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les polars de Leif Davidsen

Publié le 23 janvier 2008 par Pierrebrice

Les chiens écrasés et les phoques échoués d’Odense ne sont pas la tasse d’akvavit de Leif Davidsen. Il ne se voit pas échotier dans le canard local, alors, journaliste, diplômé de l’école supérieure de Copenhague, il décide de parcourir le monde, d’abord en free-lance, puis comme reporter de la radio-télévision danoise et correspondant de plusieurs journaux danois.

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Il faut dire que, le monde, il le connaît déjà  bien : après des études aux États-Unis, il traverse l’Europe en stop, et accumule, au passage, d’Hambourg à Barcelone, des tas de petits boulots. Il est à Moscou, comme journaliste, il lors de la chute du communisme, qu’il utilise souvent comme décor de ses romans : pour ses compatriotes, Leif Davidsen a longtemps été une voix, plus ou moins lointaine, la voix du chroniqueur qui raconte le Monde à la radio : le voici devenu une plume.

Auteur de romans d’espionnage à suspens, Leif Davidsen donne ses personnages une épaisseur rare dans ce type de littérature, car c’est bien de littérature qu’il s’agit, de littérature scandinave d’excellent niveau : c’est surtout vrai pour les premiers -mes préférés-, je trouve qu’avec le temps ses romans se sont simplifiés, allégés, tant dans la forme que dans le fond, ses intrigues se sont appauvries …

Un de mes préférés, c’est “la photo de Lime“.

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Lime est un photographe danois qui vit à Madrid, un photographe paparazzi qui shoote un influent homme politique en galante compagnie, un peu au-dessus de Barcelone. Lime est repéré et les ennuis commencent à lui tomber dessus, mais les représailles sont disproportionnées par rapport aux dommages qu’a pu provoquer la publication de la photo : que se passe-t-il ? qui sont ses ennemis ? qui lui en veut ?
Lime, pour se défendre, va suivre plusieurs pistes riches en rebondissements, poursuivre les réseaux terroristes basques sur lesquels le journaliste Leif Davidsen a enquêté lorsqu’il était correspondant à Madrid.

L’action nous fait traverser l’Espagne, le pays basque, l’Europe et la vie de Lime.
Comme à chaque fois, pour comprendre, pour se comprendre, Lime devra revenir au Danemark, sur les lieux de son enfance, de sa jeunesse, de ses premières amours … La magie de Leif Davidsen fonctionne à fond, et Lime devient un ami, on veut s’attabler à ses côtés dans les petits bistrots madrilène qu’il apprécie, pleurer avec lui, sur la terrasse de la ville de son beau-père, déambuler dans les mêmes ruelles …

Le danois Serbe“, reste, à mon avis un des meilleurs romans de Leif Davidsen.

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Il se déroule à Copenhague, ville éminemment sympathique : Leif Davidsen est un grand voyageur qui nous fait à chaque fois arpenter la planète.
Le voici de retour chez lui.

Lise Carlsen, journaliste d’un grand quotidien danois, doit recevoir une célèbre écrivain iranienne qui réside à Londres sous haute protection et dont la vie est menacée.
Elle se retrouve obligée de collaborer avec un vieux briscard des services secrets, un rien bougon, professionnel, mais désabusé.

Leif Davidsen déroule en parallèle, avec un sens consommé du rythme et du suspens, les préparatifs de l’arrivée de l’écrivain et le parcours de son assassin.
Le jeu de piste démarre en ex-Yougoslavie, il entraîne le lecteur dans tous les recoins de Copenhague et dans l’intimité de la vie des Danois.
Plus roman policier que roman d’espionnage, superbement écrit, le Danois Serbe est aussi une chronique sympathique de la vie danoise qui doit impérativement se lire avant la visite de Copenhague, que vous ne devez d’ailelurs pas oublier de visiter !

Leif Davidsen maîtrise son style et son art, il est devenu un auteur majeur à ne pas rater. Attention ! commencer la photo de Lime, c’est la finir dans la journée !

Dans mon classement personnel, “la chanteuse russe” et “le russe candide” arrivent à égalité en troisième position.

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L’écriture dépouillée et efficace de Leif Davidsen s’est aiguisée, le sens du suspens et des rebondissements aussi. Il n’est plus le journaliste qui s’essaye à la littérature (avec brio), il devient romancier : “la chanteuse russe” s’installe plus dans le roman, dans la narration d’une histoire : l’intrigue simplissime est le prétexte de digressions et de descriptions tout à fait passionnantes, mais la photo de Lime est l’aboutissement, confirmé par l’excellent danois serbe.

