être pédant ;

Si tu peux rencontrer triomphe après défaite Et recevoir ces deux menteurs d'un même front, Si tu peux conserver ton courage et ta tête Quand tous les autres les perdront ;

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire Seront à tout jamais tes esclaves soumis Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire, Tu seras un Rugbyman accompli, mon fils.