« Dans une mégapole futuriste en déshérence, Gabriel Stern, tueur, camé, hanté par ses cauchemars, se lance sur les traces de sa dernière cible… »
En ce début du siècle prochain, Gabriel compte parmi ces fonctionnaires en charge du linge sale de l’état. Son boulot consiste à laver plus blanc que blanc et il s’en acquitte avec un zèle qui fait l’admiration de ses supérieurs. Mais en fait, Gabriel cherche surtout à fuir un passé qui peut le hanter pendant des nuits infinies…
Un passé qui le rend accro à la « Blue » : cette drogue aussi puissante qu’onéreuse décuple ses sens et ses performances. Mais elle lui permet aussi d’oublier, le temps d’une dose, d’un fix, ces images d’un passé bien lointain et pourtant si proche. Celles d’un bloc opératoire rempli d’enfants qui hurlent de frayeur sous les scalpels des chirurgiens.
Jusqu’à ce qu’un jour, la « Blue » ne lui suffise plus…
La science-fiction ne compte plus ses futurs sombres où l’individu se dissout dans les intérêts du groupe. Thème pour le moins privilégié du genre, on l’appelle souvent « dystopie » – ou contre-utopie, en un néologisme bien plus explicite que le précédent – et il compte parmi ses plus célèbres itérations des classiques comme Le Meilleur des Mondes (Aldous Huxley ; 1931) ou 1984 (George Orwell ; 1949). Mais on peut aussi y ajouter des ouvrages moins connus tels que Nous autres (Evgueni Ivanovitch Zamiatine ; 1924) ou Les Monades urbaines (Robert Silverberg ; 1971), ou encore Humanité et demie (T.J. Bass ; même année). Parmi beaucoup d’autres.Septième Ange s’inscrit dans un registre proche et bâtit son originalité sur la « profession » de son protagoniste principal : de par son activité de tueur à la solde de l’état, celui-ci fait pencher le récit dans la direction du roman Le Travail du furet à l’intérieur du poulailler (Jean-Pierre Andrevon ; 1983) – gage de qualité. Mais puisque près d’une génération a passé entre la publication de ces deux récits, le plus récent des deux se colore bien sûr d’un aspect high-tech plutôt absent de son prédécesseur. À vrai dire, d’ailleurs, c’est bien son seul réel avantage : trop court pour aller vraiment au fond des choses, Septième Ange se contente donc d’effleurer son sujet.
Là où ce one shot brille, par contre, c’est dans ses graphismes. Kenjo Aoki nous fait ici une brillante démonstration de son talent pour le moins inhabituel. Car ses dessins, ici au moins, présentent comme particularité de ne pas s’attarder sur les détails et au contraire frôlent le croquis, frisent le rough, voire même flirtent avec le concept art. Dans le domaine de la narration graphique, le seul exemple qui me vienne à l’esprit d’une œuvre réalisée toute entière à l’aide d’une telle technique est le premier et à ce jour unique tome de la série La Porte écarlate d’Olivier Ledroit (1) – un autre gage de qualité. À moins que vous préfériez la comparaison avec les impressionnistes…Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit au final : d’images dont seule la toute première impression qu’elles dégagent compte, le reste ne présentant au final qu’assez peu d’importance. Pour cette raison, je veux dire puisque le lecteur ne peut se perdre dans les détails vu qu’ils se montrent trop flous, l’auteur doit mettre l’accent sur les couleurs – c’est-à-dire sur la lumière, seule à même de rendre les formes compréhensibles (2). Et sur ce point, Aoki démontre une maîtrise rare, tant sur les contrastes classiques que les clairs-obscurs ou les tons sur tons ; en fait, il se situe à l’opposé d’un Geof Darrow dont le souci du détail quasi schizophrénique nuit souvent à la lisibilité de ses dessins.
Mais au-delà de ces considération somme toute assez techniques, Septième Ange est aussi le récit poignant d’une victime à la recherche de la rédemption. Si Gabriel trouvera cette libération, il vous reste encore à découvrir comment, et surtout de quelle délivrance il s’agit…
(1) mais je n’exclue pas que ce soit une conséquence de mon ignorance : si tel est le cas, n’hésitez pas à m’éclairer. ↩
(2) pour plus de détails sur ce point, j’invite le lecteur à consulter mon tutorial sur les techniques d’éclairage en level design. ↩
Note :
Le prénom du protagoniste principal, Gabriel, est le même que celui d’un des archanges de la Bible, justement au nombre de sept. Mais le récit n’indique à aucun moment quel est le lien entre ces deux personnages, ni même s’il y en a un en dehors de leur simple homonymie.
Septième Ange, Stéphane Miquel, Nicolas Tackian & Kenjo Aoki
Soleil Productions, collection Fusions, mars 2007
48 pages, env. 3 €, ISBN : 978-2-849-46772-5