Leif Davidsen utilise un style limpide sans effets de manches, il installe tranquillement son action, ses personnages, décrit les lieux, les sentiments, les villes qu’il aime.
Son style, rigoureux, est très journalistique.

Il s’exalte en racontant Copenhague, les danois et le Danemark, Madrid, Moscou, auteur de romans palpitants, bien écrits, construits comme de longues chroniques documentées, il nous plonge avec brio dans la réalité d’une époque, et nous fait en plus voyager !

L’histoire de “la chanteuse russe” est simple, c’est-à-dire peut-être vraie, en tous cas plausible, émaillée de rebondissements, de réflexion, de rencontres, pendant lesquels le lecteur s’attache au héros, consul du Danemark à Moscou, aux personnages, dont on partage les journées, les tracas, les amours, les ambitions ou les désillusions :à la veille de la mort de Tchernenko, une secrétaire de l’ambassade du Danemark à Moscou est retrouvée morte dans son appartement. Les gouvernements russes et danois refusent que cette histoire assombrisse leurs relations, et le consul ne veut pas que cette affaire soit enterrée, alors il enquête seul sur ce crime déguisé en suicide.

Le lecteur s’attache aux lieux qu’il a l’impression de visiter, ici Moscou, ailleurs Copenhague, Madrid et l’Espagne : c’est une des forces de Leif Davidsen : une écriture très visuelle, cinématographique, sans être alourdie de détails inutiles, il promène sa caméra et son stylo, comme Lime le paparazzi son téléobjectif.

Leif Davidsen entremêle les destins de trois personnages qui n’ont rien en commun et que le hasard finira par réunir : “le russe candide” qui voue au parti un culte sans limite et qui rumine sa désillusion devant l’effondrement du communisme et de sa vie, Félix, l’homme d’affaires danois d’origine arménienne qui se retrouve enlisé en pleine guerre civile, et puis la belle artiste qui veut sortir de se bourbier pour s’offrir le luxe dont elle rêve …

Félix est celui à qui l’on peut le plus facilement s’identifier, européen, moderne jusqu’au bout du Palm Pilot, on partage tour à tour son immense désarroi et la jouissance de son relatif soulagement, le réconfort tant espéré après l’épouvantable effort.
Ici encore, Leif Davidsen nous chope par le bout du nez et nous promène à sa guise : la seule chose que l’on veut savoir, à chaque page, c’est ce qui se passe à la page suivante !

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Et comme d’habitude, les héros qui le peuvent trouvent la paix au Danemark, et donnent à leur vie parfois, jusque là, ratée, un sens nouveau et une épaisseur humaine.
Globe-trotter ou pas, le lien de Leif Davidsen avec le Danemark est très fort, quasi ombilical. Ici encore, il est le havre de paix après avoir été la source, il est l’aboutissement, l’endroit où tout s’accomplit, où le héros retrouve ou trouve la plénitude.

Je ne vous ai pas cite “la femme de Bratislava” et “le dernier espion“, mais je ne peux pas tout faire : ne soyez pas trop exigeants !
Les deux derniers sont “l’ennemi dans le miroir“(la suite du Danois serbe),

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et “l’épouse inconnue“, qui se passe au Danemark et dans l’ex-URSS.

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Il faut lire le danois serbe avant de visiter Copenhague, il faut écouter les souvenirs de Lime pour commencer à comprendre les danois et le Danemark …
Les romans de Leif Davidsen ne déçoivent qu’à  la fin, quand vous les terminez : les Davidsen à lire ont un point commun avec les autres Davidsen de Copenhague, ceux d’Ida, même copieux, ils sont trop courts ! vous dévorerez et dégusterez les deux avec le même enthousiasme !

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Un inédit de Leif Davidsen, une courte nouvelle
que vous ne trouverez pas en librairie, désolé …
peut-être, bientôt, plus tard, un recueil de nouvelles ?

Les romans de Leif Davidsen sont traduits du danois par Monique Christiansen et Martine Selvadjian (”le dernier espion”)
Ils sont publiés en français par les éditions Gaïa (qui publie aussi les excellents polars norvégiens de Gunnar Staalesen).
Retrouvez sur le site de la Fnac tous les romans de Leif Davidsen.
Retrouvez sur le site de la Fnac tous les romans de Gunnar Staalesen.


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