Le projet est extrêmement ambitieux. "Il s’agit de faire travailler ensemble des centaines, voire des milliers de scientifiques, comme cela a été fait en physique, pour aboutir à un modèle du cerveau humain", explique Henry Markram, promoteur du projet appelé Human Brain Project. Les prémices de cette grande entreprise ont été lancées en 2005 avec le projet Blue Brain. A cette étape de l'informatique, il fallait un ordinateur grand public pour modéliser un seul neurone. "Aujourd’hui nous avons 16 000 processeurs, mais nous pouvons déjà reproduire quelque 360 000 neurones", explique le fondateur du programme .
Mais le laboratoire ne compte pas s'arrêter là. L'objectif à long terme est de reproduire le fonctionnement des 1 000 milliards de neurones du cerveau humain. Cela requiert un ordinateur capable de faire près d'un milliard de milliards d'opérations par seconde et très gourmand en énergie. De tels moyens techniques pourraient offrir en 2023 une simulation complète de cerveau humain. Celle-ci permettra de tester dans les conditions réelles des médicaments ou remèdes.
Les champs d'action de cette démarche sont illimités. Le projet permettrait de soigner les maladies d'Alzheimer, de Parkinson, l'autisme et d'autres maladies cérébrales. Seulement cette infrastructure a un coût. Le dossier est sur le bureau de l'Union Européenne et cherche un financement exceptionnel. Bruxelles choisira deux projets sur les six présentés pour un financement de 100 millions d'euros par an pendant 10 ans.
Si le projet Human Brain n'était pas choisi, il s'agirait d'"une tragédie pour la société" pour M.Markram. "Deux milliards de personnes souffrant de maladies du cerveau et l’industrie pharmaceutique s’est retirée des recherches sur le cerveau, parce que c’est trop complexe". Le cerveau numérique pourrait également offrir d'incroyables avancées en informatique et en robotique.
Mais de là à voir une application d'intelligence artificielle totalement calquée sur celle de l'Homme, il y a encore de nombreuses étapes à franchir. "A ce stade, on en est encore loin", déclare le neurobiologiste français Jean-Pierre Changeux du Collège de France et responsable de l'éthique dans le cadre du Human Brain Project. Il précise toutefois que le développement de ce cerveau numérique arriverait "à avoir un organisme artificiel qui ait certains attributs de la conscience".