Andrée Chedid divise son texte en trois parties : l’appel, le crime et le désir.
L’appel est celui de Lucy , cette pionnière qui veut se transformer .
«Enfouie dans l’épaisseur du temps, perdue au creux des millénaires, suspendue par moments aux branches d’un arbre, je vais, je viens, j’appelle. Je cherche à me faire entendre, à m’approcher.Le crime est celui que projette d’accomplir la romancière elle-même pour effacer deuils, massacres, carnages, souffrances sans fin de l’avenir de Lucy.
Me faire entendre de qui ? M’approcher de quoi ?… Je cherche à rejoindre. A te rejoindre toi, là-bas, si loin, à des millions d’années. Toi, mon enfant d’un autre temps.»
«Je ne sais encore comment m’y prendre, et j’ignore de quelle façon je mènerai ce récit. Mais j’échafauderai, au fur et à mesure, la préparation du meurtre et le témoignage des mots.Le désir surgit au premier vrai regard entre Lucy et la femme qui sait non seulement se tenir debout mais aussi tenir une plume et écrire.
J’exterminerai Lucy.
J’enrayerai la race humaine et son destin pervers.»
«Je ressuscite ces minutes où le temps explose, où Lucy me hante, puis m’habite. Ces minutes où Lucy, menée par une brûlante envie de nous rejoindre –mieux que cela- de nous enfanter-, redresse son corps, et enfin debout accomplit son premier pas. Dorénavant je suis avec Lucy. L’une et l’autre, quoi qu’il advienne, nous sommes réunies . Je deviens elle. Elle devient moi.Par la grâce de Lucy, j’existerai, tu existeras, nous existerons. J’accéderai au monde et à son mystère. J’accepterai l’énigme. Je consentirai au combat. …Vois combien la Vie nous désire et combien, par milliards, nous lui répondrons.»Voici un livre que j’ai goûté comme un long poème très aimé, l’épopée de l’évolution humaine.
Lucy, La femme verticale de Andrée Chedid, (Flammarion, 1998, 95 pages)